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Giorgio Colli (Éditeur scientifique)Mazzino Montinari (Éditeur scientifique)Jean-Louis Backès (Traducteur)Michel Haar (Traducteur)Marc Buhot de Launay (Traducteur)
EAN : 9782070325221
256 pages
Gallimard (13/03/1990)
3.63/5   15 notes
Résumé :

" Les Grecs, parce qu'ils sont véritablement sains, ont une fois pour toutes légitimé la philosophie elle-même du simple fait qu'ils ont philosophé, et bien plus en effet que tous les autres peuples. Ils ont su commencer à temps ; et cet enseignement qui détermine à quel moment il faut commencer à philosopher, ils l'ont prodigué plus clairement qu'aucun autre peuple. Ce n'est pas à vrai dire une fois ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce livre rassemble 4 essais.
1) La philosophie à l'époque tragique des Grecs ;
2) 5 conférences sur l'avenir de nos établissements d'enseignement ( Bâle, 1872 ) :
3) 5 préfaces de livres non écrits ( 1872 ) ;
4) Vérité et mensonge au sens extra-moral ( 1873 ).
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C'est assez hétéroclite, et en plus, Nietzsche, comme d'habitude, est assez nébuleux. Cependant, je suis un chercheur de pépites, et là, j'en ai trouvé deux ! Mais procédons dans l'ordre des essais.
1) Je connais peu les Grecs antiques, sauf un peu Socrate, Platon et Aristote, mais celui qui m'a le plus impressionné ici est Héraclite, pour son arrogance simple : "Le monde a éternellement besoin de vérité, il a donc éternellement besoin d'Héraclite. Lui n'a pas besoin du monde ; que lui importe sa gloire ?".
2) Les 5 conférences sont destinées aux étudiants suisses. Nietzsche prend un exemple de deux étudiants qui, à la campagne, interrompent la conversation d'un disciple avec son maître. le maître blâme l'abandon de la culture antique dans les "gymnases" ( mauvaise traduction du "gymnasium" allemand ), au profit d'une pseudo-culture, les enseignants étant plus intéressés par le profit financier et le prestige que par la passion de leur matière, abandonnant les étudiants à leur propre imagination.
3) Dans les 5 préfaces, celle qui m'a posé question est "L'Etat chez les Grecs", où Nietzsche défend à la fois la sagesse des philosophes et, citant l'Illiade, la violence des villes-Etats grecques : il ya pour moi incompatibilité.
Cependant, dans la préface de "Le rapport de la philosophie de Schopenhauer", je trouve ma première pépite :
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"Lorsque cette culture allemande d'aujourd'hui, dépourvue d'enthousiasme et qui se baptise historienne, lorsqu'à ce philistinisme que la grandeur rend haineux et fait écumer de rage, s'ajoute cette troisième confrérie de brutes et d'excités ( celle de ceux qui courent au bonheur ) , ce mélange provoque alors une clameur si intolérable, une mêlée à se rompre les os telle, que le penseur, oreilles bouchées et yeux bandés, fuit vers le désert le plus retiré, vers l'endroit où il lui est donné de voir ce que ceux-là ne verront jamais, où il lui faut écouter la musique qui monte vers lui des grandes profondeurs de la nature et descend des étoiles."
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Nietzsche classe les Allemands en 3 catégories, les philistins, les "je sais tout" qui couvrent "La culture allemande d'aujourd'hui", et les vrais penseurs, abreuvés de Grecs antiques et de grands auteurs allemands du siècle précédent, comme Schiller et Goethe. Ces penseurs allemands, comme Shopenhahauer et probablement lui-même, sont déçus par ce que devient l'Allemagne "pseud-cultivée" ; et je pense que c'est pour ça que Nietzsche a pris la fuite de cette Allemagne-à-la-triste-figure, d'abord vers Sils-Maria en Suisse, puis à Nice et en Italie.
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4) Enfin, le plus intéressant et le plus clair est pour moi "Vérité et mensonge au sens extra-moral ; un petit essai où Nietzsche analyse le concept de "vérité", terme qui lui tient particulièrement à coeur ; et voilà une deuxième pépite :
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"Qu'est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été rehaussées, transposées, et ornées par la posésie et par la rhétorique, et qui après un long usage, paraissent établies, canoniques et contraignantes aux yeux d'un peuple : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores usées qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur effigie et qu'on ne considère plus désormais comme telles, mais seulement comme du métal."
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Cette phrase essentielle explique tout le combat de Nietzsche à la recherche de cette "vérité en soi", chose galvaudée et déformée par l'homme à cause de ses anthropomorphismes, l'homme construisant une pyramide de concepts sur des fondations mouvantes ( la Nature ), les concepts n'étant pas assez riches pour rapporter la vérité avec précision sur "le monde en soi", le monde réel, la Nature. Et donc, paradoxalement, la vérité est illusion, une comédie humaine, et Friedrich pense là fortement aux dogmes de l'Eglise.
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En conclusion, ce recueil philosophique, est peu perméable, mais l'on se rend compte que depuis le début (1872 ) jusquà la fin (1888 ), Nietzsche revient souvent sur les mêmes thèmes intéressants, par différentes voies. Et il y a, comme dans chaque livre, des pépites !


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Il ne s'agit pas d'un livre achevé, mais fragmentaire, basé sur les cours donnés par Nietzsche et consacrés aux philosophes grecques préplatoniciens (on les appelle plus fréquemment présocratiques) lors de son enseignement bâlois. Les cours ont eu lieu pendant l'été 1872, le manuscrit est plus tardif, il a été modifié par l'auteur jusqu'en 1875. le texte n'a été publié dans son intégralité qu'en 1896.

Ce texte est une sorte de pendant à La naissance de la tragédie, qui avait suscité une grande hostilité dans les milieux de la philologie. Il s'agit d'établir une liaison entre la philologie (ce qui était censé être le métier de Nietzsche) et la philosophie : dès sa leçon inaugurale Nietzsche avait l'ambition de redéfinir la philologie classique à partir de perspectives philosophiques. Les réactions hostiles provoquées par La naissance de la tragédie poussent Nietzsche à un grand perfectionnisme pour essayer de le rendre irréfutable, ce qui aboutira au final à le laisser inachevé.

Nietzsche adopte pour ce texte une forme originale, qui le distingue de la façon habituelle de présenter la vie et les doctrines philosophiques, qu'il trouve ennuyeuse et au final contraire à l'esprit philosophique. Ce qu'il écrit, ce sont d'une certaine façon des récits, qui présentent des personnages, forts et passionnés, dont il donne quelques éléments de la pensée, loin d'une exhaustivité encyclopédique. Les personnalités et les concepts se confondent : « Je raconte en la simplifiant l'histoire de ces philosophes : je ne veux extraire de chaque système que ce point qui est un fragment de personnalité ». Ce qui compte au final, c'est le geste philosophique, inséparable de la vie de celui qui l'accomplit, l'essentiel est qu'il soit juste, même si la pensée quand à elle peut-être contestable.

Il s'agit donc d'une façon très personnelle de comprendre et d'interpréter les conceptions philosophiques des penseurs grecs anciens : au final, Nietzsche en dit sans doute autant, voire plus sur lui-même, que sur les philosophes qu'il évoque. Il s'agit de « recréer » ces pères fondateurs de la pensée que sont les préplatoniciens pour Nietzsche. Dans sa Deuxième Considération inactuelle qu'il rédigeait en même temps, Nietzsche exigeait de transformer la science historique en art, et c'est un peu la pari qu'il tente dans La philosophie à l'époque tragique des Grecs.

Nous suivons donc une série d'individus philosophant : Thalès, Anaximandre, Héraclite (figure essentielle à ses yeux, qu'il continuera d'évoquer dans d'autres oeuvres) Parménide, Anaxagore. D'autres sont juste esquissés en arrière plan : Xénophane et Zénon. Il s'agit donc d'un choix restreint, de quelques figures jugées essentielles. Les analyses de Nietzsche ne sont pas forcément révolutionnaires, l'opposition entre Parménide et Héraclite, entre une école ionienne physiologique, et une école éléate ontologique, est assez classique. Avant d'esquisser une tentative de rapprochement par Anaximandre. C'est plutôt dans la forme, un récit poétique et passionné, plein de bruit et de fureur, que Nietzsche trouve son expression la plus personnelle.

Il y a déjà dans ce texte, dans son adhésion admirative et flamboyante à Héraclite, comme dans son opposition viscérale, même si pleine de respect pour Parménide, l'embryon de la pensée philosophique de Nietzsche, l'expression de son ambition de d'une nouvelle façon de philosopher, en prenant comme modèle les premiers philosophes.
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L'étymologie du mot philosophie est certes l'amour de la sagesse, cependant elle ne donne pas d'indice à propos du principe initial de cette discipline. Son dessein s'avère à dire vrai de répondre à la question "comment peut-vivre ?" [*1].

Éclaircissement effectué, il s'agit ensuite d'expliquer que ce Janus à une tête détenait deux visages antinomiques pendant l'Antiquité ; deux approches discordantes des éléments existentiels symbolisées par les présocratiques et les post-socratiques.

Suite de la critique en suivant ce lien :
http://emelinedardoff.blogspot.fr/2016/07/friedrich-nietzsche-la-naissance-de-la.html
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j'adore ce livre merci à tous
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
L'exploitation que fait trop souvent l'Etat de ces années d'études, parce qu'il veut attirer à lui des fonctionnaires utilisables le plus tôt possible, et s'assurer, par des examens excessivement contraignants, de leur docilité inconditionnelle, était restée très éloignée de notre formation ; aucun esprit utilitaire, aucun désir de progresser rapidement et de faire vite carrière ne nous avait déterminés ; nous ne savions ni l'un ni l'autre ce que nous deviendrions, et même nous n'en avions aucun soucis. J'ai déjà dit que cette manière de se satisfaire du moment sans songer à un but, de se bercer sur le fauteuil à bascule de l'instant, ne peut que sembler presque incroyable, en tous cas blâmable à l'époque actuelle qui se détourne de tout ce qui est inutile. Comme nous étions inutiles ! Et comme nous étions fiers d'être à tel point inutiles ! Nous voulions ne rien signifier, ne rien représenter, ne rien nous proposer, nous voulions être sans avenir, rien que des bons-à-rien confortablement allongés sur le seuil du présent. Heureux étions-nous !

NDL : première conférence à Bâle, en 1872, sur l'avenir de nos établissements d'enseignement.
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Qu'est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été rehaussées, transposées, et ornées par la posésie et par la rhétorique, et qui après un long usage, paraissent établies, canoniques et contraignantes aux yeux d'un peuple : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores usées qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur effigie et qu'on ne considère plus désormais comme telles, mais seulement comme du métal.


NDL : 4è partie du livre : "Vérité et mensonge au sens extra-moral".
Cette phrase essentielle, AMHA, explique le combat de Nietzsche, tout au long de sa vie.
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On ne s'étonnera pas du fait que je parle des philosophes préplatoniciens comme d'une société cohérente, et que j'aie l'intention de leur consacrer entièrement cet ouvrage....
Il serait plus juste de voir dans les philosophes postplatoniciens des penseurs hybrides, et dans les premiers les types purs. Platon lui-même fait figure de premier grand hybride. Dans ses écrits se mêlent les traits caractéristiques de la distance et de la sérénité royales d'Héraclite, de la compassion mélancolique du législateur Pythagore, et de la dialectique de Socrate, le connaisseur d'âmes....
Le philosophe protège et défend sa patrie. Or, désormais, depuis Platon, le philosophe est en exil et conspire contre sa patrie.
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Les bases d'où part la philosophie pour faire ses bonds en avant sont bien minces. L'espoir et le pressentiment lui donnent des ailes. La raison calculatrice halète péniblement derrière elle et cherche de meilleurs appuis pour atteindre également ce but séduisant auquel sa compagne, plus divine, est déjà parvenue. On croit voir deux voyageurs au bord d'un torrent sauvage qui roule des pierres avec lui : le premier saute d'un pas léger, utilisant les pierres en progressant de l'une à l'autre, bien qu'elles s'effondrent bruquement derrière lui ; l'autre reste sur la rive, cherchant en vain une aide ; il lui faut d'abord construire des fondations qui supporteront son pas lourd et prudent.(p21)
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Le saut dans l'indéfini qui avait permis à Anaximandre d'échapper une fois pour toutes au règne du "devenir" et à ses qualités empiriquement données, n'a pas été facile pour des esprits d'une tournure aussi indépendante que ceux d'Héraclite et de Parménide. Ils se sont d'abord efforcés d'aller aussi loin que possible, et ils ont attendu pour sauter d'en être arrivés à l'endroit où le sol se dérobe sous le pied et où il faut sauter si si l'on ne veut pas tomber. (p42)
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NDL : c'est génial ! Nietzsche décompose le processus de construction de la pensée ! Construction qu'il utilise, à mon avis dans "Par delà", "Zarathoustra", et d'autres livres !!!
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Lorsque cette culture allemande d'aujourd'hui, dépourvue d'enthousiasme et qui se baptise historienne, lorsqu'à ce philistinisme que la grandeur rend haineux et fait écumer de rage, s'ajoute cette troisième confrérie de brutes et d'excités ( celle de ceux qui courent au bonheur ) , ce mélange provoque alors une clameur si intolérable, une mêlée à se rompre les os telle que le penseur, oreilles bouchées et yeux bandés, fuit vers le désert le plus retiré, vers l'endroit où il lui est donné de voir ce que ceux-là ne verront jamais, où il lui faut écouter la musique qui monte vers lui des grandes profondeurs de la nature et descend des étoiles.


NDL : Sublime ! Page 194, j'ai trouvé MA pépite du livre dans ce brouillard opaque, celle pour lequel je le lis, et dans cet ouvrage hétéroclite, Nietzsche rassemble toute sa pensée, tout ce qu'il a dans sa tête et sur son coeur ! Et en plus, je trouve cette phrase poétique. J'en pleure de joie ! LOL.
Je bornerai ma critique à expliciter cette phrase, phrase qui, AMHA, explique toute la vie de Friedrich.
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