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Critique de jlvlivres


« le Chagrin de la Guerre » de Bảo Ninh (2011, Philippe Picquier, 304 p.) que je n'ai pas pu lire en français car épuisé et totalement indisponible, je me suis donc rabattu sur un vieil exemplaire de « The Sorrow of War » (1995, Riverhead Books, 236 p.). C'est un des rares livres écrit par un ancien combattant du Nord-Vietnam. Certes, il y a le contexte du modèle importé de l'URSS et de la République Populaire de Chine. Cet « homme nouveau » devait avoir « un sens élevé de la collectivité, une forte aspiration pour la science et la technique, l'amour de la littérature et des arts, le patriotisme accompagné de l'esprit internationaliste prolétarien » selon la doctrine officielle de Hanoi. Il devait donc lutter contre les « mauvais éléments » et triomphait normalement en toute circonstance. C'est évidemment un modèle importé de l'URSS et de la République Populaire de Chine. Cet « homme nouveau » devait avoir « un sens élevé de la collectivité, une forte aspiration pour la science et la technique, l'amour de la littérature et des arts, le patriotisme accompagné de l'esprit internationaliste prolétarien » selon la doctrine officielle de Hanoi. Il devait donc lutter contre les « mauvais éléments » et triomphait normalement en toute circonstance.
le héros et narrateur, Kiên s'est engagé à 17 ans dans la « 27ème Brigade Glorieuse de la Jeunesse ». C'est le seul survivant d'un peloton de 13 éclaireurs. Il fait aussi parti des 10 survivants, sur 500 initiaux en 1969. Et maintenant il est affecté à l'unité qui recueille les squelettes des combattants dans les multiples zones de combat. Il revient à la vie civile après dix ans de guerre. Au début, il tente de retrouver Phuong son premier amour, le seul qu'il ne connaîtra jamais. Etudes à l'université, mais le passé l'obsède et finalement Phuong ne l'intéresse plus, chose d'ailleurs réciproque. Faute de quoi, il devient écrivain et va rédiger son « roman » pour exorciser ses souvenirs. La chose n'est pas si simple et se lève alors le doute sur la légitimité de son action. Il se rend compte alors que cette guerre « légitime » a détruit en réalité toute une génération de vietnamiens. D'où les remords et hésitations de l'écrivain. Il devient artiste maudit, quitte Hanoi après avoir tenté de brûler son manuscrit. Mais celui-ci est sauvé par une femme muette. Finalement, dans l'épilogue, on apprend, par un personnage qui parle à la première personne, qu'il a lu et recopié ce manuscrit en partie détruit. Où est le vrai, le vécu, où est le faux ou le recopié. La frontière entre le réel et l'imaginaire n'est t'elle pas la même que celle entre le légitime et la propagande. Il faut dire que ces épisodes d'écriture-lecture-traduction sont un peu à l'image du roman. Bảo Ninh achève une première version en vietnamien « Thân phận của tình yêu » (Le Destin de l'Amour). Version rejetée par le régime communiste, mais qui est ronéotée et diffusée à Hanoi. Cette première version est traduite en anglais par Phan Thanh Hao et envoyée chez Secker & Warburg à Londres. Après contact, Frank Palmos, un journaliste australien, entre autres auteur de « Ridding the Devils » (1991, Arrow Boos, 214 p.) sur la guerre du Vietnam, est contacté pour éditer le livre. Après discussion, il réécrit le roman sous sa forme actuelle. Cette version est alors contrefaite par le gouvernement vietnamien et est vendue aux touristes. Comme quoi, on apprend vite la notion de profit, même dans un système collectiviste. Quant à ce qui est de réécrire l'histoire, c'était déjà une habitude.
Même après la guerre, lorsque Bao Ninh s'essaye à la littérature, ses souvenirs de guerre lui rappellent sans cesse son passé. « le passé continue de me hanter [...]. Les mois, les années de ma vie. Mon époque. Ma génération. Toute la nuit, j'ai pleuré, je me suis souvenu. Les camarades, l'amertume, l'humiliation [...]. Maintenant, regardez la réalité que nous vivons, ne trouvez vous pas qu'elle n'a rien de mieux que celle, banale et brutale, des temps d'après guerre ? ». Pour lui, la solution pouvait être l'écriture, ce qui n'a pas été évident. « En commençant ce premier roman, avait il l'intention d'écrire un roman d'après guerre [...]. Mais, irrésistiblement, les pages du manuscrit se remplissaient de morts, s'enfonçaient lentement dans la jungle ». Retour sans cesse sur son passé, sur ses morts, il n'est plus que « le prophète des mois et des années morts, l'annonciateur du passé ». ce n'est pas pour rien que le livre s'ouvre sur la « Jungle of Screaming Souls » (la jungle des âmes en peine). A noter que ces scènes d'âmes errantes que sont les morts au combat, non ensevelis, est une part importante de la culture vietnamienne. Cela a même conduit à un programme de guerre psychologique « Operation Wandering Soul » (Opération Ame Errante). de puissants haut-parleurs, installés sur hélicoptères ou au sol, émettaient, des sons assez étranges, cris ou lamentations, de nuit de préférence dans la jungle. L'effet qui en résulte est spectaculaire au point que ces émissions ont dû être limitées aux soldats de NVA (les nord-vietnamiens), car l'effet était identique sur les soldats du Sud (ANRV) et les démoralisait considérablement. Ces sons, sensés provenir des soldats morts et non enterrés, semaient la terreur dans les rangs des soldats. Ils étaient de préférence émis à l'approche de « Vu Lan Day » (le jour de l'âme errante), soit lors de la pleine lune de juillet, au cours de laquelle on honore les aïeux. C'est le même principe que « O-Bon » au Japon, quoique un peu plus tard ou « Zhong Yuan Jie » en Chine, le quinzième jour de la septième Lune de l'année. Cette croyance est également à l'origine de la mission que le jeune Kiên assume, en rassemblant les restes de combattants sur les rives de la rivière Ya Crong Poco, comme l'indique l'ouverture du livre.
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