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Philippe Bouquet (Traducteur)
EAN : 9782246763611
576 pages
Grasset (08/09/2010)
3.58/5   26 notes
Résumé :
Avril 1910.
La comète de Halley menace le monde d’une destruction imminente. Alors que Boris Barsch, auteur de livres à succès, met la dernière main à son roman, Hermann Freytag, correcteur à la retraite, est contacté par son ancienne maison d’édition. Car c’est lui, Freytag, qui a su donner, pendant toutes ces années, souffle et matière à la prose du célèbre écrivain.C’est alors qu’apparaît le mystérieux Signori.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Vienne 1902, le jour de leur anniversaire de mariage, dans une nacelle de la grande roue du Prater, sa femme annonce à Freytag, correcteur littéraire à la retraite, qu'elle le quitte (« C'est terminé…J'ai rencontré un homme et il est tout ce que tu n'as jamais été »).
Un an plus tard, au même endroit, il monte admirer le panorama une dernière fois avant de s'effacer définitivement.
1903 est une année agitée à Vienne avec des tremblements de terre et le passage de la comète ; c'est aussi à Rome l'élection de Pie X en remplacement du défunt Léon XIII ; élection qui doit beaucoup (presque tout) au veto présenté par l'empereur d'Autriche contre le cardinal Rampolla, grand favori du conclave.
Comment imaginer que les deux événements aient un quelconque lien ? Comment croire que ce personnage ayant « mené une vie dépourvue de sens, une vie gâchée, sacrifiée sur l'autel de la médiocrité » puisse avoir la moindre influence sur la désignation d'un pape et la marche du monde qui, en ce début de siècle, court à sa perte?
Le faux ami raconte le rôle tenu par Freytag dans cette incroyable machination qui aboutit à l'élection d'un pape qui ne voulait pas être pape. C'est également une magnifique description de Vienne à l'apogée de son influence culturelle et politique. Notre fragile et naïf héros arpente la Vienne historique où les statues et innombrables souvenirs de Beethoven, Haydn, Schubert, Goethe, Hölderlin témoignent d'un passé ayant du mal à céder le pas à la modernité de Klimt, Kokoschka, Malher ou Freud. S'il vit moins que chichement dans son appartement, il n'en passe pas moins le plus clair de ses journées dans l'institution viennoise par excellence : le Café Sperl où il consulte la presse, joue aux échecs tandis que d'autres jouent au billard en répandant les rumeurs qui font et défont les réputations. Qui d'entre nous n'a jamais rêvé de passer une journée dans ce lieu mythique en dégustant, comme Freytag en 1903 moka et viennoiseries ? « le Sperl était un véritable oasis. Les pages de journal qu'on tournait et les boules de billard qui s'entrechoquaient dans le fond de la salle calmaient ses nerfs surexcités. La matinée était le meilleur moment de la journée. On vaquait à ses affaires, bienheureux à l'abri des soucis de la vie quotidienne, oublieux de ce qui se déroulait à l'extérieur et qu'on découvrirait le lendemain, dans le journal ».
C'est également une très riche description du monde littéraire :
- les livres et leurs histoires magnifiques (« la fiction magistrale semblait toujours au-dessus de la réalité : elle était meilleure, plus belle que ce qui existait »)
-les auteurs et leur susceptibilité (« la gloire, la certitude de leur grandeur, cet élixir dont ils étaient si assoiffés…ne leur suffisaient pas. Les compliments, aussi sincères qu'ils soient, glissaient sur eux comme de l'eau sur des plumes. Alors que la moindre petite critique injuste ou remarque irréfléchie se gravait dans leur mémoire revêtue du sceau de la vérité (confirmant) ce qu'ils savaient déjà et redoutaient : ils n'étaient que des imposteurs et tous les éloges, tous les succès étaient des coups de chance »)
-ses artisans (directeurs littéraires, correcteurs, critiques), ses rumeurs et médisances
-ses lecteurs (« Nous lisons pour savoir que nous ne sommes pas seuls… », « un voyageur de commerce au pays de l'imaginaire, un globe-trotter, un Marco Polo de l'âme ») et lectrices (« C'étaient surtout des femmes qui écrivaient à Barsch. Elles lui envoyaient des confessions parfumées…, dans l'espoir de recevoir, en retour, un portrait dédicacé ou une mèche de cheveux. Un nombre surprenant envoyaient des portraits d'elles-mêmes : quelques photos (certaines plus laides que d'autres, cela ne l'étonnait pas : la littérature attirait surtout les femmes que la beauté avait épargnées »).
Freytag prend des leçons d'Esperanto (c'est la mode en ce début de siècle) où il est question de faux amis, ces mots qui, semblant identiques d'une langue à l'autre, ont un sens très différent. « Eh bien parce que, en italien, casino veut dire bordel, maison de passe ! Je parle des faux amis comme vous pouvez vous en douter. Ceux qui ne sont pas authentiques, qui vous trompent et vous trahissent. Les faux monnayeurs de la langue. le genre d'ami que nul ne souhaite avoir. Qui fait mine d'être une chose et s'avère en être une autre. »
Les faux amis ne sont pas que des mots. Il en rencontre un vrai qui l'introduit dans le monde, l'emmène au concert et lui offre tout ce qu'il n'a pas osé voir ou faire depuis sa plus tendre enfance (« il ne comprenait pas pourquoi avait-il eu tant de mal à prononcer les mots : veux-tu jouer avec moi ? Je n'ose pas me jeter à l'eau) lui qui a passé sa vie réfugié dans les livres.
Sous l'influence de ce faux-ami, il en devient un à son tour et trahit pour ce qu'il croit être la bonne cause.
Et ce personnage qui, selon sa femme « n'était pas capable d'éprouver de la joie, qui ployait sous la gravité comme si un poids indicible pesait sur ses épaules », « qui n'avait jamais tenu les promesses qu'elle avait lues dans ses yeux ce jour-là, sous les marronniers du Prater » finit en « s'interrogeant sur ce qu'on laisse derrière soi. Quand on est jeune, on ne comprend pas. La vie passe si vite, un jour on se retourne et on est là, dans l'ultime impasse ».
La conclusion est magnifique de renoncement au profit de l'amitié, de la fidélité et de l'honnêteté. le chemin de la rédemption s'ouvre à ce si modeste héros, quant au lecteur il n'a plus qu'une envie : faire ses valises pour aller découvrir Vienne en flânant sur les pas de Herr Freytag.
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Herr Freytag a vieilli, mais a-t-il jamais été véritablement jeune ?
En tout cas, le départ de son épouse lassée, pour un sémillant responsable des chemins de fer qui lui propose un tour du monde, laisse notre héros seul avec lui-même, son Mohnstrudel, le Reichspost et ses habitudes au café Sperl, seul comme jamais.

Herr Freytag goûte à la retraite. Retiré de son métier de correcteur d'une vieille maison d'édition, il ressasse son aigreur. Amoureux des lettres, amoureux des mots, des formes syntaxiques, la langue est son métier.

Fignoleur d'ouvrages, il met la dernière main à ces manuscrits d'auteurs qui font vibrer l'imaginaire. Ils sont célébrés, il est ignoré… et pourtant il reçoit tant et tant de manuscrits qu'il faut largement retoucher pour les rendre lisibles.

Mais il ne touche qu'à la forme, jamais au fond. Il touche le fond de n'avoir jamais été frappé par la Déesse Création… aigri de n'être que correcteur et jamais auteur…

De belles et longues pages sur le génie créateur et le rigorisme linguistique.

Herr Freytag veut s'échapper de ce dilemme, se met un jour à l'Esperanto, en ce début de 20ème siècle dans l'Empire des Habsbourg finissant ? et fait là la rencontre d'un M. Signori.

De cette rencontre va naître une manipulation de notre Herr Freytag le conduisant à nouveau sur le chemin de l'auteur qu'il a le plus corrigé, écrivain à succès, M. Barsch avec en toile de fond la succession du Pape Léon XIII en 1903.

Sous les auspices du passage de la comète de Haley, l'auteur suédois nous fait toucher avec un grand talent de nombreux sujets : la création, l'ombre et la lumière, les dessous de l'histoire vaticane, mais aussi la détresse morale, l'irrationnel des Hommes, la fin d'une époque qui repositionne ce roman dans notre actualité.

Premier roman de Nilsson, une réussite mais j'aimerais connaître son correcteur.




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Vienne, 1910. Freytag n'a rien d'un héros. Ancien correcteur à la retraite, très pieux, il aspire à une vie tranquille dans le maintien de ses habitudes. Il refuse tout modernité et vit tourné vers le passé. Lorsque l'auteur avec qui il a toujours collaboré lui demande de corriger son nouveau manuscrit, un roman très attendu, il accepte de se remettre au travail. Son quotidien prend alors une nouvelle tournure. Séduit par la vie fastueuse que lui laisse entrevoir son nouvel ami, rencontré au hasard d'un cours d'espéranto, le vieil homme se laisse convaincre de retarder la publication du livre. Il se retrouve malgré lui au coeur d'événements qu'il pense comprendre mais qui pourtant le dépassent.

Dans un style soigné, l‘auteur nous plonge au coeur d'une Europe en pleine mutations, désorganisée par des troubles politiques et religieux qui sont les prémices de la Première Guerre mondiale. Il décrit cette époque avec un réalisme saisissant, y faisant évoluer de multiples personnages, de ceux qui peinent à comprendre le monde qui change autour d'eux à ceux qui le dirigent.

Henrik Nilsson nous offre un hymne à la littérature porté par une écriture ciselée. Un premier roman avec une intrigue adroitement menée tenant en haleine de la première à la dernière page… Une belle réussite !
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Hermann Freytag, un obscur correcteur, très pieux et vivant fort éloigné des salons de la Vienne de la Belle Époque, va se retrouver au coeur d'une obscure machination destinée à faire monter sur le trône pontifical le futur pape Pie X, aimé des catholiques traditionnalistes. On parle de géopolitique, à l'aube de la terrible boucherie de 14-18, on parle aussi d'intérêts financiers, ceux de la banque vaticane bien entendu mais aussi d'intérêts tout ce qu'il y a de plus privés. On parle aussi de littérature, dans cette Vienne où les arts nouveaux fleurissent en se dégageant des contraintes dans lesquelles la culture se trouvait engluée. On parle aussi et surtout de mensonge, de la fausse amitié dont va faire les frais notre héros malgré lui jusqu'à ce que ses yeux se dessillent, hélas trop tard pour lui. Un roman prenant, non dépourvu d'humour, où l'on apprend bien des choses sur le rôle qu'a joué (que joue ?) le Vatican dans la conduite des affaires du monde et du monde des affaires. Hélas, peut-être en raison de difficultés de traduction, la tournure alambiquée de certaines phrases nuit à la compréhension immédiate de la pensée de l'auteur…
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Le faux ami est un roman de Henrik B. Nilsson à paraître le 8 septembre 2010 (je l'ai reçu et lu en août) aux éditions Bernard Grasset dans la collection Littérature étrangère (567 pages, 22,50 €, ISBN 978-2-246763611).
Den falske vännen (2009) est traduit du suédois par Philippe Bouquet.

Henrik B. Nilsson est né en 1971 en Suède mais a grandi en Allemagne. Après une licence d'économie, il a créé en 1999 Minotaur, une maison d'édition qu'il a vendue puis il a repris des études à l'université de Lund et a obtenu un Master d'Art (Creative writing). Il vit maintenant à Malmö avec sa famille. le faux ami est son premier roman et il a reçu un Grand Prix littéraire suédois du premier roman : Borås Tidnings Debutantpris.
(Source : Nordin Agency)
Plus d'infos sur le site officiel de Henrik B. Nilsson (enfin pour ceux qui comprennent le suédois !).

1903. le Vatican prépare la succession de Léon XIII gravement malade. Ça conspire à tout va à Rome, certains ne voulant pas du cardinal Rampolla trop proche des Russes et des Français.

1910. Des tremblements de terre, la comète de Halley, la décadence dans les Arts, une langue artificielle créée de toute pièce comme l'espéranto, de plus en plus de jeunes qui se suicident, des cancers, la tuberculose, des rumeurs malveillantes, nombreux sont ceux qui crie à la fin du monde.

À Vienne, Hermann Freytag qui, après des études de philologie, est devenu correcteur aux éditions Fischer & Wulff, profite maintenant de sa retraite : il lit le journal et déguste des Mohnstrudel au café Sperl en lisant le Reichpost, il joue aux échecs avec son ami Georg et il s'est inscrit au cours d'espéranto de la jolie Rosita Nagy, une immigrée hongroise. « Freytag n'avait jamais vu une telle beauté et ne s'arrachait à la contemplation du léger duvet ornant sa lèvre supérieure que pour se perdre dans celle de ses yeux couleur châtaigne; à l'automne. » (page 50).

[...]
Lien : http://laculturesepartage.ov..
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Un poids lui pesait sur la poitrine, juste en dessous du sternum : l'idée qu'il n'avait pas de talent, qu'il était incapable de créer. Il maîtrisait la langue, aucun doute à cet égard - n'y avait-il pas voué son existence, et avec succès ? Pourtant, un doute s'insinuait en lui, dans le noir : il n'était jamais qu'un équilibriste des mots, un accordeur de piano, un vulgaire maquilleur. A quoi bon de belles phrases, si elles ne communiquaient rien d'important, la vérité sur la vie, si elles n'élevaient pas le particulier au niveau de l'universel ? Il n'était pas doué d'imagination, c'était un morne réaliste, aussi terre à terre qu'un plant de pomme de terre. Je suis un professeur d'allemand, pensa-t-il, pas un conteur ; pas un Barsch.
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Barsch qui n'avait pas fait d'études secondaires et était à peine capable de nouer les lacets de ses souliers, et encore moins d'écrire un mot sans fautes, avait été béni par la main de Dieu, alors que lui, qui avait pris soin de sa langue comme de son bien le plus précieux, comme de l'enfant qu'il n'avait jamais eu, et qui nourrissait pour seul et modeste espoir de voir un jour le fruit de son imagination imprimé avant de quitter ce monde un sourire de bonheur aux lèvres, n'avait pas été doté du moindre soupçon de don de la narration qui lui permît de satisfaire ce désir insatiable dont le Tout-Puissant l'avait affligé.
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Voici mon conseil : lisez, lisez tous les grands noms. Il ne s'agit pas de vous distraire, comme un lecteur banal. Non, lisez en écrivain, chère amie, avec attention et concentration. Relisez jusqu'à ce que ces phrases vous fassent l'effet d'être vôtres, lisez tout ce que vous trouvez d'un auteur que vous aimez et admirez, […]. (page 135)
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La langue, ou ce qu’il était convenu de qualifier de style, les intentions de l’auteur et leur mise en œuvre, tel était son domaine. C’était un tailleur de pierre visant la perfection, coup de ciseau après coup de ciseau, un maître de l’art du stuc mettant la dernière main avec la spatule. (…) il se cantonnait à la musique, celle de la grammaire et du choix des mots, et y maniait la plume comme un chef d’orchestre sa baguette.
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C’est un formidable outil que le mot. Dans les mains d’un maître [...], c’est une arme redoutable. Les écrivains sont des sirènes qui murmurent leurs chants à l’oreille des gens en leur promettant d’accéder à leur royaume. Ils sont porteurs de dangers et de tentations prohibées, ils incitent les lecteurs à s’aventurer dans des eaux périlleuses. Ils sont à redouter.
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