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Citations sur Journal, tome 2 : 1934 - 1939 (11)

Le monstre que je dois tuer chaque jour, c'est le réalisme. Le monstre qui m'attaque chaque jour, c'est la destruction. De ces duels sortent des transformations. Je dois transformer sans cesse la destruction en création.
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août 1936 : Conflit avec le journal. Tant que j'écris dans le journal, je ne peux pas écrire de livre. J'essaye de couler d'une manière double, de continuer à consigner, et d'inventer en même temps, de transformer. Les deux activités sont antithétiques. Si j'étais un véritable auteur de journal, ainsi que Pepys ou Amiel, je me contenterais de consigner, mais ce n'est pas le cas, je veux remplir les intervalles, transformer, projeter, étendre, approfondir, je veux cette floraison ultime qui vient de la création. A mesure que je lisais le journal, je prenais conscience de tout ce que j'ai passé sous silence, qui ne peut être dit que grâce à un travail créateur, en s'attardant ; en développant, en insistant.

855 - [Le Livre de Poche n° 3902, p.177]
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Mon seul plaisir, ce mois-ci, a été ce qu'Henry a écrit dans Capricorne. Extrêmes de sensualité et de lyrisme, spiritualité et le démon. Après qu'il eut écrit les pages sur l'étoile noire, nous parlâmes tristement parce que dans l'Antiquité toute littérature était symbolique, et tout le monde comprenait le symbole, mais aujourd'hui nous ne pouvons pas écrire en terme de symbole ou de myhes.
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Il n'y a que toi mon journal, qui saches que c'est ici que je montre mes craintes, mes faiblesses, mes récriminations, mes désillusions. Je sens que je ne peux être faible extérieurement, parce que d'autres s'en remettent à moi. Je pose ici ma tête et je pleure. Henry m'a demandé de l'assister dans son travail. Rango me demande de participer à des révolutions politiques. Je vis à une époque de dissolution et de désintégration. L'art lui-même, aujourd'hui, n'est pas considéré comme une vocation, une profession, une religion, mais comme une névrose, une maladie, une « fuite ». J'ai appelé ce journal « à la dérive ». Je crois que, moi aussi, j'allais me dissoudre. Mais mon journal, semble-t-il, me garde entière. Je me dissous que pour un peu de temps, mais je finis par recouver mon intégrité.

724 - [p. 166]
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La seule faille que je trouve chez Proust ce sont les généralisations [...].
Si seulement Proust avait parlé pour lui, sans dire "les amants, la jalousie, tout soupçon, tous les amants".
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(Juillet 1935)
REALITE. Lorsque vous êtes au cœur d'un jour d'été comme à l'intérieur d'un fruit, et que vous jetez les yeux sur vos ongles de pied vernis, la poussière blanche sur vos sandales récoltée le long de paisibles rues somnolentes. Lorsque vous regardez le soleil qui gagne sous votre robe et entre vos jambes, et la lumière qui fait briller les bracelets d'argent, que vous respirez des odeurs de boulangerie, de petits pains au chocolat, que vous contemplez les voitures qui passent remplies de femmes blondes sorties des photographies de Vogue, alors vous apercevez soudain la vieille femme de ménage, avec son visage brûlé, terreux, couvert de cicatrices, et vous lisez l'histoire de l'homme qui a été coupé en morceaux, et en face de vous s'arrête maintenant le tronc d'un homme qui repose sur un chariot à roulettes.
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Je dois transformer sans cesse la destruction en création.
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J'ai longtemps cherché la justification des colères d'Henry, de ses hostilités et de ses vengeances. Je pensais que c'était une réaction à la suite de souffrances exceptionnelles. Tellement d'écrivains américains font preuve de cette amertume, de cette haine.
Mais lorsque je compare la vie qu'ils ont eue et ce qu'ils ont enduré avec la vie d'écrivains européens (Dostoïevski ou bien Kafka), je constate que les Européens ont souffert bien davantage, et tous connurent une plus grande pauvreté, une plus grande misère sans jamais devenir hostiles ou furieux ainsi qu'Edward Dahlberg ou Henry. La souffrance était transmuée en oeuvre de littérature, et en confession. L'asthme de Proust, la Sibérie de Dostoïevski ont contribué à leur compassion pour l'humanité. Chez certains écrivains américain, n'importe quelle privation ou souffrance tourne à la mutinerie, à la colère criminelle et à la vengeance aux dépens des autres. Il y a une absence d'émotion quasi totale. Ils tiennent la société pour responsable, écrire devient alors un acte vengeur.
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Lorsque l'on écrit consciemment, on suit le fil le plus accessible. Trois ou quatre autres fils peuvent être agités comme des fils télégraphiques au même instant, et je ne m'en occupe pas. Si je devais les capter tous, j'acculerais les esprits les plus agiles, je révelerais simultanément l'innocence et le duplicité, la générosité et le calcul, la crainte et le courage. Toute la vérité ! Je ne peux dire toute la vérité, tout simplement parce qu'il faudrait que j'écrive des pages là où j'en écris une, il faudrait que j'écrive à reculons, que je revienne constamment sur mes pas pour attraper les échos et les harmoniques à cause de l'agilité des embellissements, du vice de l'idéalisme qui déforme la vérité à chaque tournant. Le danger qu'il y a à revenir méthodiquement en arrière pour récupérer ce qui est tombé du filet, c'est de tomber dans l'introspection, ce monstre qui rumine trop longtemps un morceau, n'aboutit qu'à la mastication absolue et qui dessèche tout ce qu'il touche plutôt qu'il ne l'illumine.

854 - [Le Livre de Poche n° 3902, p. 342]
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Ce volume du journal (n°54) est grand. Un grand cahier honnête, exubérant que m'a offert Henry sur lequel je peux m'épancher au-delà du journal, en embrasser davantage, me transcender. Le petit cahier que je pouvais glisser dans ma poche était à moi, celui-ci je ne peux le saisir, le cacher, le retenir, le contenir. Il s'étale. Il s'affirme. Il est posé sur mon bureau comme un véritable manuscrit. C'est une toile plus grande. Pas d'inscriptions marginales, faites délicatement, discrètement, mais du travail, de l'affirmation. Il se trouve que je suis seule. Je peux le laisser sur mon bureau. L'endroit m'appartient totalement. Je vais peut-être y inclure le monde. Je néglige le monde. Henry avait raison, ce que j'écris est moins communicable que ce qu'il écrit lui, parce qu'il a une amour humain de l'écriture, des mots, il prend un plaisir sensuelle à écrire c'est une chair et une nourriture, alors que j'éprouve un certain mépris vis-à-vis de la joie sensuelle de l'expression, je recherche la signification, le contenu. Quête solitaire qui m'isole. Henry est plus proche de tous à cause du langage, parce qu'il aime parler, formuler, partager. Il s'intéresse à la communication, et moi à l'exploration, aux découvertes, à la poursuite d'états d'esprits, sentiments insaisissables. Nous allons un peu regarder, mon journal, les jouissances autour de nous. Nous nous attarderons sur les plaisirs sensuels du langage, le verbe fait chair, et nous nous préoccuperons moins de la signification. Henry bien souvent ne s'occupe pas du sens. Peu lui importe qu'un paragraphe vienne contredire ou anéantir l'autre.

853 - [Livre de Poche n° 3902, page 321]
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