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EAN : 9782226167224
192 pages
Albin Michel (24/08/2005)
3.64/5   3479 notes
Résumé :
Concentration : la dernière-née des émissions télévisées. On enlève des gens, on recrute des kapos, on filme… Tout de suite, le plus haut score de téléspectateurs, l’audimat absolu qui se nourrit autant de la cruauté filmée que de l’horreur dénoncée.

Étudiante à la beauté stupéfiante, Pannonique est devenue CKZ 114 dans le camp de concentration télévisé. Les premiers sévices étant la perte de son nom, partant de son identité. Zdena, chômeuse devenue l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (347) Voir plus Ajouter une critique
3,64

sur 3479 notes
Un titre acide pour un roman acide. Pas de mystères. Il s'agit bien là de la plume d'Amélie Nothomb, celle du début, celle qui avait réussi à rabaisser mon caquet de lectrice avec son Stupeur et tremblements. Certes, ce roman n'est pas mon préféré... Mais quel délice cette satire de ce que l'on appelle téléréalité... Cette chose abrutissante, sans intérêt et dont tout le monde raffole. Cette espèce de mal-bouffe télévisuelle, aspirateur de neurones et d'intelligence.

Ce roman est remarquable d'originalité et de réalisme. Dans Acide Sulfurique ce sont deux réalités, historique et actuelle, qui se superposent:
Première réalité: le traitement des juifs déportés au cours de la seconde Guerre mondiale.
Deuxième réalité: l'influence de la téléréalité dans notre société.

Toutes deux sont terribles, putrides et ont fait des dégâts (ou continue d'en faire...). Toutes deux sont le pur fruit de la bêtise humaine. Bêtise humaine que le regard d'Amélie Nothomb, 'légèrement' cynique, sait reconnaître. Chose qu'elle fait d'ailleurs très souvent. En effet, dans bon nombre de ses romans l'auteure a toujours le chic pour mettre en scène les travers de la société, les tortiller avec sa plume, les entremêler, le tout enrobé d'une fine couche d'ironie et de cynisme.

Un style unique, un bagou spécial, un univers fictionnel qui vacille entre réalité et science-fiction (parfois) et surtout ce sens de l'humour qui frôle toutes les couleurs et surtout le noir. Cet humour si particulier et au public restreint qui, manié habilement, arriverait à faire tordre de rire les plus réticents à son encontre.

Des épices 'Nothomboresques' malheureusement en voix de disparition pour les 'Nothombphiles' comme moi qui ne redemandent qu'à retrouver cette Amélie Nothomb, petite graine de raison douce dans une société tristement acidifiante, dont la voix de la sagesse aurait pu, fut un temps, être comparée à celle de maître Yoda (ou pas).
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Amélie Nothomb est une intellectuelle. du moins dans ses romans. Et particulièrement dans « Acide sulfurique ».

Alors que les thèmes – la téléréalité et les camps de concentration – portent à s'émouvoir, à s'indigner, à réagir avec ses tripes, ici, tout est mis à plat, décortiqué, disséqué. Donc pas de réaction instinctive, mais plutôt une mise à distance, une analyse...intellectuelle.
Le propos ? En 2 mots : dans un futur (très ?) lointain, des organisateurs de téléréalité ont mis en scène l'innommable, reconstituer un camp de concentration pour y faire mourir les gens à petit feu, et ce devant des milliers de téléspectateurs. Et curieusement, personne, non, personne ne réagit, que ce soit parmi ceux qui regardent, que parmi ceux qui dirigent le pays, ou même ceux qui subissent, sauf une ! Une très jolie jeune fille ose se détacher du moule et défier l'autorité de l'image. Les conséquences s'enchainent très rapidement : les « kapos » (quand je vous dis que c'est une reconstitution des camps, il faut me croire !), les autres détenus, les organisateurs et les spectateurs se positionnent. Et c'est l'effet boule de neige, car chacun, en tant qu'être humain (si, si, il parait que c'est encore des êtres humains) est obligé de se placer par rapport à cette frêle jeune femme au mental phénoménal.
Et donc, tout va se jouer, comme dans un (bon ?) jeu de stratégie. Un pion se déplace ? Les autres aussi, forcément. Mais ici, c'est d'un déplacement intellectuel qu'il faut parler. Chaque phrase est assassine (quasiment dans les 2 sens du terme). Chaque mot porte, tire et tue...ou sauve.

Amélie Nothomb en profite pour parler
- de la force du prénom (« le prénom est la clé de la personne. C'est le cliquetis délicat de sa serrure quand on veut ouvrir sa porte »),
- du langage (« On est toujours plus beau quand on a un mot rien que pour soi. le langage est moins pratique qu'esthétique »),
- et même de Dieu (« Au fond, la création accomplie, quelle était la tâche de Dieu ? Sans doute celle d'un écrivain quand son livre est édité : aimer publiquement son texte, recevoir pour lui les compliments, les quolibets, l'indifférence. Affronter certains lecteurs qui dénoncent les défauts de l'oeuvre alors que, même s'ils avaient raison, on serait impuissant à la changer. L'aimer jusqu'au bout »).
Et de toute une série de petites choses auxquelles on ne pense pas nécessairement dans la vie courante, mais auxquelles on acquiesce quand c'est dit à la manière nothombienne.

Bref, un roman qui, à défaut d'émouvoir, fait réfléchir. Ce qui n'est pas plus mal, en ces temps où les cerveaux sont souvent sclérosés par la pensée télévisuelle...

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Mais quelle audace ! La femme au chapeau ne fait pas dans la demi-mesure et cela n'est pas pour me déplaire.
Original et percutant sont les deux adjectifs qui me viennent à l'esprit pour qualifier cet ouvrage très bref au titre décapant et aux premiers mots cinglants :
" Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus ; il leur en fallut le spectacle. "

Rafles, kapos, matricules, camp, tortures diverses et variées, exécutions. Un livre abordant la déportation ?, me direz-vous. Non, une critique extrêmement corrosive d'un genre télévisuel qui s'est fortement développé au cours des dernières années et dont les producteurs semblent vouloir repousser toujours plus loin les limites : la télé-réalité.

En imaginant un jeu télévisé mettant en scène une réalité historique douloureuse, Amélie Nothomb pousse le concept à l'extrême et fait mouche. Elle nous bouscule, nous égratigne, nous écorche pour mieux nous prendre dans ses filets.

Dans l'univers imaginé par la romancière, plus les médias s'offusquent et dénoncent les atrocités subies par les prisonniers du camp, plus l'audimat augmente ; ce dernier atteignant son paroxysme lorsqu'il est demandé au public de désigner les captifs devant être exécutés. Loin d'être atterrés par les règles inhumaines de ce qui est censé être un jeu, les spectateurs, complices, non seulement se complaisent dans un voyeurisme malsain mais prennent également plaisir à participer aux sévices.

Au beau milieu de cette noirceur, scintille toutefois une lueur d'espoir en la personne de Pannonique, magnifique jeune femme qui resplendit autant par sa beauté physique que par celle qui irradie de son âme. Intelligente, courageuse, endurante, la détenue CKZ 114, comme elle est appelée au camp, de par son sens du sacrifice et sa lutte pour conserver sa dignité, non seulement force le respect de ses compagnons d'infortune mais parvient également à faire fléchir et humaniser quelque peu la brutale kapo Zdena.

Acide sulfurique, un ouvrage provocateur et dérangeant ayant suscité la polémique mais proposant une exploration des facettes les plus obscures mais aussi les plus pures de l'individu et invitant à l'introspection. Un écrit fort intéressant !

Ah... J'allais oublier... Je m'appelle Isabelle !
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On m'avait fortement recommandé de lire cet ouvrage d'Amélie Nothomb et pour une fois, j'ai bien fait d'écouter ce fameux "on". Il y a un très bon sujet de philo qui pose la question suivante ; L'Histoire est-elle un éternel recommencement ? et je crois qu'Amélie Nothomb a mis les pieds dans le plat avec cet ouvrage.
Le contexte ; de nos jours (bien que cela ne soit pas précisé exactement), une nouvelle émission de télé-réalité intitulée "Concentration" fait tabac. de plus, elle fait la une de tous les journaux et jamais le taux d'audience n'a été aussi élevé. Une véritable réussite basée sur la souffrance et la mort d'autrui. En effet, le principe est simple : reconstituer l'horreur qui sévissait durant les premiers camps de concentration sauf qu'ici, tout se passe en direct et, en plus d'être filmé, est retranscrit sur les écrans de télévision. Contre son gré, Pannonique est l'une des participantes à ce jeu cruel et démoniaque. Elle sera même privée de son nom si symphonique et si doux à l'oreille car désormais, comme tous les autres détenus, elle ne sera appelée et connue que sous son nom de matricule ; le sien étant CKZ 114. Les organisateurs ont pensé à tout pour déshumaniser complètement les prisonniers et leur enlever toute dignité. Pannonique, pardon CKZ 114 possède néanmoins un atout majeur : la beauté...une beauté telle qu'elle déstabilise non seulement les téléspectateurs mais également et surtout une kapo du nom de Zdena. Cette dernière sera tellement envoûtée qu'elle n'aura plus qu'une seule idée en tête : obtenir les charmes de la détenue CKZ 114 et pour cela, elle est prête à entraver bien des règles.

Un roman diaboliquement bien écrit qui nous prouve que nous ne sommes à l'abri de rien : malgré les horreurs que nous avons connu, les leçons que nous en avons tirées sont trop faibles et trop fragiles pour que cela ne se reproduise pas à nouveau. Dans cet ouvrage, le lecteur fait la rencontre de personnages très attachants, bien que confrontés à leurs instincts les plus primaires et en tire surtout une bonne dose de morale. A découvrir et à faire découvrir et surtout, un seul mot d'ordre : plus jamais ça !
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Sans être un grand fanatique, j'aime bien lire Amélie Nothomb, et ai lu quelques-uns de ses livres.

J'apprécie, comme beaucoup, son style pétillant, plein d'humour, la qualité de ses dialogues, donnant vie aux personnages, qu'elle entremêle parfaitement avec son goût pour le tragique et le morbide. Il y a aussi chez elle un côté analyse froide qui donne de la profondeur à ses romans.

Ses qualités font que, si ses romans se lisent vite, pour autant les reconnaissances littéraires qu'elle a reçues ne sont pas volées : le regard qu'elle porte sur la vie est édifiant pour le lecteur et, sans assener ses idées, elle les fait passer en douceur, de même qu'elle l'enrichit par sa grande culture.

Pour autant, j'ai été en partie déçu par Acide Sulfurique. D'abord parce que j'avais préféré les romans autobiographiques de l'auteure, pour moi plus intéressants du fait de ses expériences de vie. Ensuite parce que cette fable dystopique est certes bien menée, avec des passages poussant la réflexion, mais manque un peu d'originalité.

Il s'agit en effet d'imaginer la création à des fins de show télévisuel d'un univers concentrationnaire dont le seul objectif consiste à satisfaire l'audimat. Outre l'expérience nazie, elle constitue une déclinaison romancée de la fameuses expérience de Stanford -précédée de celle de Stanley Milgram-.

On y découvre -pour le lecteur qui l'ignorait encore- à quel point l'être humain, sommé de jouer un rôle, s'adapte facilement à la pression sociale, adoptant sans vergogne -ou presque, pour la plupart d'entre nous- sa mission de victime, de sauveur ou de bourreau. Je conseille au lecteur choqué éventuel de lire les expériences réelles réalisées. La désillusion et le froid dans le dos sont d'autant plus grands que l'expérience est réelle.

Amélie Nothomb ajoute des réflexions personnelles intéressantes autour de ses personnages kapos et victimes, sur la valeur sociale d'un nom plutôt qu'un matricule, sur les limites du respect de soi lorsque la faim s'en mêle -la faim justifie-t-elle les moyens?- , sur l'esprit de résistance, d'abord individuel, puis collectif, et sur les effets d'entrainement d'un groupe.

Bref, un certain nombre de points m'ont plus dans ce roman, j'a passé un bon moment de lecture, mais la plume d'Amélie Nothomb, à mon goût, peut mieux faire, explorer des domaines moins faciles qu'une telle dystopie surexploitée par les séries télévisées -de qualité souvent satisfaisantes par ailleurs-. J'attends de son regard décalé et caustique qu'il me mène vers des horizons plus vierges, plus corrosifs. J'aspire à trouver chez elle les qualités d'autopsie de Yourcenar et Cervantes, et pas seulement une rémanence de mes lectures de George Orwell ou Aldous Huxley.

Au risque de paraître un peu dur aux critiques enthousiastes -comme l'est parfois le professeur lorsque son meilleur élève tombe une fois dans la facilité-, j'attribue donc note moyenne d'étoiles à ce livre.
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Citations et extraits (257) Voir plus Ajouter une citation
Tandis qu’elle peinait au déblaiement des gravats, elle eut une crise de haine en pensant aux spectateurs. C’était une implosion lente qui partait de la cage thoracique et qui montait aux dents, les changeant en crocs : « Dire qu’ils sont là, avachis devant leur poste, à savourer notre enfer, en feignant sûrement de s’en indigner ! Il n’y en a pas un pour venir concrètement nous sauver, cela va de soi, mais je n’en demande pas tant : il n’y en a pas un pour éteindre son téléviseur ou pour changer de chaîne, j’en mets ma main à couper. »
Le kapo Zdena vint alors l’arroser de coups de schlague en l’invectivant, puis alla s’occuper ailleurs.
« Je la déteste aussi, et pourtant beaucoup moins que le public. Je préfère celle qui me frappe à ceux qui me regardent recevoir sa hargne. Elle n’est pas hypocrite, elle jour ouvertement un rôle infâme. Il y a une hiérarchie dans le mal, et ce n’est pas le kapo Zdena qui occupe la place la plus répugnante. »
p.93
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A la revue matinale, Pannonique vit le kapo Marko ramener la fillette. Elle sourit à la petite qui avait une mine de déterrée.
Puis le Kapo Jan vint sélectionner les condamnés du jour : normalement, il passait en revue l'effectif et jugeait qui méritait de mourir ; cette fois, sans hésitation, il sortit du rang ZHF 911 et PFX 150.
Un frémissement parcourut l'assemblée. On avait beau avoir l'habitude du mal, la condamnation d'un enfant, c'était autre chose. On ne parvint même pas à se réjouir d'être enfin débarrassé de la vieille.
On entendit pour la première fois la voix de ZHF 911, qui résonnait toujours à mi-chemin entre le grincement et le ricanement.
- Les extrêmes s'attirent, on dirait.
Il lui était égal de mourir.
PFX 150, elle, resta abasourdie de silence.
On dut la pousser pour la faire marcher.
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Elle serait Dieu pour tout. Il ne s'agissait plus de créer l'univers : c'était trop tard, le mal était déjà fait. Au fond, la création accomplie, quelle était la tâche de Dieu ? Sans doute celle d'un écrivain quand son livre est édité : aimer publiquement son texte, recevoir pour lui les compliments, les quolibets, l'indifférence. Affronter certains lecteurs qui dénoncent les défauts de l’œuvre alors que, même s'ils avaient raison, on serait impuissant à la changer. L'aimer jusqu'au bout. Cet amour était la seule aide concrète que l'on pourrait lui apporter.
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- Vous n'étudiez plus la paléontologie ?
- Si, autant terminer ce qu'on a commencé. Mais maintenant, chaque fois que je rencontre une nouvelle personne, je lui demande son nom et je répète ce nom à haute voix.
- Je comprends.
- Ce n'est pas tout. J'ai décidé de rendre les gens heureux.
- Ah, dit Pietro Livi, consterné à l'idée de voir la sublime Pannonique se lancer dans la bienfaisance. Cela consiste en quoi ? Vous allez devenir dame d'oeuvres ?
- Non. J'apprends le violoncelle.
Il rit de soulagement.
- Le violoncelle ! C'est magnifique. Et pourquoi le violoncelle ?
- Parce que c'est l'instrument qui ressemble le plus à la voix humaine.
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Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus; il leur en fallut le spectacle.
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Vidéo de Amélie Nothomb
Sur France Inter, Amélie Nothomb a choisi de dénoncer une injustice à ses yeux : les musées qui obligent trop souvent leurs visiteurs à réserver en ligne.
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1.Quel était le métier de Pannonique?

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b.paléontologue
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