Ce livre rassemble 4 essais.
1)
La philosophie à l'époque tragique des Grecs ;
2) 5 conférences
sur l'avenir de nos établissements d'enseignement ( Bâle, 1872 ) :
3) 5 préfaces de livres non écrits ( 1872 ) ;
4)
Vérité et mensonge au sens extra-moral ( 1873 ).
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C'est assez hétéroclite, et en plus,
Nietzsche, comme d'habitude, est assez nébuleux. Cependant, je suis un chercheur de pépites, et là, j'en ai trouvé deux ! Mais procédons dans l'ordre des essais.
1) Je connais peu les Grecs antiques, sauf un peu Socrate,
Platon et
Aristote, mais celui qui m'a le plus impressionné ici est
Héraclite, pour son arrogance simple : "Le monde a éternellement besoin de vérité, il a donc éternellement besoin d'
Héraclite. Lui n'a pas besoin du monde ; que lui importe sa gloire ?".
2) Les 5 conférences sont destinées aux étudiants suisses.
Nietzsche prend un exemple de deux étudiants qui, à la campagne, interrompent la conversation d'un disciple avec son maître. le maître blâme l'abandon de la culture antique dans les "gymnases" ( mauvaise traduction du "gymnasium" allemand ), au profit d'une pseudo-culture, les enseignants étant plus intéressés par le profit financier et le prestige que par la passion de leur matière, abandonnant les étudiants à leur propre imagination.
3) Dans les 5 préfaces, celle qui m'a posé question est "L'Etat chez les Grecs", où
Nietzsche défend à la fois la sagesse des philosophes et, citant l'Illiade, la violence des villes-Etats grecques : il ya pour moi incompatibilité.
Cependant, dans la préface de "Le rapport de la philosophie de
Schopenhauer", je trouve ma première pépite :
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"Lorsque cette culture allemande d'aujourd'hui, dépourvue d'enthousiasme et qui se baptise historienne, lorsqu'à ce philistinisme que la grandeur rend haineux et fait écumer de rage, s'ajoute cette troisième confrérie de brutes et d'excités ( celle de ceux qui courent au bonheur ) , ce mélange provoque alors une clameur si intolérable, une mêlée à se rompre les os telle, que le penseur, oreilles bouchées et yeux bandés, fuit vers le désert le plus retiré, vers l'endroit où il lui est donné de voir ce que ceux-là ne verront jamais, où il lui faut écouter la musique qui monte vers lui des grandes profondeurs de la nature et descend des étoiles."
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Nietzsche classe les Allemands en 3 catégories, les philistins, les "je sais tout" qui couvrent "La culture allemande d'aujourd'hui", et les vrais penseurs, abreuvés de Grecs antiques et de grands auteurs allemands du siècle précédent, comme Schiller et
Goethe. Ces penseurs allemands, comme Shopenhahauer et probablement lui-même, sont déçus par ce que devient l'Allemagne "pseud-cultivée" ; et je pense que c'est pour ça que
Nietzsche a pris la fuite de cette Allemagne-à-la-triste-figure, d'abord vers Sils-Maria en Suisse, puis à Nice et en Italie.
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4) Enfin, le plus intéressant et le plus clair est pour moi "
Vérité et mensonge au sens extra-moral ; un petit essai où
Nietzsche analyse le concept de "vérité", terme qui lui tient particulièrement à coeur ; et voilà une deuxième pépite :
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"Qu'est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été rehaussées, transposées, et ornées par la posésie et par
la rhétorique, et qui après un long usage, paraissent établies, canoniques et contraignantes aux yeux d'un peuple : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores usées qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur effigie et qu'on ne considère plus désormais comme telles, mais seulement comme du métal."
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Cette phrase essentielle explique tout le combat de
Nietzsche à la recherche de cette "vérité en soi", chose galvaudée et déformée par l'homme à cause de ses anthropomorphismes, l'homme construisant une pyramide de concepts sur des fondations mouvantes ( la Nature ), les concepts n'étant pas assez riches pour rapporter la vérité avec précision sur "le monde en soi", le monde réel, la Nature. Et donc, paradoxalement, la vérité est illusion, une comédie humaine, et Friedrich pense là fortement aux dogmes de l'Eglise.
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En conclusion, ce recueil philosophique, est peu perméable, mais l'on se rend compte que depuis le début (1872 ) jusquà la fin (1888 ),
Nietzsche revient souvent sur les mêmes thèmes intéressants, par différentes voies. Et il y a, comme dans chaque livre, des pépites !