- Il n’y a rien de plus douloureux que de voir souffrir quelqu’un qu’on aime…
- Vous avez vu ça ? murmura le journaliste du Figaro à l'oreille de Laszlo, désignant une grande statue de Rouget de Lisle dressée sur son socle qui, le regard écumant et la bouche rageuse, toisait ces corps mutilés comme si sa justice venait de s'abattre sur eux avec un siècle de retard.
Observant la progression des ouvriers sur les arêtes des pierres dénudées à vingt mètres au-dessus du sol,
il songea que des hommes mourraient pour
détruire ce grand vaisseau de pierre, après que d'autres qui étaient
morts pour l'ériger et que la beauté des villes se bâtissait
sur le sang des hommes depuis des millénaires
sans que personne y trouvât
rien à perdre p 445
Tout lire lui avait donné le vertige et une faim grandissante du monde. Elle y avait perdu le peu de déférence qu'on lui avait inculquée. Les livres lui avaient enseigné l'irrévérence et leurs auteurs, à aiguiser son regard sur ses semblables; à percevoir, au delà des apparences, le subtil mouvement des êtres, ce qui s'échappait d'eux à leur insu et découvrait des petits morceaux d'âme à ceux qui savaient les voir.
Quand le coupé du comte de M. vous avez ramenée chez vous, quelques heures plus tard, votre père ne s'était pas aperçu que vos yeux n'abritaient plus cette lueur d'enfance qui s'attarde jusqu'au soir des noces. Vous vous étiez précipitée sur le prie-Dieu de votre mère, implorant Son pardon pour avoir eu foi en cet homme qui venait de vous arracher brutalement ce que nul amour ne pouvait excuser. L'instant d'après vous hantait toujours, quand il avait essuyé quelques larmes hypocrites en jurant qu'il n'avait fait que voler un acompte sur une félicite promise. Il vous épouserait, la chose était entendue, et personne ne devinerait en vous voyant marcher vers l'autel qu'on vous avez dérobé cette part précieuse qui fait la valeur marchande d'une fiancée. Il ajouta qu'il n'avait pas été bien difficile de vous l'extorquer, qu'il avait connu des victoires plus escarpées et incertaines.
tu aimeras ce clochard car il est ton prochain, tu panseras ses ulcères, respireras ses miasmes comme un encens.
Dans cette ville, il est important de savoir montrer les dents. Ne perdez plus votre temps à ces enfantillages d’amour…
Savez-vous combien il est rare et précieux d’être aimé dans notre petite communauté littéraire où rien n’égale le plaisir de fustiger ses confrères ? Bon, cela dit, rassurez-vous. Léon Bloy vous méprise, et certains vous traitent de fat, d’aristocrate monté en graine. Si vous faisiez l’unanimité, il faudrait arrêter d’écrire et vous lancer dans la politique !
- Je trouve que le courage, c’est plutôt de survivre quand on voudrait mourir…
Un roman magnifique dans son ensemble. La plume de l'auteur a contribué largement à ce coup de coeur : du Victor Hugo moderne, dans le sens où elle écrit très savamment sans qu'il n'y ait de longueur... Une plume vraiment très agréable à lire, de la belle littérature.
L'histoire quant à elle est passionnante, tirée d'une histoire vraie, celle d'un incendie dans un bazard de Charité à Paris. Les détails y sont fulgurants, transcendants, cette tragédie émeut, bouleverse... On partage les sentiments des personnages, on a peur pour eux, on prie pour eux... Entre la manière d'écrire noble et le langage de l'époque dans les dialogues des aristocrates, je m'y suis vue. J'ai vécu l'histoire.
Je n'ai pas trouvé de défauts à ce roman, superbement écrit, tout m'a plu.