LE BON, LA BRUTE, ETC. d'
Estelle Nollet – coup de poing !
Publié le 15/09/2011 par Asphodèle
Editions Albin Michel, 2011. 347 p. Mieux qu'un coup de coeur, c'est bien un coup de poing ? Mon premier livre voyageur, envoyé par Delphine, avant mon blog fut «
On ne boit pas les rats-kangourous » et ce livre m'avait troublée, scotchée, bref je me demandais comment l'auteure allait pouvoir surprendre avec un deuxième livre, je le guettais, LiliGalipette me l'a offert. L'essai est transformé, mais en plus son style s'affirme, prend un ampleur incroyable.
DE QUOI ÇA PARLE ?
Nao (Fiona) et Bang (Pierre) cavalent, ils ne font que ça depuis qu'ils se sont rencontrés (et nous on essaie de suivre en reprenant notre souffle.) Pour mieux échapper à la mort (pour elle) et pour la suivre (pour lui). Parce qu'en bougeant, en voyageant, ils ont l'impression d'exister, de croire que leur vie ne s'enlise pas dans la médiocrité à laquelle elle était condamnée.
Bang, la trentaine falote a un don infernal : il croise un regard une fraction de seconde et la personne se met à avouer les pires choses qu'elle ait faite. L'horreur ! Il s'est volontairement mis en retrait de la société en faisant webmaster, condamné à rester dans son coin et à vivre les yeux baissés. Pour éviter la transe qu'il provoque, le vortex qui l'accompagne et les ignominies qu'il entend .« Parce qu'il n'y avait pas moyen de tourner le bouton sur off »". « Il était las, ça se voyait, des cernes en forme de découragement ».
Nao vient d'apprendre qu'elle a une tumeur au cerveau et ne veut pas l'entendre, elle ne veut surtout pas passer le temps qui lui reste, à vomir sa chimio. Autant s'étourdir, se saoûler, s'envoyer en l'air et pourquoi pas, se servir un peu du « don » de Bang au passage. « Ils se tenaient la main les doigts tressés et tricotés, ils s'accrochaient l'un à l'autre mais c'était pour ne pas tomber, comme quand on fait dix noeuds à une corde trop usée qui un jour ou l'autre, fatalement, finirait par lâcher. Bang le savait.
Car Nao hibernait même si c'était l'été. »
Ils quittent tous les deux leur boulot et commencent à bourlinguer. le Mexique où Nao réalise un vieux rêve, elle connaît par coeur la vie de tous les animaux, singes, perroquets, papillons et autres grenouilles, séquelles d'une enfance solitaire passée devant les documentaires télé. Puis l'Australie, l'Afrique pour Bang (qui a choisi son prénom en mettant le doigt sur Bangui lorsqu'il était petit). Nao va un peu forcer Bang a user de son don pour se faire justice, pour faire justice. Parce qu'il n'y a pas de raison, elle va mourir avant trente ans alors pourquoi les salauds ne paieraient-ils pas un peu ? Ils vont brûler la chandelle par les deux bouts, le passé va rattraper Bang… Ce sont encore deux « innocents magnifiques » que nous donne à lire
Estelle Nollet, deux êtres dont le destin ne veut pas, qui n'ont pas le temps de se fabriquer des souvenirs pour plus tard, leur présent c'est déjà l'avenir, quand ils ont le temps d'y penser. Et parce que aussi peut-être, tant qu'il n'y a que le bon et la brute, on s'en sort mais que vienne un truand et ce n'est plus la même donne…
Je ne vous en dis pas plus sur « l'histoire » qui jusqu'aux dernières pages rebondit…tristement, comme souvent dans la vraie vie.
Estelle Nollet a un style « boulet de canon », elle m'a mise K.O. debout ! Rien de classique, de convenu, de « dans l'air du temps », les autres styles ont l'air compassé à côté du sien. C'est l'électron libre de la littérature actuelle. Sa plume a cette particularité saignante qui écorche les mots, bouscule les codes, balaie les convenances, un peu comme ses deux héros atypiques. Mais qu'est-ce que ça fait du bien ! Bizarre que les critiques littéraires (les vrais) n'en parlent pas plus, comme Picasso à ses débuts, on l'adorait ou on détestait…
Un dernier extrait pour la route : « ….ça ne le gênait pas de refaire le trajet à pied, même à la nuit tombée, les étoiles en réverbères. Il avait tellement l'air d'être tombé par erreur d'un ciel inattendu ou d'avoir germé là un matin, crevant la terre, que personne ne lui prêtait vraiment attention. (…) Des hauteurs de Ngaragba il avait vu les pirogues brunes glisser sur le fleuve café-au-lait et les pêcheurs lancer leurs filets d'espoir (…). Humé l'ail et l'oignon des marchés bigarrés où des femmes sous des parapluies en parasol attendaient que les heures passent comme les gardiennes du temps. »
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