- Et comme ça de toi à moi, répondit-il au flic, tu veux pas me foutre la paix et me redescendre en cellule ?
- T'es ronchon parce que je t'ai traité de connard quand je t'ai interpellé ?
- C'est jamais agréable, reconnut Mosconi.
- Désolé, je pensais que tu le savais déjà.
La ville de Marveil accueille le plus grand centre pénitentiaire d'Europe. Comme un voisin indésirable, un jumeau maléfique. L'un comme l'autre font la même taille. Cent quarante hectares exactement. Si l'on prend la carte de Marveil et la plie en son centre, ville et prison se recouvrent entièrement, parfaitement, avec la symétrie d'un test de Rorschach.
Pour parfaire le malaise, les prisons portent simplement le nom de l'endroit qui les accueille. Ainsi, lorsqu'on dit vivre à Fresnes ou à Fleury-Mérogis, celui qui vous écoute vous imagine déjà assassin ou violeur. Marveil n'échappe pas à la règle.
Il n'est de complice que lors du crime. Face aux policiers, c'est chacun pour sa liberté.
C'est bien. J'ai votre confiance. Ça m'aide. Vous êtes des amis en plastique et des collègues en carton, je saurais même pas dans quelle poubelle vous recycler.
Tu fais le moindre geste déplacé, je te ventile en puzzle cinq mille pièces.
Avait-il été balancé ? Avait-il commis une erreur ? Dans l’attente des réponses, il opta pour l’attitude conseillée par tous les avocats pénalistes qu’il avait rencontrés.
- J’sais pas de quoi vous parlez. j’ai rien fait. c’est pas moi.
- Virez moi cette merde de mon bureau.
Le greffier ne nota pas cette dernière phrase et, vu l’attitude de son client, l’avocat n’osa pas relever l’insulte.
C’est un homme politique. Les politiques ça titube, ça tangue, mais ça ne tombe jamais vraiment.
"Un centre pénitentiaire n'est efficace que s'il reconstitue une société carcérale juste, avait-il dit. Sans prédateurs, sans proies, dans une parfaite équité, sans privilèges ni passe-droit, sans nécessité de violence, sans jalousie de ce que l'autre pourrait avoir de plus ou de mieux. La force devenant inutile, il ne reste plus qu'a vivre ensemble, en bonne société. Malheureusement, il n'existe pas d'endroit plus dangereux, inégal et injuste que la prison. Et au lieu d'en ressortir équilibré ou cadré, les détenus en sortent plus violents, désabusés, perdus et agressifs, sans aucun projet de réinsertion. Plus venimeux en sorte. La prison comme une école du crime."
A force de ne jamais se faire braquer ou voler, les curseurs de vigilance s’abaissent jusqu’à ce que plus personne n’en ait rien à faire et à la fin, on laisse tout ouvert. On appelle ça la force négative de l’habitude.