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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Relecture a des annees-lumiere.

Sous le couvert d'une experience autobiographique, c'est un pamphlet. Cela commence par une diatribe contre l'entourage ou il a grandi, ou il remue dans ses annees de jeunesse. Il se voit un avenir insipide, affligeant, dans une societe etriquee, hypocrite, fiere de ses oeilleres, fiere de ses prejuges. C'est l'absence d'horizon. Ecoeure, il abandonne des etudes prometteuses et part. Pour ou? “Pas de voyages en Europe […] C'etait d'elle qu'il etait important de nous debarrasser. Et ailleurs reposaient les autres continents, charges des forces, des vertus, des sagesses absentes de notre province. Tout valait mieux qu'elle, et qu'elle tout entiere. Et en effet l'ombre des cartels allemands, des milices fascistes, des textiles anglais, des bourreaux roumains, des socialistes polonais etait aussi noire et froide que celle du comite des Forges et des usines de Saint-Gobain. […] Franchissons donc les limites de cette presqu'ile limitee par des mers et les poteaux frontieres de la Russie. Condamnons cette taupiniere avec ses tas de scories, les crassiers de ses vieilles mines”. Ce sera donc loin de l'Europe. Aden.

Mais Aden se revele etre une societe encore plus sterile, d'une vacuite pretentieuse, et encore plus rebutante dans les relations entre les diverses populations. “(ils) vivaient par clans, par religions, par couleurs de peau, par nations, par clubs, par maisons de commerce, par regiments. Ils passaient leur temps a inventer des subdivisions, des cloisons, des echelons sur lesquels ces singes montaient et descendaient. […] Dire que ces fous auraient pu aimer des hommes, qu'ils n'etaient faits que pour cela ! les Arabes haissaient les Juifs, les membres de l'Union Club meprisaient ceux de l'international Club qui admettait les ingenieurs italiens des salines, les fabricants grecs de cigarettes dont aucun officier de l'artillerie britannique ne saurait parler sans rire. […] Il y avait un jeu inextricable de distances sociales ou tout ce monde se glissait et se reconnaissait avec une dexterite merveilleuse, des degres hierarchiques au bas desquels se trouvaient sans doute les Juifs humbles et crasseux qui habitent autour de la synagogue ou ils vont se consoler de bien des affronts en priant le dieu des vengeances, les epaules entourees d'un thaless poetique comme la nuit. Au sommet de la pyramide il y avait l'agent de la Peninsular, deux ou trois commerçants puissants dans la mer Rouge, les officiers, le gouverneur, et dans le Crescent, à Steamer Point, la statue assise de la grosse reine Victoria avec ses joues pendantes, ses petits yeux coinces d'ivrognesse”. Il se rend compte que “Aden etait une image fortement concentree de notre mere l'Europe, c'etait un comprime d'Europe. […] le levant reproduit et commente le ponant”.

Il comprend que tout le globe est contamine par un systeme social qui ne voit en l'homme que l'homo economicus. Et que c'est ce systeme qu'il doit combattre, partout et n'importe ou. “Homo Economicus marche sur les derniers hommes, il est contre les derniers vivants et veut les convertir a sa mort. […] Homo Economicus a son illusion du bonheur : il parle de sa puissance, et il entretient des hommes pour lui fabriquer des illusions : des romanciers, des historiens, des poetes epiques, des philosophes. […] L'heure me presse de detruire et de denuder ces mannequins de peau, d'ossements et de calculs, que je prenais pour d'invincibles demons. C'est le moment de faire la guerre aux causes de la peur”. Il reviendra donc en France, combattre pour une meilleure societe, pour un systeme plus humain. “La fuite ne sert a rien. Je reste ici : si je me bats, la peur s'evanouit. […] Je vais vivre parmi mes ennemis”.

Il y a des annees-lumiere je l'avais lu dans la “petite collection maspero". Un petit livre a couverture verte qu'un de mes amis m'a fauche je ne sais plus quand. Emprunte derriere mon dos. A la relecture aujourd'hui l'ecriture m'impressionne encore, le ton moins. L'age fait que je morde moins a sa rethorique, que je releve de petites chutes qui m'agacent, que j'essaie de dechiffrer, entre les lignes, ce que Nizan n'ecrit pas.

Qui n'a reve de partir sur les traces de Rimbaud? A l'aventure? Aden! le Harrar! Ou de Gauguin? Les iles d'Outremer! Les Marquises! Nizan a surement reve de les imiter. Mais en fait il part embauche d'avance comme precepteur des enfants d'un riche anglais. Aventure en version restreinte. Matelassee.

A son retour il milite au parti communiste, ce qui a l'epoque etait un vrai engagement de combat pour une societe plus juste, meilleure, mais il continue aussi ses etudes de philosophie, il ecrit des romans, tout comme les intellectuels qu'il avait denigres. Il me faut noter en sa faveur qu'il a rompu avec le parti en 1939, a la suite du pacte que Molotov signe avec les nazis. Et il est mort si jeune qu'on ne peut que conjecturer de son evolution.

Dans le texte meme du livre certains passages m'ont gene. Il meprise les autochtones d'Aden, passifs, fatalistes, croupissant sous le soleil. C'est la plus totale des corruptions. Et il lache quelques remarques fleurant bon l'antisemitisme, du genre: “mais les bourgeois produisent et possedent abstraitement. Comme il y a beau temps qu'ils ont herite d'Israel, ils passent la vie a preter a interet". Avant cela, critiquant les intellectuels francais, il a un mot charmant pour le philosophe Leon Brunschwicg: “Ce petit revendeur de sophismes avait un physique de vieux maitre d'hotel autorise sur le tard a porter ventre et barbe. La ruse sortait du coin de ses yeux, guidait dans l'espace gris les courts mouvements de ses mains doucereuses de marchand juif”.

Mais ces remarques ne sont surement que des broutilles. Il ya quand meme une grande lecon a retenir de ce livre: “J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel age de la vie”. En effet, c'est plutot l'age ou on ecrit des imprecations.
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Ce qui m'a conduit à lire ce livre, c'est le fameux « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie ». Je voulais connaître ce qui se cachait exactement derrière ce célèbre incipit. Eh bien, ce n'est pas du tout ce que j'avais imaginé.
Le tout jeune Paul Nizan nous conte ici sa Révolte avec un grand R, comme dans Rejet.
Rejet de la France, de la bourgeoisie... de la société qui est conventionnelle, factice et lâche... enfin insupportable, quoi !
Il fuit ce monde pourri et part pour Aden (pas Eden). Il commence par apprécier le dépaysement et l'exotisme, mais se rend finalement compte (quelle désillusion!) que l'herbe n'y est pas plus verte qu'en France, et qu'il y retrouve les mêmes travers.
Alors… sur le fond, il n'a pas tort!
Sa révolte est justifiée, le monde ne tourne pas rond.
Mais la solution qu'il envisage passe par la haine et le combat, et là, j'ai du mal à adhérer.
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Autant j'ai beaucoup apprécié La conspiration, autant Aden Arabie n'a pas provoqué grand chose dans les méandres de mon esprit littéraire. J'ai essayé de trouver ce voyage où l'auteur s'évoque lui-même, mais malheureusement, je n'ai pas été suffisamment transportée. Paul Nizan avait un réel potentiel en tant qu'écrivain, et je n'en douterai jamais là-dessus. Je mets trois étoiles car ce récit contient tout de même quelques beaux passages.
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