AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La généalogie de la morale (141)

Nous restons nécessairement étranger à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, nous ne pouvons faire autrement de nous prendre pour autre chose que nous ne sommes; pour nous vaut de toute éternité la formule: chacun est à soi-même le plus lointain.
Commenter  J’apprécie          10
Ne pas pouvoir prendre longtemps au sérieux ses ennemis, ses malheurs et jusqu’à ses méfaits — c’est le signe caractéristique des natures fortes, qui se trouvent dans la plénitude de leur développement et qui possèdent une surabondance de force plastique, régénératrice et curative qui va jusqu’à faire oublier. (Un bon exemple dans ce genre, pris dans le monde moderne, c’est Mirabeau, qui n’avait pas la mémoire des insultes, des infamies que l’on commettait à son égard, et qui ne pouvait pas pardonner, uniquement parce qu’il — oubliait). Un tel homme, en une seule secousse, se débarrasse de beaucoup de vermine qui chez d’autres s’installe à demeure ; c’est ici seulement qu’est possible le véritable « amour pour ses ennemis », à supposer qu’il soit possible sur terre.
Commenter  J’apprécie          40
«  Quand la paix règne, l’homme belliqueux se fait la guerre à lui- même » …
Commenter  J’apprécie          110
L’homme « libre », le détenteur d’une vaste et indomptable volonté, trouve dans cette possession son étalon de valeur : en se basant sur lui-même pour juger les autres, il vénère ou méprise ; et de même qu’il honore fatalement ceux qui lui ressemblent, les forts sur qui on peut compter (ceux qui peuvent promettre), — donc chacun de ceux qui promettent en souverain, difficilement, rarement, après mûre réflexion, de ceux qui sont avares de leur confiance, qui honorent lorsqu’ils se confient, qui donnent leur parole comme quelque chose sur quoi l’on peut tabler, puisqu’il se sent assez fort pour pouvoir la tenir en dépit de tout, même des accidents, même de la « destinée » — ; de même il sera fatalement prêt à chasser d’un coup de pied les misérables roquets qui promettent, alors que la promesse n’est pas de leur domaine, à battre de verges le menteur déjà parjure au moment où la parole passe sur ses lèvres. La fière connaissance du privilège extraordinaire de la responsabilité, la conscience de cette rare liberté, de cette puissance sur lui-même et sur le destin, a pénétré chez lui jusqu’aux profondeurs les plus intimes, pour passer à l’état d’instinct, d’instinct dominant : — comment l’appellera-t-il, cet instinct dominant, à supposer qu’il ressente le besoin d’une désignation ? Ceci n’offre pas l’ombre d’un doute : l’homme souverain l’appelle sa conscience…
Commenter  J’apprécie          40
L’oubli n’est pas seulement une vis inertiae, comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai sens du mot, faculté à quoi il faut attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la vie, tout ce que nous absorbons se présente tout aussi peu à notre conscience pendant l’état de « digestion » (on pourrait l’appeler une absorption psychique) que le processus multiple qui se passe dans notre corps pendant que nous « assimilons » notre nourriture. Fermer de temps en temps les portes et les fenêtres de la conscience ; demeurer insensibles au bruit et à la lutte que le monde souterrain des organes à notre service livre pour s’entraider ou s’entre-détruire ; faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, et en particulier pour les fonctions et les fonctionnaires plus nobles, pour gouverner, pour prévoir, pour pressentir (car notre organisme est une véritable oligarchie) — voilà, je le répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister sans faculté d’oubli.
Commenter  J’apprécie          40
Le non-sens de la douleur, et non la douleur elle-même, est la malédiction qui a jusqu’à présent pesé sur l’humanité, — or, l’idéal ascétique lui donnait un sens !
Commenter  J’apprécie          30
Toutes les grandes choses périssent par elles-mêmes, par un acte d’ « auto­suppression » : ainsi le veut la loi de la vie, la loi d’une fatale « victoire sur soi-même » dans l’essence de la vie — toujours, pour le législateur lui-même finit par retentir l’arrêt « patere legem quam ipse tulisti ». C’est ainsi que le christianisme en tant que dogme a été ruiné par sa propre morale ; ainsi le christianisme en tant que morale doit aussi aller à sa ruine, — nous sommes au seuil de ce dernier événement. L’instinct chrétien de vérité, de déduction en déduction, d’arrêt en arrêt, arrivera finalement à sa déduction la plus redoutable, à son arrêt contre lui-même ; mais ceci arrivera quand il se posera la question : « que signifie la volonté de vérité »… Et me voici revenu à mon problème, à notre problème, ô mes amis inconnus (— car je ne me connais encore aucun ami) : que serait pour nous le sens de la vie tout entière, si ce n’est qu’en nous cette volonté de vérité arrive à prendre conscience d’elle-même en tant que problème ? ... La volonté de vérité, une fois consciente d’elle-même ce sera — la chose ne fait aucun doute — la mort de la morale : c’est là le spectacle grandiose en cent actes, réservé pour les deux prochains siècles d’histoire européenne, spectacle terrifiant entre tous, mais peut-être fécond entre tous en magnifiques espérances…
Commenter  J’apprécie          30
Tous mes respects pour l’idéal ascétique, tant qu’il est sincère, tant qu’il a foi en lui-même et qu’il ne joue pas la comédie. Mais je ne puis souffrir toutes ces coquettes punaises qui mettent leur ambition sans frein à flairer l’infini jusqu’à ce que l’infini fleure la punaise ; je ne puis souffrir ces sépulcres blanchis qui parodient la vie, je ne puis souffrir ces êtres fatigués et aveulis, qui se drapent dans la sagesse et se donnent un regard « objectif » ; je ne puis souffrir ces agitateurs travestis en héros, qui ceignent leur tête d’épouvantail à moineau du heaume magique de l’idéal ; je ne puis souffrir ces comédiens ambitieux qui voudraient jouer les ascètes et les prêtres, mais ne sont que de tragiques pantins ; et je ne puis les souffrir non plus, ces nouveaux trafiquants en idéalisme, ces antisémites qui aujourd’hui tournent des yeux, frappent leur poitrine de chrétiens, d’Aryens et de braves gens, et par un abus exaspérant du truc d’agitateur le plus banal, je veux dire la pose morale, cherchent à soulever tout l’élément « bête à cornes » d’un peuple […].
Commenter  J’apprécie          50
Je ne sais rien qui me cause plus de dégoût qu’un de ces fauteuils « objectifs », un de ces mignons parfumés de l’histoire, mi-prêtre, mi-satyre, dans le goût de Renan, et qui trahit déjà par le fausset aigu de ses homélies ce qui lui manque, par où il est incomplet, où les cruels ciseaux des Parques ont exercé leur office, hélas ! trop chirurgical !
Commenter  J’apprécie          10
Même au point de vue physiologique, la science repose sur les mêmes bases que l’idéal ascétique : l’un et l’autre supposent un certain appauvrissement de l’énergie vitale, — c’est, dans les deux cas, le même tiédissement des passions, le même ralentissement de l’allure ; la dialectique prend la place de l’instinct, la gravité pose son empreinte sur le visage et les gestes (la gravité, ce signe infaillible d’une évolution plus pénible de la matière, de difficultés et de luttes dans l’accomplissement des fonctions vitales). Voyez, dans l’évolution d’un peuple, les époques où le savant passe au premier plan : ce sont des époques de fatigue, souvent de crépuscule, de déclin, — c’en est fait de l’énergie débordante, de la certitude de vie, de la certitude d’avenir.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (1913) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Philo pour tous

    Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

    Les Mystères de la patience
    Le Monde de Sophie
    Maya
    Vita brevis

    10 questions
    438 lecteurs ont répondu
    Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

    {* *}