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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
«De chair et d'os et de viscères»

Virginie Noar a choisi pour son début en littérature de nous dire ce que ressent vraiment une femme qui accouche, combien le rôle de mère est difficile et combien l'expression «ce n'est que du bonheur» est galvaudée. Édifiant!

Le test de Rorschach est probablement le test de personnalité le plus célèbre au monde. Inventé en 1921 par le psychiatre suisse Hermann Rorschach, il permet à partir de tâches d'encre de définir le profil psychologique des patients. Si je vous en parle en introduction à cette chronique, c'est parce la graphiste Élodie Campo a choisi l'une de ces tâches pour illustrer la couverture de ce roman. Choix judicieux, car il invite d'emblée le lecteur à imaginer, à interpréter… et à confronter cette image au titre énigmatique «Le corps d'après».
Même si, dès les premières lignes, qui décrivent une épisiotomie, on comprend que cet après est la période qui suit un accouchement. Et que nous sommes bien plus proches d'une tragédie que d'un hymne à la joie. À en croire l'équipe médicale, tout s'est bien passé, le bébé est là et les premiers tests sont concluants. Reste à faire place nette. Tout à l'air si simple. le bonheur promis se heurte pourtant à une dure réalité: «tu claques des dents, tu voudrais dormir et qu'on t'arrache de ce corps étranger, là, tout de suite, ne jamais avoir vu cette étendue de sang qui macule la salle de bains étroite et virginale. Tu t'assieds sur la cuvette des toilettes parce que.
Ça virevolte. Tu ne peux plus. Tu as mal. Peur. Tu chuchotes "au secours". Ça tourne. Ça virevolte. Tu tombes, de ce corps nu qui saigne sans s'arrêter. Mais tu n'es pas morte. Tu n'es pas morte.»
Toujours en vie, il faut alors tenter de se réapproprier ce corps «de chair et d'os et de viscères», d'apprivoiser la peur omniprésente, de croire que tout va s'arranger. Pour cela Virginie Noar choisit de revenir sur les épisodes précédents, de nous raconter comment tout a commencé et le plaisir qu'il y avait alors de faire l'amour et de s'abandonner. Il n'était pas question de tomber enceinte: «Ce n'était pas du tout prévu comme ça. On devait baiser, c'est tout, s'exténuer, glisser l'un contre l'autre, mouillés tremblants, le souffle court, se pénétrer, jouir puis soupirer, tout ça pour ne pas oublier qu'on était vivants et qu'on ne deviendrait jamais des gens morts, usés, aigris.»
Après le test de grossesse positif, elle nous raconte le parcours classique de la femme enceinte, libre et célébrée. «J'effectue des prises de sang, plein de prises de sang, j'organise et planifie des rendez-vous, je me rends aux cabinets d'échographie, j'écarte les jambes et remonte ma culotte, essuie mes cuisses et rabats la manche de mon pull-over, je n'omets pas Ies «merci au revoir à bientôt pour le prochain examen, je suis tellement heureuse», je signe des formulaires, cachette des enveloppes, je préviens la terre entière, surtout la CAF et la Sécu, c'est important. Et la bonne nouvelle, c'est que tout va bien. Tout est sous contrôle.»
Jolie formule pour cacher toutes les peurs de la naissance à venir et celles, encore plus terrifiantes face au nouveau-né.
Sylvie le Bihan avait ouvert la voie au printemps. Dans son roman Amour propre elle s'interrogeait sur le statut de ces femmes qui refusent la maternité, qui revendiquent le droit de ne pas aimer les enfants. Virginie Noar lui emboîte en quelque sorte le pas en démystifiant la belle histoire que l'on nous vend sur la grossesse et la maternité. N'en reste pas moins un lien viscéral mis en exergue par une très belle formule: «Donner la vie, c'est rendre la mort possible en même temps. C'est terrifiant et merveilleux.»


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Ce premier roman faisait partie de la sélection « Rentrée littéraire 2019 » des 68 premières Fois… La session est terminée depuis février et, en cinq participations à cette belle aventure, c'est la deuxième fois que je ne lis pas tous les romans sélectionnés.
Le Corps d'après de Virginie Noar était dans ma PAL numérique et je remettais toujours à plus tard sa lecture…

Quand, enfin, j'ai décidé de me plonger dans ce livre, je n'ai pas réussi à m'intéresser à ce que je lisais ; je parvenais seulement à lire quelques pages de temps en temps et leur contenu me laissait une impression de malaise.
J'ai songé à abandonner, ce qui ne me ressemble pas, surtout que 256 pages ne sont pas vraiment une grosse épreuve à avaler. J'ai donc effectué quelques recherches : l'auteure traite ici un sujet qu'elle connaît bien puisqu'elle est travailleuse sociale et exerce dans un espace de rencontre parents-enfants.

J'ai donc poursuivi ma lecture en me focalisant sur les deux clés d'approche : le récit du corps souffrant de porter la vie d'une femme qui subit sa grossesse et, en miroir et en italique, l'histoire morcelée de sa vie passée, puis de la passion amoureuse qui a aboutit à cette promesse d'enfant.
Il s'agit bien ici de bousculer les idées reçues : la grossesse n'est pas toujours un épanouissement et ce n'est pas que du bonheur d'accoucher et de devenir mère ; l'allaitement maternel n'est pas une fin en soi.
Il y a beaucoup de violence dans ce livre, autour de la maltraitance infantile et conjugale, de la sexualité, de la maternité, des normes et des injonctions, des gestes invasifs du corps médical pour le suivi gynécologique des femmes…
L'histoire de la narratrice qui s'exprime à la première personne est complexe, lourde à porter et la grossesse vient cristalliser toutes ses anciennes blessures.

Je crois avoir compris le message que Virginie Noar voulait faire passer mais j'ai buté sur un style brut, instrumentaliste, victime peut-être de cette ambiance dont il est le reflet et le porte-parole.
Pourtant, certains passages sont poétiques, allégoriques… J'ai repéré de belles trouvailles stylistiques, comme quand, au moment crucial de l'accouchement la narration à la première personne se fait tout à coup impersonnelle et omnisciente, pour marquer une dépossession, un éloignement, un état de choc : brièvement, sur quelques pages, le « JE » devient « l'accouchée »…
Et puis, il y a cette boucle narrative mortifère malgré sa dénégation : « Mais tu n'es pas morte …» ; cette phrase ouvre le récit et le ponctue. C'est ce que l'on dit à quelqu'un pour relativiser, pour minimiser. Ici, il s'agit de marquer le passage de parturiente à mère.
L'auteure mêle passé enfoui, souvenirs traumatiques, temps présent et « avenir pas encore convoqué » dans son récit, anticipant brièvement le post-partum, révélant un éternel recommencement ; il n'est pas anodin que le bébé soit une fille, une « enfant femelle [devenant] cette femme sous contrôle, vouant peut-être sa vie à la reconquête de son précieux féminin ».
L'épilogue, véritable manifeste féministe, m'a surtout délivrée d'une lecture difficile… C'était enfin fini !

Un roman dérangeant qui n'était pas pour moi, à l'instant T.
Je n'ai jamais réussi à m'attacher à cette « mère funambule »… Dommage !


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C'est l'histoire du corps de la femme, à plein d'âges différents, le corps qui reçoit des coups, qui attise le désir, qui jouit, qui devient plein de l'enfant à naître, qui donne naissance, qui souffre...
C'est l'histoire de cette chair évaluée, triturée, contrôlée, monitorée par les hommes en blanc et les autres. Intimité devenue spectacle, publique et sociale.
Ce texte est très bien écrit, l'écriture est directe et dit les choses, quitte à choquer. La femme prend ici plusieurs facettes, on se rend compte que la féminité est plurielle et mouvante et l'on suit la narratrice évoluer dans son rapport à son corps au fil du récit.
Mais malgré ces qualités, le livre n'a pas réussi à me toucher. Je n'ai pas eu franchement d'empathie pour l'héroïne. Je crois que le style a supplanté le reste et m'a empêché de me laisser aller à l'histoire. Il m'a manqué un petit supplément d'âme. Peut-être juste une pause, un peu de simplicité aussi.
Je dirais que c'est un bel exercice littéraire, plus récit - voire pamphlet - que roman.

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Il y a eu Virginie Despentes et son "Baise moi" qui a marqué toute une génération et voilà que la relève se fait entendre avec la voix d'une autre Virginie qui signe un ouvrage tout aussi générationnel.
Un livre organique et à l'écriture nerveuse ou le corps de la femme est au centre du sujet.
Le corps comme acte politique contre une société patriarcale, le corps objet de jouissance solitaire sans pudeur, corps maîtrisé, corps qui répond aux injonctions masculines ou encore corps qui sans cesse cherche à se remplir de l'autre.
Mais aussi corps de la maternité qui transforme, qui fait peur qui est sujet à des violences toutes médicales et ramène à ce corps de petite fille mal aimé, mal traité ou lâchement abusé.
Si c'est parfois un peu confus dans les aller retour entre l'histoire de l'auteur (vrai ou pas là n'est pas le sujet) c'est néanmoins une voix importante pour parler de cette génération qui refuse de se plier et dit enfin que la maternité n'est pas acquise aux femmes par instinct.
La relève est là, bien là et si cette lecture m'a quelque peu déstabilisée elle n'en reste pas moins une belle découverte.
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Avis mi-figue mi-raison sur "Le corps d'après" de Virginie Noar

L'auteur alterne roman de vie actuelle et souvenirs d'enfance/adolescence. Cette alternation permet de comprendre en théorie les combats intérieurs de la narratrice d'aujourd'hui (une narratrice dont on ne connaîtra jamais le prénom d'ailleurs, est- ce une façon de sur à chacune de se retrouver dans le personnage ? ).

De prime abord, je n'ai pas réellement saisi le pourquoi des souvenirs sexuels au milieu d'un récit sur la maternité. Et à la fois cette relation entre sexualité et maternité semble évidente, la première menant indéniablement à la deuxième, possédant l'une l'autre autant de plaisirs que de souffrances. le corps de la femme est évoqué comme un instrument puissant au service de la nature, au service de la vie mais c'est aussi l'enveloppe de l'esprit, un esprit qu'on essaie de formater depuis le plus jeune âge de façon consciente (par exemple par les médias) ou inconsciente (par exemple par la famille, avec ses codes, son éducation, ses croyances). Un corps également soumis aux quelques bien-pensants qui encadrent la maternité, ceux là même qui ne laissent que très peu de place à la parole de la (future) mère...

Dans la douleur, dans la reconstruction, l'auteur évoque le passage de la chrysalide en papillon. La chrysalide qui voit sa carapace se fissurer, saigner, (jouir ?) pour finalement laisser (re)naître un être libre, délesté des poids du passé, soulagée d'avoir compris son passé et donc enfin capable d'avancer.

Future mère, je pense que certains passages crus m'ont freinée dans ma lecture, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas post-accouchement, mais au final la deuxième partie du récit m'a semblée cohérente et plus engagée, un combat "féministe" clairement affiché par l'auteur qui n'hésite pas à utiliser des mots secs, des descriptions sans filtre.
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Le Corps d'après est un roman qui est à la fois un cri de révolte contre les injonctions liées à la maternité et une déclaration d'amour au corps des femmes et à ce pouvoir incroyable qu'il a de donner la vie.

La narratrice est une jeune trentenaire transformée par sa grossesse. Elle partage ses pensées intérieures en vrac, sans filtre, dans un style parfois télégraphique.
Les chapitres sont courts et suivent une progression chronologique, retraçant les grandes étapes sur le chemin de la maternité, du début de la grossesse au 7ers mois du bébé.

Le statut de femme enceinte fait par ailleurs ressortir des souvenirs traumatiques, relatés en italiques comme des flash-backs au fil du récit, de son enfance dans une famille violente à ses expériences sexuelles souvent extrêmes.

Si cet aspect du récit peut choquer ou mettre mal à l'aise certains lecteurs, le lien établi par l'autrice entre féminité, sexualité, maternité et (a)normalité est confrontant.

Le Corps d'après dénonce notamment le politiquement correct autour de la maternité (le fameux "c'est que du bonheur"), l'hypermédicalisation de la naissance et l'asservissement du corps des femmes qui en résulte, mais aussi la pression du désir masculin qui empêche les mères de s'abandonner à leurs instincts et de vivre pleinement les premiers mois avec leur bébé.

Au final, ce roman aux accents freudiens est assez déroutant, mais il a le mérite de faire tomber de nombreux tabous autour de la maternité, qu'il s'agisse de ses aspects psychologiques ou physiologiques.
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La narratrice est une jeune femme à l'enfance compliquée. L'amour, le désir, la violence et les errances ont peuplé son adolescence. Aujourd'hui, l'idée de ce qui deviendra un enfant émerge avec le premier test de grossesse, premières émotions partagées avec le futur père… Mais ce qui importe n'est-il pas de savoir comment être mère, le devient-on, est-ce automatique, cet instinct maternel dont tout le monde nous bassine les oreilles, existe-t-il ? Et comment se déroule cette période hors du temps, d'un corps qui se transforme pour en abriter un autre, étranger et tellement proche.

Viennent alors les incertitudes, les angoisses, les questionnements, et si je ne savais pas, et comment va se transformer ce corps qui ne m'appartient presque plus. En parallèle, et en italique dans le roman, les souvenirs d'enfance, une enfance pas si facile ni si gaie que cela, à rechercher l'amour d'une mère.

Etonnant, violent, contestataire, le corps d'après est un livre combat. Ce combat pour se réapproprier son corps, celui en mutation, qui en invente un autre, qui se dédouble, mais qui pendant des mois va appartenir aux obstétriciens qui l'auscultent, l'observent, le fouillent, le violentent contre ou malgré la volonté des femmes. Qui devra être conforme aux attentes d'une société moralisatrice et contraignante, parsemée d'interdits et d'obligations, et du côté du corps médical, de dictats et d'examens forcés, non expliqués, non acceptés mais fait comme si le consentement médical n'avait pas à être demandé.

Car comment lutter si l'on ne sait pas, si l'on n'ose pas, par méconnaissance souvent, par peur, par crainte de mal faire. La femme tente de protéger coûte que coûte cette intégrité qu'on lui refuse parfois, par habitude, lassitude, parce qu'on est le sachant. Face à ces violences gynécologiques qui semblent d'un autre temps, mais qui sont bien contemporaines, la narratrice ose dire non. Puis vient le temps de l'accouchement, ce plus beau jour de sa vie, qui se fait dans la douleur, l'incertitude, le silence et le mépris de ces sachant qui une fois encore n'expliquent pas, ne rassurent pas…
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/11/04/le-corps-dapres-virginie-noar/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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"Le corps d'après" m'a semblé être un cri violent. Un cri de protestation contre les normes, les fausses obligations, les "il faut". Contre les violences gynécologiques, devenues banales car justifiées par la médecine et son contrôle statistique des risques. Contre les indications multiples qui prônent la bonne manière d'accoucher et d'élever un nouveau-né. Ce récit est un appel viscéral à remettre en question ces normes et à retrouver l'instinct qui a permis la survie de l'espèce humaine au fil des millénaires.

Très organique, ce témoignage (plus que roman) accorde une grande place au corps ("d'après" mais aussi beaucoup "d'avant"), à ses sensations et ses transformations. À la fin de ma lecture, outre les questionnements bienvenus, il me reste cependant une pointe de malaise et de lassitude face à cette violence des corps qui semble parfois volontairement et abusivement recherchée, une sorte de cri désespéré et inépuisable de ce corps malmené.
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Le corps d'après : il fallait oser écrire ce livre, plutôt récit : le bouleversement du
corps pendant la grossesse, l'accouchement « que du bonheur », la peur de ne pas
savoir s'y prendre avec le bébé, la perte de la liberté, que faire, allaitement ou pas ?,
la sexualité après…..
Questionnements, angoisses, peurs , un livre vrai, dépouillé de toute fioriture qui
bouscule. Il est percutant, cru, perturbant.
L'écriture directe m'a parfois déstabilisée. Pour moi, un manque d'émotions
également.
Virginie Noar m'a obligée à réfléchir et à me ramener quelques décennies en arrière.
Et je ne me souviens pas d'être passée par toutes ses questions et
angoisses……Alors, certainement « Que du bonheur » !!!!
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