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Critique de Mimimelie


J'ai encore en réserve quelque Nothomb.... car, tel le petit morceau préféré qu'on laisse au creux de l'assiette pour le déguster en dernier... j'en mets un peu de côté que je grignote en guise de récréation quand bon me semble.....
Ainsi ai-je sacrifié aujourd'hui celui-ci non sans l'angoisse qu'il soit moins bon que le morceau précédemment ou trop succulent et avalé trop vite....
Aie. péniblement arrivée à la moitié, hélas, je me demande à chaque seconde pourquoi je continue cette lecture pour laquelle j'en ai délaissé une en cours autrement plus passionnante ….. c'est qu'avec Nothomb, habituellement je m'amuse, je me détends, parfois même je jubile. Alors continuons
Hélas, ça ne s'améliore guère, arrivée aux 2/3, stop ! Extrait.
Remplaçons film par livre, spectateur par lectrice, et touti quanti, et tout s'éclaircit, voilà qu'Amélie réussit ici la prouesse d'anticiper mon sentiment de lassitude :

""— Combien de temps dure le film ? lui susurrai- je à l'oreille.
— Deux heures quarante-cinq.
« Horreur », pensai-je. Au cours de ma vie de spectateur, je me suis farci nombre de navets rien que pour voir une actrice qui me plaisait. Si mauvais que puisse être un scénario, je ne m'ennuie jamais quand je vois une belle fille. Je me concentre sur elle, je ne regarde rien d'autre. ...
— Ne lui en veux pas. le film est assommant, ce n'est pas sa faute.
— C'est vrai, le film est assommant, répéta-t- elle avec une grimace.
Il l'était, en effet. le scénario était une absence de scénario, et l'auteur avait tenté de le dissimuler derrière des scènes absconses et une esbroufe narrative, de manière à ce que le spectateur naïf se sentît stupide de ne pas comprendre la subtilité de l'intrigue.
Les dialogues étaient rares et c'était heureux, car ils étaient d'une nullité qui n'avait d'égale que leur prétention.
…  Le tropisme évanescent se donnait un genre dragueur qui annulait les dernières possibilités d'estime que l'on eût pu concevoir à son endroit.
Enfin, le plus grave, c'étaient les images. Qu'un cinéaste ne veuille pas faire joli, je le comprends. Qu'il veuille faire répugnant, ou vulgaire, ou excessif, ou terne, je le comprends aussi. Qu'il veuille faire « rien » – atypique, sans qualité, sans style, degré zéro –, je le comprends encore. Qu'il ne veuille rien faire, je ne le comprends pas. N'est-il pas plus logique, s'il ne veut rien faire, de ne pas tourner de film ?
… Et puis, pourquoi ces ombres peintes, ces décors alambiqués, ces quatre-vingts prises pour chaque plan, ces moyens faramineux, si c'était pour en arriver à des images aussi insignifiantes ? »"

Certes j'ai bien jusqu'ici glané ici et là quelques remarques savoureuses ou drôles... mais lumineuse Amélie a tout prévu :

« Ces instants de grâce furent foudroyants. Mis bout à bout, cela ne faisait jamais que quelques secondes, mais à mes yeux le navet entier s'en trouvait justifié. Cent soixante-cinq minutes creuses et moches pour dix secondes de splendeur, cela correspondait aux proportions de l'existence humaine : soixante-dix années de vie pour une semaine d'extase. »

Mais aussi tout gâché, car un peu plus loin encore, la projection terminée.... :

« Autour de nous, les gens se levaient, fatigués. le film avait déteint sur eux, ils étaient vides et laids. J'essayai d'analyser leurs réactions ; je m'aperçus que leur air blasé dissimulait une angoisse sans nom : ils ne savaient pas s'ils étaient tenus d'aimer ou de ne pas aimer ce qu'ils venaient de voir car ce réalisateur avait la cote chez les cinéphiles. Ils crevaient de peur de se tromper, d'afficher une opinion opposée à celle qu'ils auraient dû avoir. L'essentiel était de ne pas proférer une phrase irrécupérable. Ainsi, quand quelques semaines plus tard la critique se serait prononcée, ils ne se seraient pas compromis. »

Amélie, je vous ai aperçue début novembre, à la foire de Brive, vous étiez ce jour là, curieusement, mal mise à mon goût, un peu comme ce bouquin, mais ce n'est pas grave car avec vous, si l'étonnement n'est pas toujours au rendez-vous, c'est toujours une belle ballade.

Aussi, sans rancune, je vous laisse le droit de réponse à ce billet que fine mouche vous m'avez pas manqué de prévoir :

« Dans le doute, il a toujours été plus dangereux d'admirer un artiste que d'avoir des réserves à son sujet. Ce n'est pas seulement une question de courage : il faut en soi beaucoup de substance pour être capable d'estimer un créateur, a fortiori pour déterminer sans « l'aide » de quiconque s'il est estimable. Or la plupart des gens ne contiennent pas ou peu de substance. C'est pourquoi il y a tant de fans et si peu d'admirateurs, tant de contempteurs et si peu d'interlocuteurs."
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