Correspondance : Friedrich Nietzsche / Paul Rée / Lou von Salomé

L'espoir nous renvoie au futur, nous en attendons quelque chose, au lieu de nous réconcilier avec le présent ; en conséquence nous sommes malheureux. (19/10 /1879 Paul Rée à Friedrich Nietzsche).

Non, - quelques petits et misérables que puissent être mes pensées et mes sentiments - je suis décidé à vous les cacher aussi peu qu'à moi-même. Je préfère que vous voyiez ce qui vous déplaît plutôt que de vous celer ce qui déplairait. J'ai une si haute idée de votre amitié que je vois crois disposé à me garder en affection en dépit de la petitesse et de la misère de mes pensées et de mes sentiments ; quant à moi, j'obtiens ainsi l'incroyable avantage de pouvoir être ouvert et spontané sans restriction - ce qui seul me permet d'apprécier pleinement votre amitié. (21/06/1876 - Paul Rée à Friedrich Nietzsche )

Les conversations avec Nietzsche sont extrêmement agréables - tu dois le savoir mieux que moi. Mais elles ont un charme particulier qui tient à la rencontre des mêmes pensées, impressions, idées, on peut presque se comprendre à demi-mots. Frappé par ce fait, il m'a dit un jour : " Je crois que la seule différence entre nous est celle de l'âge. Nous avons vécu et pensé de la même façon." (14 août 1882 Journal de Lou von Salomé pour Paul Rée)

N. continue à se comporter à l'égard de la connaissance qu'il vise comme le croyant à l'égard de son dieu, la métaphysique, il met sa tête et sa force de caractère à son service. C'est pourquoi il tient encore à se voir et à se connaître tel qu'il aimerait être face à son dieu de la connaissance. (21/08/1882 Lou von Salomé, journal pour Paul Rée).

Hélas - les moralistes sont des gens effroyables : ils se réjouissent au moindre défaut qu'ils peuvent trouver chez un homme et l'expriment ensuite de manière aussi mordante et tranchante que possible, simplement dans le but de faire admirer leur finesse ! (25 /12 / 1876 Paul Rée à Elisabeth Nietzsche )

Qui sait combien il faudra de générations pour produire quelques hommes qui comprennent dans toute sa profondeur ce que j'ai fait ! Et même alors je suis effrayé en pensant à tous ceux qui, totalement incompétents et sans justification, se réclameront un jour de mon autorité. (début mai 1884, Nietzsche, brouillon de lettre à Malvida von Meysenbug).

Découvrir une région du globe, une comète ou n'importe quoi d'autre est sans doute fort méritoire, - mais que dire, selon vous, de la découverte d'un homme ? ( 30/05/1876 Paul Rée à Friedrich Nietsche)