Qu'est ce qu'une caméra peut percevoir de ce qui se passe en moi? Elle capte les remous à la surface du lac. Je reste dans mes grands fonds, là où aucune lumière n'arrive jamais.
A quoi sait-on qu’une personne âgée n’a plus toute sa tête ? Il y a comme un flottement. Ce n’est pas elle qui est perdue face à nous, c’est nous qui sommes perdus face à elle. Elle détient un savoir capital : elle connait l’art de ne plus assimiler ce qu’elle refuse. Nous voudrions tous être capables de ce prodige.
« Natsukashii » désigne la nostalgie heureuse, répond-elle, l’instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l’emplit de douceur. Vos traits et votre voix signifiaient votre chagrin, il s’agissait donc de nostalgie triste, qui n’est pas une notion japonaise.
A la question de savoir si la madeleine de Proust est nostalgique ou « Natsukashii », elle penche pour la deuxième option. Proust est un auteur nippon (p90).
Le diner se termine, Rinri va repartir dans sa vie. La mienne est une succession d’adieux dont je ne sais jamais s’ils sont définitifs. Je devrais avoir plus d’entrainement que le commun des mortels, c’est le contraire. J’ai connu tant d’adieux que j’en ai le cœur démoli (p 125).
Plus un chagrin est banal, plus il est sérieux. Tout le monde connait cette expérience cruelle : découvrir que les lieux sacrés de la haute enfance ont été profanés, qu’ils n’ont pas été jugés dignes d’être préservés et que c’est normal, voilà.
A quoi sait-on qu'une personne âgée n'a plus toute sa tête? Il y a comme un flottement. Ce n'est pas elle qui est perdue face à nous, c'est nous qui sommes perdus face à elle. Elle détient un savoir capital : elle connaît l'art de ne plus assimiler ce qu'elle refuse.
A la question "Que lisez-vous", Victor Hugo répondait avec hauteur : "Une vache ne boit pas de lait".
Il n'y a pas que du mal à dire au sujet de la gêne. La langue le prouve: il n'est pire individu qu'un sans-gêne. La gêne est un étrange défaut du centre de gravité: n'est capable de l'éprouver qu'une personne dont le noyau est demeuré flottant. Les êtres solidement centrés ne comprennent pas de quoi il s'agit. La gêne suppose une hypertrophie de la perception de l'autre, d'où la politesse des gens gênés, qui ne vivent qu'en fonction d'autrui. Le paradoxe de la gêne est qu'elle crée un malaise à partir de la déférence que l'autre inspire.
- Depuis le 11 mars 2011, la vie a changé. Beaucoup de gens ont quitté le Japon et même si je ne le ferai jamais, je peux les comprendre.
Nous sommes hantés. Nous avons perdu l'insouciance.
Nos existences nous pèsent.
Je sais que j'avais besoin d'être subjuguée, d'avoir la foi. Le Japon suscite cela chez moi. Il est les seul.