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EAN : 9782356415004
160 pages
Audiolib (22/08/2012)
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3.47/5   2367 notes
Résumé :
« La colocataire est la femme idéale. » Amélie Nothomb
Que lire après Barbe bleueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (437) Voir plus Ajouter une critique
3,47

sur 2367 notes
Sans doute vous est-il déjà arrivé de retrouver un auteur après l'avoir délaissé un moment. le plaisir alors ressenti de redécouvrir une plume bien connue, un univers particulier, une atmosphère…C'est un peu comme retrouver un ami perdu de vue, le rencontrer subitement au hasard d'une rue, percevoir de nouveau ce qui vous a plu ou déplu en lui; cet étonnement de constater que la complicité est quasi intacte, malgré le temps passé, les chemins divergents, les êtres différents connus au fil des ans. L'on se souvient des bons moments, des déceptions occasionnées, des rires et des colères partagés.
Mais à l'inverse de l'amitié, avec les auteurs, la fidélité n'est pas forcément de mise, on agrée la dispersion, la diversité est même conseillée, on peut s'éparpiller, se perdre chez d'autres écrivains, dans des forêts de phrases appartenant à d'autres, on se permet d'aller rêver ailleurs…

Amélie Nothomb nous avait régalés avec des oeuvres originales au ton neuf. Les réjouissantes « Hygiène de l'assassin », « Mercure », « Les catilinaires », étaient jubilatoires. « Stupeur et tremblements », « Biographie de la faim », « Métaphysique des tubes », largement autobiographiques, révélaient une sensibilité d'écorchée vive. « Attentat », « Robert des noms propres », ou « Antéchrista » avaient su nous charmer en imposant un univers implacable fait de finesse et d'ironie mordante.
Et puis toujours ces phrases brèves et cinglantes qu'on aimait prendre à la volée, ce regard aiguisé sur les travers du genre humain, cette facilité à nous faire ressentir toute une palette d'émotions aussi contradictoires que profondes, cet humour si particulier et ravageur…

Les romans de l'auteur étaient alors aussi appétissants que nourrissants, offrant par leur admirable concision, une sève nutritive dont on se délectait avec frénésie, dans une sorte d'urgence, de transe impérieuse.
Alors…trop énergétiques les oeuvres d'Amélie ? Sait-on jamais. Comme un plat aimé dont on se gave et dont on se gorge à satiété, jusqu'à saturation et écoeurement, arrive un jour où, oh misère, l'effet kiss cool n'opère plus !
On continue à lire, toujours d'un traite et agréablement comme avec « Acide sulfurique », mais en se demandant où sont passés l'ironie mordante, la verve et l'humour décapant, cruellement déçus de ne pas retrouver le sel et le piquant qui avaient fait le succès de cet écrivain si prolixe...trop peut-être ? Ou peut-être est-ce nous qui avions changé finalement ?
Tout comme les amitiés trahies sont dures à encaisser, les déceptions littéraires sont difficiles à accepter et sonnent le glas d'une relation cérébrale privilégiée entre un lecteur dépité et un auteur jusqu'alors estimé.

Et puis un jour, un heureux hasard (plus exactement, un cadeau de noël) nommé « Barbe Bleue », vous fait rencontrer l'auteur à nouveau et vous en éprouvez un réel contentement, comme quoi l'homme monstrueux du conte de Perrault à aussi quelques qualités !
Certes, l'engouement des premières lectures a bel et bien disparu mais le charme opère derechef et c'est avec satisfaction que l'on redécouvre le microcosme fictionnel de l'auteur du « Voyage d'hiver » ou plus récemment de « Tuer le père ».

En réinventant le conte de Perrault, Amélie Nothomb nous offre l'un de ses face-à-face dont elle a le secret.
Son « Barbe bleue » prend les traits d'Elemirio Nibal y Milcar, un aristocrate espagnol de 44 ans au nom à coucher dehors (Nothomb oblige), tandis que l'une de « ses victimes » s'incarne sous une jeune belge de 25 ans, Saturnine, alléchée par la proposition de colocation dans un luxueux hôtel particulier parisien pour une somme dérisoire.
Choisie par le maître de céans parmi tout un tas de prétendantes à la colocation, Saturnine emménage dans ses nouveaux et riches appartements, totalement éblouie par l'opulence des lieux où la couleur or règne en souveraine. Mais elle ne tarde pas à comprendre que son noble hôte espagnol est décidément bien douteux et que la suspicion d'assassinat des huit autres femmes l'ayant précédée est très vraisemblablement fondée. Les pauvres femmes ont apparemment payé de leur vie leur trop grande curiosité en pénétrant dans le sanctuaire sacré de l'Espagnol, une chambre noire, seule pièce interdite de la fastueuse demeure. Quoi qu'il arrive, Saturnine se jure bien de ne pas succomber à la tentation de l'indiscrétion.
Entre comportements farfelus, champagne coulant à flots, mets délicieux, conversations d'esthètes et réflexions métaphysiques, s'instaure alors un tête-à-tête enjoué et subtil entre la jeune belge intrépide et l'aristocrate énamouré au sens chromatique aigüe…Une joute verbale frétillante de bons mots et de formules spirituelles dont on se demande qui sortira victime et qui bourreau…

Frais, léger, pétillant comme des bulles de champagne, ce breuvage couleur d'or qu'elle met en scène avec ravissement, le « Barbe bleue » d'Amélie Nothomb est l'occasion pour nous de sympathiques retrouvailles.
L'on y retrouve ses phrases percutantes, aussi courtes et concises que ses chapeaux sont hauts, ses choix de noms fantaisistes, son humour laconique et subtil, son sens spontané des dialogues, ses protagonistes bizarres aux caractères saugrenus, sa gourmandise et son raffinement…tous les ingrédients qui composent son univers baroque.
L'excellence des premiers temps a fait place à des textes fluides, enjoués et plutôt délectables…Que demander de plus après tout ? Alors ? amie, Amélie ?...
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Revoici ma petite madeleine estivale. J'ai pris beaucoup de plaisir à déguster cette histoire, pétillante comme une flute de champagne.

Comme toujours, Amélie Nothomb nous met face à un conflit. Entre Saturnine, brillante jeune femme de 25 ans et son hôte Don Elemirio, noble espagnol âgé de 44 ans, c'est même un affrontement. Chaque soir, autour d'un repas, ils se livrent à des joutes oratoires savoureuses comme seuls les intellectuels en sont capables. L'écriture fluide d'Amélie rend ces dialogues d'une remarquable vivacité et les pages s'enchainent rapidement - trop rapidement, comme toujours.

Nous sommes loin du barbare sanguinaire et de la ravissante idiote de l'histoire initiale. Revisitant le conte de Perrault, Amélie Nothomb, usant d'un subtil mélange d'humour et de suspense, nous met en présence de deux intellectuels érudits cherchant à rallier l'autre à leur dessein. le huis clos dont nous sommes témoin rend l'atmosphère tendue dès le départ mais les échanges verbaux finement ciselés et plein d'esprit la détendront peu à peu. Et c'est là, tout le talent d'Amélie Nothomb. En quelques phrases bien senties, sans longues descriptions ni fioritures, elle a campé ses personnages et suscité l'intérêt du lecteur. Il ne reste plus qu'à l'attiser jusqu'au dénouement final.

Cette lecture est plus exigeante que celle de « Tuer le père ». Les références historiques, religieuses, culturelles… y sont nombreuses et les connaitre permet de savourer vraiment les joutes verbales des protagonistes. On peut toutefois y plonger avec bonheur malgré tout, à condition de laisser les a priori nothomien de côté, comme les sempiternels reproches que l'on fait à son style. Il n'est pourtant pas pire (loin de là) que celui d'Houllebecq ! Mais comme il semble de bon ton d'encenser ce dernier, il l'est aussi de dénigrer la première.

De toute façon, quoi qu'elle écrive ou quoi qu'elle fasse, elle ne fera jamais, je pense, l'unanimité. Laissons dire…
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Quoi de plus charmant qu'une femme qui boit. Certes, elle a des goûts de luxe, elle se damnerait pour une coupe de champagne, et plus si affinité ou si grand cru exceptionnel. Cette femme qui pourrait me faire fantasmer si elle ne s'appelait pas Saturnine. Ne cherche pas plus loin, tous les êtres sortis de la tête romanesque d'Amélie Nothomb ont des prénoms bizarres, voir spéciaux. Peut-être est-ce dû à un traumatisme de sa plus petite enfance ?

Parce qu'au final, que tu t'appelles Yukika, Saturnine ou Amélie ne me dérange pas en rien. Bien au contraire. Cela m'apporte un brin d'exotisme et excentricité. Je sens ma lubricité monter en douce…

« Barbe Bleue », mâle espagnol remis au goût du jour, dans la luxure d'un appartement quartier chic de Paris, propose une colocation à de belles jeunes filles. Saturnine sera la prochaine élue. 8 précédentes sont passées dans son appartement. Elles ont toutes disparues, sans laisser de trace. le mystère est entier. Que sont-elles devenues ? Échappées ? Mortes assassinées ? Photographiées ? Mangées ? Que d'interrogations face au plan machiavélique de ce barbe bleue qui – en mâle espagnol – doit plutôt porter la fine moustache, élégante et raffinée. Sacré Don Elemirio Nibal y Milcar !

Le mystère ne reste quand même pas bien épais longtemps pour le lecteur que je suis ou que tu seras. Ce serial-killer ne fait guère peur, Saturnine semble mieux armée pour affronter cet homme qui adule la beauté féminine et qui en un clin d'oeil tomba amoureux fou de Saturnine. de toute façon, un Nothomb ne se lit pas pour son suspense transcendant mais avant tout pour ses fameuses joutes verbales.

Le combat sera donc oral et cryogénique. Un seul vainqueur possible, pas de retour arrière. La revisite du conte de Charles Perrault est extrêmement fidèle, son actualisation d'Amélie Nothomb prête à sourire. Il faut aimer le style de l'écrivain, ça passe ou ça casse. Parfois ça passe mieux que d'autres. Ce soir, cela aurait pu être mieux. Elle a fait mieux. J'en ressors mitigé. Peut-être est-ce parce que je n'ai pas bu de bons et grands champagnes pendant cette lecture ? Oui, Amélie aurait dû prévoir ce fait. Lorsqu'elle écrit un roman sur l'or et le champagne, elle aurait pu – du même – envisager de livrer son roman avec bouteille et coupe associées. Ni champagne, ni caviar, ni vodka. La soirée fut d'une tristesse incommensurable. Pourtant, je ne regrette pas cette soirée, simplement pour le fait de regarder les yeux brillants de Saturnine dans sa jupe de velours noir à la doublure or. Je crois que je tombe amoureux de Saturnine à sa façon de boire le champagne.
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C'était mon premier Nothomb et j'imaginais
« boire l'étiquette ».
Et, comme Saturnine l'héroïne, qui se régale des meilleures cuvées de champagne, je me suis délecté des mots enlevés où la curiosité sans cesse est piquée.
Phrases courtes, échanges toniques, réparties fines donnent de la chair à la légende.
Les joutes verbales lestes et spirituelles attisent le jeu de la séduction tout en duperie et, pendant que l'or en bulles coule à flot, se tissent les filets.

Don Elemirio, Espagnol, riche, très catholique, vit seul reclus dans son superbe hôtel particulier à Paris,
est Barbe Bleue. « le monde extérieur me choque par sa vulgarité et son ennui.»

Saturnine, jeune femme belge, effectue un remplacement d'enseignante à l'école du Louvre et recherche une collocation. Décontractée, directe. « Je suis une idiote dans le style d'aujourd'hui. » dit-elle.
Sûre d'elle et dotée d'une belle assurance, elle est prête à affronter ce matamore et jouer avec la mort.

Huit femmes ont bénéficié des largesses de Don Elemirio et du luxe pharaonique de la propriété.
C'est un excellent couturier : « Penser un habit pour un corps et une âme, le couper, l'assembler, c'est l'acte d'amour par excellence. » et un magnifique cuisinier :
« Goûtez-moi ce plat de mon invention : l'anguille sous roche. » Elles ont toutes disparues.

Par ce conte, Amélie Nothomb entraîne le lecteur dans les méandres de ses interrogations :
La religion, la gastronomie, la photographie, la séduction, le mal, la mort. C'est jouissif et décalé.
Truffé de phrases simples mais tellement justes,
« Voir les photos d'autrui est toujours une punition. » ou de sentiments que je partage, « Quand les gens reviennent de voyage, ils disent : « Nous avons fait les chutes du Niagara. » Voyez-vous, ces gens croient pour de vrai qu'ils ont fabriqué les chutes du Niagara. » J'adore.

Et puis, il y a la chambre noire, la pièce où l'on ne doit pas pénétrer, il vous en cuirait.
Saturnine court-elle à sa perte ? Ce jeu du chat et la souris la grise. L'or du Champagne aussi.

Je n'ai rien dévoilé, le trésor de ce livre réside dans le plaisir aux échanges, dans les dialogues gourmands:
« Maintenant que vous connaissez mes talents culinaires, voulez vous m'épouser ?
« C'est plus fort que vous, la bouffonnerie, n'est-ce-pas ?
« Je suis sérieux.
« Non, je ne vais pas vous épouser. On n'épouse pas pour un gâteau.
« le motif serait joli.
« de toute façon, moi, je n'épouse pas. Ni vous, ni personne…
« Vous me décevez profondément.
« Tant mieux.
« Hélas, la déception ne guérit pas de l'amour.
« Si je finissais votre Saint Honoré, cela vous guérirait-il de votre amour ?
« Non, cela l'aggraverait.
« Flûte, c'est ce que j'ai envie de faire. »

Et l'épilogue ardent et or…
« Une nuit dehors avec moi et un très grand Champagne, ça te dit ?»
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Saturnine n'en revient pas : c'est elle que Don Elemirio a choisi pour être sa colocataire, dans son luxueux immeuble particulier parisien. La jeune Belge apprend que 8 femmes l'ont précédée et ont disparu. Apparemment, elles ont ouvert la chambre noire interdite. Saturnine ne connaissait pas la réputation de son illustre colocataire qui se prétend l'homme le plus noble du monde. Elle découvre sa misanthropie et son étrange façon d'assouvir ses besoins charnels. « Les colocatrices n'espèrent pas qu'on les épouse. Elles habitent déjà avec vous. » (p. 28)

D'abord cynique, Don Elemirio tombe fou amoureux de Saturnine. Fasciné par l'or, il le voit s'incarner dans la jeune femme. Mais Saturnine se méfie : son hôte a-t-il tué ses 8 colocataires ? Que cache la chambre noire ? « Ce type se nourrit de l'angoisse des autres, et des femmes en particuliers. Je veux lui montrer qu'il ne m'impressionne pas. » (p. 61) Saturnine saura-t-elle résister au charme trouble de Don Elemirio ? Saura-t-elle le battre à son jeu désabusé ?

Pas vraiment emballée par Stupeur et tremblements, j'ai apprécié cette fable chromatique qui revisite le célèbre mythe littéraire. En partant du présupposé que la colocation est l'accomplissement idéal de l'amour, Amélie Nothomb pose un regard cynique sur les relations amoureuses et humaines en général. Bon, ce n'est pas le livre de l'année, mais il est plaisant, parfois très drôle et la fin est surprenante.
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critiques presse (5)
LeSoir
03 septembre 2012
Si on retrouve avec plaisir ses points forts, des noms sortis d'on ne sait où, une écriture qui sonne agréablement à l'oreille, [l'auteur] nous perd dans des dialogues interminables.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Lexpress
24 août 2012
Sur fond d'omelettes, de homard, de saint-honoré et de champagne, Amélie Nothomb, avec son art du dialogue épuré, se révèle plus spirituelle que jamais.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Culturebox
22 août 2012
170 pages qui se lisent, comme toujours, d'un trait et en deux heures. On y retrouve l'écriture fluide et les obsessions de l'auteur, meurtre maniaque et goût du champagne, dialogue au rasoir et joutes verbales .
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
22 août 2012
Si vous avez deux heures et 16,50 euros à dépenser, vous saurez quel est le secret caché derrière la porte noire, pourquoi les couleurs sont si importantes dans ce roman et si Saturnine échappe au destin des huit autres femmes. Sinon, vous n’aurez rien perdu.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LePoint
14 août 2012
Barbe bleue est essentiellement écrit sous forme de dialogue, un art que la romancière maîtrise à la perfection et qui permet de mieux profiter de la guerre des nerfs que se livrent les protagonistes tout en buvant des champagnes de marque sous les moulures et les dorures d'un décor de théâtre bourgeois.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (333) Voir plus Ajouter une citation
Quand Saturnine arriva au lieu du rendez-vous, elle s'étonna qu'il y ait tant de monde. Certes, elle s'était doutée qu'elle ne serait pas l'unique candidate ; de là à être reçue dans une salle d'attente, où quinze personnes la précédaient, il y avait de la marge.
«C'était trop beau pour être vrai, pensa-t-elle. Je ne l'aurai jamais, cette colocation.» Comme elle avait pris sa matinée, elle résolut néanmoins de patienter. La magnifique pièce l'y invitait. C'était la première fois qu'elle entrait dans un hôtel de maître du VIIe arrondissement de Paris et elle n'en revenait pas du faste, de la hauteur sous plafond, de la tranquille splendeur de ce qui constituait à peine une antichambre.
L'annonce précisait : «Une chambre de 40 m2 avec salle de bains, accès libre à une grande cuisine équipée», pour un loyer de 500 €. Il devait y avoir une erreur. Depuis que Saturnine cherchait un logement à Paris, elle avait visité des bouges infects de 25 m2 sans salle d'eau, à 1000 € le mois, qui trouvaient preneur. Quelle embrouille cachait donc cette offre miraculeuse ?
Elle contempla ensuite les candidats et s'aperçut qu'il s'agissait seulement de candidates. Elle se demanda si la colocation était un phénomène féminin. Ces femmes semblaient toutes très angoissées et Saturnine les comprenait : elle aussi brûlait d'obtenir cette chambre. Hélas, pourquoi serait-elle choisie plutôt que cette dame à l'air si respectable ou que cette businesswoman au brushing impavide ?
Sa voisine, qui l'observait, répondit à sa question :
- C'est vous qui l'aurez.
- Pardon ?
- Vous êtes la plus jeune et la plus jolie. Vous aurez l'appartement.
Saturnine fronça les sourcils.
- Cette expression ne vous va pas, continua l'inconnue. Quand vous entrerez dans le bureau, soyez plus détendue.
- Laissez-moi en paix.
- Ne vous fâchez pas. N'êtes-vous pas au courant de la réputation du maître des lieux ?
- Non.
La femme se tut d'un air mystérieux, espérant que Saturnine mendierait l'information. Saturnine se contenta d'attendre, sachant qu'elle parlerait de toute façon. Dont acte :
- Nous ne sommes pas les premières à nous présenter. Huit femmes ont déjà obtenu cette colocation. Toutes ont disparu.
- Elles n'étaient pas contentes de la chambre, peut-être.
- Vous n'avez pas compris. Elles n'ont plus eu la possibilité de s'exprimer là-dessus : on n'a plus jamais entendu parler d'elles.
- Mortes ?
- Non. La mort n'est pas une disparition. La femme semblait satisfaite de l'effet produit.
- Pourquoi venez-vous alors ? demanda Saturnine. Voulez-vous disparaître vous aussi ?
- Je ne risque pas d'être choisie. Mais c'est la seule manière pour moi de rencontrer le propriétaire.
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"Tomber amoureux est le phénomène le plus mystérieux de l'univers. Ceux qui aiment au premier regard vivent la version la moins inexplicable du miracle : s'ils n'aimaient pas auparavant, c'est parce qu'ils ignoraient l'existence de l'autre. Le coup de foudre à retardement est le polus gigantesque défi à la raison."
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Tempérament noble et mystérieux dissimulant sous son charisme une acuité morale sans précédent, quoique douteuse, par moment... Ainsi se figure l'évolution de Barbe Bleue, (héros mythique que l'on doit à l'imaginaire de Perrault) hébergeant dans son fastueux appartement la singulière et flegmatique Saturnine... Laquelle se transcende peu à peu pour revisiter ses références ainsi que son système de valeur hautement perturbé... Dîner agrémenté de sulfureuses dissensions intellectuelles et morales, sans parler du champagne, élixir fétiche d'Amélie Nothomb. Pourtant, ne voici qu'une mise en scène purement superficielle, si on s'en contente, à défaut d'en sonder les vertus philosophiques...

Abstraction faite des qualités dramatiques de ce roman (lequel débouche sur une fin pour le moins astucieuse), il faut reconnaître que la dimension spirituelle du roman prédomine allant même jusqu'à supplanter les composantes intrinsèques à l'univers "nothombien" , j'ai nommé, l'humour abstrait de l'écrivain ainsi que la loufoquerie immanente à ses protagonistes. Je le précise car, à mesure que l'intrigue progresse, le lecteur redécouvre la miséricorde de Dieu, interrogeant sa nature. Bientôt, les composantes intrinsèques au genre de la romancière (extravagance, tempérament loufoques, atmosphère douteuse et dialogues cinglants) s'effacent pour impulser une réflexion profonde sur la nature de l'être mais surtout pour questionner notre rapport au divin ainsi que notre valeur, notre singularité. Éloge de l'amour et de son caractère inconditionnel, que la notion de l'épreuve nuance et complexifie. Pour ma part, cette lecture fut un véritable ravissement. Je ne me lasse pas, hélas!
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" Quand Saturnine arriva au lieu du rendez-vous, elle s'étonna qu'il y ait tant de monde. Certes, elle s'était doutée qu'elle ne serait pas l'unique candidate ; de là à être reçue dans une salle d'attente, où quinze personnes la précédaient, il y avait de la marge.
«C'était trop beau pour être vrai, pensa-t-elle. Je ne l'aurai jamais, cette colocation.» Comme elle avait pris sa matinée, elle résolut néanmoins de patienter. La magnifique pièce l'y invitait. C'était la première fois qu'elle entrait dans un hôtel de maître du VIIe arrondissement de Paris et elle n'en revenait pas du faste, de la hauteur sous plafond, de la tranquille splendeur de ce qui constituait à peine une antichambre.
L'annonce précisait : «Une chambre de 40 m2 avec salle de bains, accès libre à une grande cuisine équipée», pour un loyer de 500 €. Il devait y avoir une erreur. Depuis que Saturnine cherchait un logement à Paris, elle avait visité des bouges infects de 25 m2 sans salle d'eau, à 1000 € le mois, qui trouvaient preneur. Quelle embrouille cachait donc cette offre miraculeuse ?
Elle contempla ensuite les candidats et s'aperçut qu'il s'agissait seulement de candidates. Elle se demanda si la colocation était un phénomène féminin. Ces femmes semblaient toutes très angoissées et Saturnine les comprenait : elle aussi brûlait d'obtenir cette chambre. Hélas, pourquoi serait-elle choisie plutôt que cette dame à l'air si respectable ou que cette businesswoman au brushing impavide ?
Sa voisine, qui l'observait, répondit à sa question :
- C'est vous qui l'aurez.
- Pardon ?
- Vous êtes la plus jeune et la plus jolie. Vous aurez l'appartement.
Saturnine fronça les sourcils.
- Cette expression ne vous va pas, continua l'inconnue. Quand vous entrerez dans le bureau, soyez plus détendue.
- Laissez-moi en paix.
- Ne vous fâchez pas. N'êtes-vous pas au courant de la réputation du maître des lieux ?
- Non.
La femme se tut d'un air mystérieux, espérant que Saturnine mendierait l'information. Saturnine se contenta d'attendre, sachant qu'elle parlerait de toute façon. Dont acte :
- Nous ne sommes pas les premières à nous présenter. Huit femmes ont déjà obtenu cette colocation. Toutes ont disparu.
- Elles n'étaient pas contentes de la chambre, peut-être.
- Vous n'avez pas compris. Elles n'ont plus eu la possibilité de s'exprimer là-dessus : on n'a plus jamais entendu parler d'elles.
- Mortes ?
- Non. La mort n'est pas une disparition. La femme semblait satisfaite de l'effet produit.
- Pourquoi venez-vous alors ? demanda Saturnine. Voulez-vous disparaître vous aussi ?
- Je ne risque pas d'être choisie. Mais c'est la seule manière pour moi de rencontrer le propriétaire."
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Une seule consigne : ne pas prendre de champagne rosé.
- Cela va de soi. Préférer la mièvrerie du rose au mysticisme de l’or, quelle absurdité !
- L’inventeur du champagne rosé a réussi le contraire de la quête des alchimistes : il a transformé l’or en grenadine.
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Sur France Inter, Amélie Nothomb a choisi de dénoncer une injustice à ses yeux : les musées qui obligent trop souvent leurs visiteurs à réserver en ligne.
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