Un suspense en forme de puzzle qui se reconstitue au fil des cinq points de vue.
J'ai adoré la première partie du roman, celle qui donne la parole à Alice, Joseph et accessoirement Maribé, et nous immerge dans un milieu aussi difficile que méconnu : celui des agriculteurs. Alice est assistante sociale, elle sillonne « les fermes du territoire pour rencontrer ceux que plus grand monde ne va voir, pour leur expliquer que Non, ils ne sont pas tout seuls, qu'ils ont des droits, qu'il existe des aides pour embaucher une femme de ménage ou laisser son troupeau à quelqu'un au moins une semaine en août. Personne n'imagine ce qui se passe à l'intérieur de ces exploitations où seuls rentrent encore quelques professionnels. » Parmi eux, Joseph, éleveur de brebis, « un homme que l'isolement avait cassé. » L'isolement (« ni femme ni frère ni parent pour partager un peu de mon temps ») mais aussi « la charge de travail avec les bêtes » que tour à tour il affectionne (« Savez, moi je sais parler qu'aux bêtes. Et à mon chien. ») ou déteste quand le découragement prend le dessus parce que « c'est pas humain cette vie que tu mènes. »
C'est dans ce contexte que disparaît Evelyne Ducat, épouse d'un gars du coin qui a fait fortune à la ville puis est revenu au pays exhiber sa richesse, symbole de ces « multinationales déployant leurs tentacules empoisonnés au détriment des gens du coin. ». La police n'a pas retrouvé le corps mais le lecteur apprendra au cours de l'histoire quel étrange sort il a connu... Car dans cette région reculée, dominée par la « tourmente » (tempête) hivernale, les croyances, les non-dits (même si tout se sait) et les rêves envolés, rien d'étonnant à ce que les esprits dérapent...
Et puis voilà Armand. Autre lieu, autre contexte. Nous sommes en Afrique. Pourquoi ? Quel rapport avec les éleveurs du Causse ? Ce changement brutal, sans aucune transition, me déstabilise. Je frôle le décrochage. Mais peu à peu, le personnage me capte, ou plutôt sa « profession » : il est « brouteur » comme on dit là-bas, à savoir arnaqueur du web. La toile de l'auteur se tisse alors, on entrevoit l'habile jeu de fils qui relient tous ces individus, plus ou moins malgré eux, et c'est ingénieux ! Un peu comme une sorte d'effet papillon dont on mesurerait le déploiement, l'ampleur, page après page. Avec le dernier protagoniste, la boucle est bouclée, les méprises levées, mais la dure réalité pas pour autant acceptée... Mais après tout, pourquoi serait-on obligé de s'y plier ?
Un roman à la construction habile et au final bluffant !
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