Quelques années après avoir lu "
Entre deux mondes" qui m'avait profondément remuée, je retourne à la découverte de l'oeuvre d'
Olivier Norek, avec l'un de ses premiers romans qui est en fait de deuxième tome d'une trilogie (mais ne pas avoir lu le premier n'a pas gêné ma lecture).
Ce roman est également inspiré de l'expérience d'
Olivier Norek, cette fois il s'appuie sur ses années de service dans la Police Judiciaire dans le 93, et le moins qu'on puisse dire... c'est que c'est une lecture qui, là aussi, bouscule le lecteur dans son confort.
Dans une langue très directe, sans aucune intellectualisation ou pirouette littéraire pour rendre beau ou philosophique ce réel qui ne l'est pas,
Olivier Norek montre de manière ultra réaliste des personnages ni héros ni victimes qui font de leur mieux pour vivre ou survivre dans ce milieu défavorisé pour le 93. Certains cherchent à en sortir via l'attrait de l'argent facile (en rendant "des petits services" aux dealers) et d'autres essayent de racheter leur passé ou leur cul-de-sac social qu'est la vie dans ces banlieues en travaillant pour les mairies... et des politiciens aussi véreux et corrompus (si ce n'est plus, si on considère l'échelle d'influence et de pouvoir sur l'ensemble de la société) que les parrains de la cité.
L'enquête est prenante et j'ai aimé cette dénonciation de la situation qui a quoi nous donner envie de hurler sur les politiques de gauche et de droite de ces 30 dernières années. A aucun moment le romancier ne juge ses personnages, il constate l'impasse dans laquelle ils sont.
L'objectif d'interpeller le lecteur autant que de le divertir est atteint. J'ai d'ailleurs souris plus d'une fois aux remarques de type "c'est bon, ici on est pas à la télé, c'est la vrai vie".
De quoi me donner envie de découvrir davantage d'oeuvres d'
Olivier Norek, même si, j'avoue, juste après le tableau des prolo du Nord dépeints par
Edouard Louis, ça fait un peu beaucoup ! Avant ça il va falloir faire redescendre la tension de ma conscience citoyenne avec quelque chose de plus léger. Entre les scènes de violence (même sans moult détails, la symbolique suffit) prédatrices et gratuites entre humains et les tortures aux animaux,... Ou l'exploitation de la détresse des personnages âgées précaires de ces cités (en plein scandale Orpea, qui a lui seul nous fait hurler dans nos canapés pour éviter d'hurler ou de jeter nous aussi des cocktails Molotov dans les résidences de ces parrains de la finance en costards)... Tout cela m'a fait changer complètement mon programme de lecture pour faire redescendre la pression avec un entracte même court !
Malgré tout, c'est une lecture que je trouve nécessaire, pas forcément somptueuse en termes purement littéraires, mais ce roman fait partie de ces lectures qui nous rendent plus citoyens et qui nous permet de nous interroger sur des situations réelles et non hypothétiques ou fantasmées à l'heure où l'hystérie et les slogans racoleurs sont à la mode. Jung l'a dit, réfléchir est une chose compliquée, c'est pour ça que la plupart des gens jugent, mais se mettre dans les bottes de ceux qui font face aux absurdités du système et aux impasses de ceux qui l'ont créé vaut tous les discours (de quelque bord politique que ce soit).