Frappe-toi le coeur

Il apparaissait maintenant à Diane que le mépris était pire que la haine. Celle-ci est si proche de l'amour, quand le mépris lui est étranger.

Curieusement, elle ne l’allaita pas. Elle n’avait jamais songé à donner le sein à Diane ni à Nicolas. Pour Célia, elle se posa la question. En 1977, il lui parut que ce procédé ternirait son image de mère moderne et que la petite elle-même rougirait de cette alimentation préhistorique.

" La bêtise, c'est de conclure", a écrit Flaubert. Cela se vérifiait rarement autant que dans les querelles où l'on identifiait l'imbécile à son obsession d'avoir le mot de la fin.

Il apparaissait maintenant à Diane que le mépris était pire que la haine. Celle-ci est si proche de l'amour, quand le mépris lui est étranger.

Sa mère continuait d'être l'unique à ne pas être séduite. Le progrès, c'était que Diane ne tentait même plus de lui plaire. Quand elles se voyaient le week-end, elles echangeaient un simple bonjour de courtoisie. Non que la jeune fille ait atteint l'indifférence dont elle rêvait et qui l'eût empêché de souffrir, non que Marie ait cessé d'éprouver des bouffées de jalousie à chaque commentaire flatteur adressé à son aînée, mais parce que leur lien faisait de chacune une spectatrice et en aucun cas une interlocutrice.

Diane ne répondait pas. Pouvait-il y avoir une explication à sa souffrance ? Sa mère n'était pas consciente de sa cruauté. Elle semblait persuadée d'être une mère excellente. Marie avait ce trait des gens ordinaires de proclamer des insanités telles que : "Moi, vous me connaissez, je veux être juste", ou : "L'amour de mes enfants passent avant le reste". La fillette l'observait quand elle se lançait dans ce genre de déclaration : sa mère croyait ce qu'elle disait.

p. 45: "A deux ans et demi, Diane commença l'école maternelle. Elle en fut ravie. La maîtresse était gentille et elle avait de longs cheveux qui la rendaient très belle. Elle n'avait pas le problème de la déesse, elle aimait autant les filles que les garçons et le montrait sans scrupule. Diane était si sage que la maîtresse l'adorait, elle la prenait dans ses bras et la petite sentait avec ivresse les longs cheveux lui caresser le visage.
D'habitude, c'était mamie qui venait chercher Diane quand l'école était finie. La maîtresse lui donnait un baiser sur chaque joue et disait: "A demain, ma chérie!" Pâmée de bonheur, la petite se jetait dans les bras de sa grand-mère. Parfois, c'était maman qui venait chercher sa fille. La passation de pouvoir entre les deux divinités s'avérait délicate. La maîtresse accourait pour dire à Marie le bien qu'elle pensait de Diane. Elle ne voyait pas que la mère pinçait les lèvres et que la fille pâlissait".

Et je comprends, que tout simplement, tu m'aimes à peine, tu m'aimes si peu que tu penses même pas à dissimuler un rien ta passion folle pour ce bébé.
La vérité, maman, c'est que s'il est une vertu qui te manque, c'est le tact.

Marie eût-elle pu se conduire autrement ? Diane pensait que non. Sa mère n'avait pas assez d’intelligence, il lui était impossible de prendre du recul. A quoi cela rimerait-il d'adresser des reproches à une personne incapable de s'analyser, à plus forte raison avec tant d'années de retard ?

Pour instaurer son règne, la jalousie n'a aucun besoin d'un motif.