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sur 2542 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une sauce des Nothomb à la Nothomb, ça vous tente ? Car ici, pas d'élucubrations tirées à quatre épingles (enfin tout de même un peu, on ne changera pas Amélie) mais un plongeon épicé, drôle, fantasque et débridé au coeur de la famille Nothomb. du père d'Amélie en particulier, Patrick Nothomb.

L'enfant n'aura pas eu la chance de connaître son père, mort à la guerre quand il n'était même pas né. À six ans, ses grands parents maternels le jugent un peu mollasson, il a « le corps aussi tendre que l'âme » le gamin. Faut l'endurcir coûte que coûte. Rien de plus simple, il faut envoyer Patrick l'été chez les Nothomb ! Pauvre môme. Il n'imagine pas encore dans quoi il va atterrir.
Mélange d'exaltation et de désespoir, Patrick devra s'y faire.

Amélie Nothomb nous offre un bien sympathique moment de lecture au côté de ses aïeux qu'elle croque dans de judicieux et jubilatoires détails. Les aventures de Patrick Nothomb on pourrait penser que c'est l'horreur mais écrit avec cette fantaisie étourdissante d'Amelie, on se surprend à sourire ou à rire aux éclats. L'humour de l'auteure belge est bien présent et l'univers Nothombélien est un délice de lecture.

Je ne dévoile aucune des péripéties du père Nothomb car un roman d'Amelie, ça ne se prépare pas. Ça se déguste comme une parenthèse hors du temps. Bienvenue dans Premier sang.
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Je n'avais encore jamais rien lu d'Amélie Nothomb (et oui, c'est moi), mais le sujet de celui-ci m'interpelait car j'ai toujours aimé découvrir les racines des gens avant de m'intéresser au reste. Comme l'auteure le souligne indirectement et ironiquement en fin de récit, celui-ci doit son existence à un certain Christian Gbenye, chef des rebelles durant la prise d'otages en 1964 à Stanleyville, dans l'ex-Congo belge… et, même si le compteur des bonnes actions de cet homme ne doit probablement pas battre des records, je me dois donc également de le remercier car cet ouvrage m'a non seulement donné envie de découvrir le reste de l'oeuvre d'Amélie Nothomb (ma PÀL ne le remercie donc pas), mais également le témoignage de son père : « Dans Stanleyville : journal d'une prise d'otages », publié en 1993.

À travers ce récit, Amélie Nothomb rend donc hommage à son père décédé à l'âge de 83 ans en mars 2020. Pour ce faire, elle se glisse dans sa peau et nous raconte un récit à la première personne, de l'enfance de Patrick Nothomb à ses débuts en tant que diplomate lors de la célèbre prise d'otages de Stanleyville, en passant par ses vacances scolaires chez les grands-parents paternels.

Ce plongeon fantaisiste au coeur de la famille Nothomb débute donc par la plus tendre enfance de Patrick et s'il y a une chose que j'apprécie particulièrement dans la littérature, c'est de revisiter l'histoire à travers le regard d'un enfant…surtout si celui-ci n'est pas né à une époque où l'on passe ses vacances scolaires le cul dans un fauteuil en jouant à la Play Station avec des amis virtuels et anonymes, mais au bon vieux temps où l'on passait les périodes estivales chez les grands-parents à la campagne. Ah, cette bonne vieille époque où les enfants gardaient leurs distances avec des aînés qu'ils respectaient, qui les élevaient à la dure et leur apprenaient à marcher droit… surtout s'il y avait un général dans la famille !

Si j'espérais bien évidemment accrocher à la plume d'Amélie Nothomb, je ne m'attendais par contre pas à ce qu'elle me fasse tant rire. Vu le sujet et la perte récente de ce père, je m'attendais plutôt à ce qu'elle joue avec mes émotions, mais pas avec mes zygomatiques. Mais bon, après avoir passé un excellent moment en compagnie des Nothomb, je comprends aisément d'où lui vient ce grain de folie, ainsi que le style décalé, drôle et fantasque de cet hommage.

Me voilà donc ravi de vous avoir lue Amélie et ravi d'avoir fait votre connaissance Patrick. Puissiez-vous reposer en paix en sachant que je m'évanouis également à la vue de la moindre goutte de sang…voire même souvent à la seule évocation de sa présence…Boum!!!
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Devenir son père le temps d'un livre, c'est le geste fou d'Amélie Nothomb pour ressusciter son père décédé en mars 2020. Accoucher de lui pour le garder vivant et lui dire au revoir, sereinement. Ecrire devient ainsi à la fois un acte d'amour et de force. Cette étonnante première personne est emplie de sensibilité, porté par une écriture qui a le goût du mot juste et de la précision, chaque phrase étant centré sur le verbe dans une quête de simplicité qui donne beaucoup d'allant à un récit plein de vie et à l'humour exquis.

Je me suis régalée durant toute la première moitié consacrée à l'enfance de son père. Les passages se déroulant dans le château ardennais de ses grands-parents maternels sont formidables de lucidité enjouée. C'est là que Patrick Nothomb est envoyé pour s'endurcir et découvre une éducation darwinienne où il faut survivre à son enfance. Malgré les efforts de sa Bonne-Maman qui s'agite à fabriquer de la confiture de rhubarbe, la horde des enfants n'est quasi pas nourrie, pas chauffée, pas nourrie. le sordide de la situation est désamorcée par un sens de la drôlerie qui décrit un enfant adorant partager une liberté chaotique auprès d'une tribu ensauvagée.

Toute la deuxième partie centrée sur la vie de jeune adulte de son père m'a semblé nettement moins intéressante, plus pâlotte, y compris l'épisode de la prise d'otages de Stanleyville en 1964 au cours de laquelle des rebelles congolais ont retenu durant trois mois près de 1600 otages, Patrick Nothomb étant le jeune consul belge chargé des négociations. En fait, comme cela a été souvent le cas avec ses derniers romans, j'ai tendance à trouver que l'auteure bâcle un peu ses derniers chapitres, me laissant sur ma faim après les promesses pleines de brio du démarrage.

Reste une lecture très plaisante dans laquelle on sent toute l'admiration et la tendresse d'une fille pour son père qui écrit la gloire de son père avec une gaieté jamais teintée de mélancolie mais gorgée de sève.
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Premier sang débute avec un jeune homme de vingt-huit ans face à un peloton d'exécution. Sur le point de mourir, mis en joue par les douze hommes, il confie : « La seule chose que je ressens est une révolution extraordinaire : je suis vivant ». Alors qu'il est sur le point de mourir, se dégage de ces premières pages une volonté de vivre.
Cet homme devient le narrateur et voit défiler sa vie, de sa naissance jusqu'à ses vingt-huit ans.
L'absence de son père durant l'enfance, il n'avait que huit mois quand il est décédé et le désamour de sa mère à son encontre le marquent fortement. Il est élevé par ses grands-parents maternels dans un milieu aristocratique. Son grand-père le trouvant trop tendre et trop doux décide de le faire séjourner lors des vacances scolaires chez son grand-père paternel noble et poète, chez lequel il va faire connaissance avec tout le clan Nothomb, des oncles et des tantes presque aussi jeunes que lui. Ces séjours plus que spartiates ont de quoi endurcir notre garçon.
Lorsque le nom de Nothomb apparaît, le lecteur comprend alors que ce jeune garçon, puis jeune homme, Patrick, n'est autre que le père de l'auteure.

Il évoque également sa phobie du sang, découvrant qu'il s'évanouit à sa vue et termine avec cette terrible prise d'otages au Congo, orchestrée par des rebelles en 1964 et le rôle important et délicat qu'il a eu en tant que consul, s'étant proposé comme négociateur.
Et c'est le retour au peloton d'exécution, la boucle est bouclée. La phrase finale, très subtile est de bon augure.
Amélie Nothomb a ainsi savamment construit son roman, un bel hommage très original à son père décédé le 17 mars 2020. Elle s'est glissée dans la peau de celui-ci, lui rendant ainsi la vie en lui donnant la parole, un bel adieu !
J'ai trouvé vraiment excentrique et à peine crédible la vie que mène l'arrière-grand-père paternel de l'auteure, Pierre Nothomb et surtout la manière dont il a élevé ses nombreux enfants et son petit-fils Patrick, mais lui seulement pendant quelques périodes. Il fallait être sacrément costaud à l'époque pour avoir une chance de survivre à ces méthodes très spéciales même s'il est certain que celui qui avait reçu cette éducation était prêt à faire face à l'adversité ! C'est pourtant avec drôlerie et humour que cette enfance nous est contée.
Par contre, la vie diplomatique de ce jeune père, nommé consul à Stanleyville dans ce Congo qui venait d'obtenir son indépendance est particulièrement intéressante, et l'action, la créativité et le talent dont il a fait preuve pour négocier la protection des membres de la communauté internationale otages des révolutionnaires Simbas avec le régime révolutionnaire de l'Armée populaire de libération particulièrement bien relatées, mais peut-être un peu trop longuement… .
Difficile de résister à l'écriture légère, fluide, énergique et souvent ironique d' Amélie Nothomb !
Premier sang a décroché le Prix Renaudot 2021.
Merci à Cathy pour m'avoir prêté Premier sang, deuxième roman que je lis d'Amèlie Nothomb, le premier ayant été Stupeur et tremblements.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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En cette saison où #BalanceTonPère semble être le point de ralliement de celles et ceux en mal d'inspiration, quel plaisir qu'Amélie Nothomb honore son père en lui consacrant son ouvrage annuel !

Orphelin dès sa première année, Patrick Nothomb est élevé à Bruxelles par sa mère, jeune veuve très mondaine, et ses grands parents maternels à l'autorité militaire seyant à un Général dans les années d'entre les deux guerres. Il a la chance de passer ses vacances dans le chateau ardennais du Baron Nothomb, son grand père paternel, poète vivant insouciant des contraintes bassement matérielles. Jeté au milieu d'une volée sauvage de cousins et cousines, il apprend à se battre pour vivre, et tout simplement pour se nourrir !

Je devine que la romancière force un peu le trait, mais une chose est sure, c'est que cette éducation virile devient un atout notable lorsque Patrick, au début des années 60, est envoyé comme jeune diplomate au Congo en pleine époque de décolonisation et capturé dans Stanleyville avec plus de mille otages. Patrick devient par la force des choses, le négociateur qui palabre durant des semaines avec des insurgés perdant parfois le contrôle de leurs nerfs et exécutant au hasard un prisonnier.

Or le consul ne supporte pas la vue du sang et risque de perdre connaissance s'il regarde un blessé ou un cadavre … Et perdre connaissance c'est perdre la face et perdre toute crédibilité vis à vis du leader Gbenye.

« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre », Patrick Nothomb trouve la force de tenir jusqu'à l'arrivée des parachutistes puis d'avoir un troisième enfant : Amélie.

Avec humour et pudeur, en tenant la plume à la place de son père, la romancière immortalise avec talent la mémoire de son papa décédé l'an dernier à l'époque du confinement. Ces cette soixante dix pages de piété filiale sont attachantes. le respect porté à l'adversaire en lutte pour son indépendance est remarquable et explique peut-être pourquoi autant d'otages ont finalement survécu.
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Lire un roman d'Amélie Nothomb, c'est comme lire un roman hors du temps et des normes. Ca se lit rapidement, le rythme est cadencé, et l'on se plonge dans une histoire plus ou moins abracadabrante.
Dans ce nouvel opus, Amélie parle de son père, ou plus exactement de son enfance et de son adolescence. Elle parle de lui en le faisant son personnage principal. Un petit garçon dorloté par ses grands-parents maternels et éduqué durement par ses grands-parents paternels.
Il est difficile de le résumer tellement il est fantaisiste, mais j'ai bien aimé.
Ce n'est pas son meilleur, mais il est agréable quand même.
Bonne lecture !
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Ayant acquis récemment cet ouvrage pour la médiathèque pour laquelle je travaille, je n'arrêtais pas de le recommander à mes lecteurs (étant fan de l'écriture d'Amélie Nothomb) et avec le bandeau accolé "Prix Renaudot 2021", ils se laissaient très rapidement convaincre. Persuadée que c'était une valeur sûre, la plupart me le rapportaient souvent, enthousiastes. Cependant, je n'avais pas encore, jusqu'à aujourd'hui, l'occasion d'être ou non d'accord avec eux puisque je ne l'avais pas encore découvert moi-même ni même apporter plus d'arguments quant à l'histoire puisque pas encore lu (voilà qui est chose faite aujourd'hui et je m'en réjouis même si je suis déçus, comme à chaque fois que je lis un ouvrage de cette auteure, de le lire beaucoup trop vite).

Patrick Nothomb, notre protagoniste, est un jeune et beau garçon élevé par ses grands-parents maternels car sa mère, veuve trop tôt, n'a jamais voulu reporter l'amour qu'elle portait à son défunt mari, mort trop tôt lui aussi (la faute à ces satanées guerres) à leur unique enfant. C'en était trop pour elle...aussi, Patrick fut-il choyé par sa bonne maman, la mère de cette dernière. Son grand-père, quant à lui, voulant l'endurcir un peu, décida de l'envoyer passer les vacances d'été, dès son plus jeune âge, dans le château ds Nothomb, les parents de feu son père mais il n'imaginait pas quelle joie le jeune Patrick éprouverait-il à se retrouver là-bas. Certes, les conditions étaient a priori extrêmement dure...que ce soit pour avoir sa ration de nourriture à table pour les plus jeunes, un brin de chaleur dans les lits non chauffés, sans parler qu'un brin d'attention de la part du patriarche (le grand-père de Patrick mais le père de ses jeunes oncles et tantes dont certains avaient le même âge que lui) qui se déclarait fièrement poète.

Je ne vais pas trop en dire plus quant à la suite de l'ouvrage pour ne pas vous gâcher le plaisir de cette découverte que je vous recommande fortement mais le petit Patrick va bel et bien grandir et accomplir un chemin hors du commun !

Un roman extrêmement bien écrit, comme chaque ouvrage de l'auteure qui ne me déçoit que rarement et même si j'ai plus d'affinités avec certains de ses écrits, celui-ci se place en très bonne position et un prix amplement mérité ! Bravo chère Amélie Notomb et bonne lecture à vous, chers lecteurs si ce n'est pas déjà fait !
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Raconter l'enfance de son père récemment disparu, essayer d'en faire un héros, voici l'objectif estimable d'Amélie Nothomb qui en parle de manière romancée, de son enfance dans les années 40, jusqu'à son rôle dans la prise d'otage qui eut lieu au Congo en 1964.
Adepte des biographies romancées où elle se met régulièrement en scène, Amélie Nothomb redonne vie à son père en se glissant dans sa peau et en livrant un récit à la première personne du singulier. "C'était indispensable pour moi de l'écrire à la première personne du singulier. Il s'agissait pour moi de rendre la vie à mon père. Je prenais ça très au sérieux. Il fallait le ressusciter pour que je puisse enfin lui dire adieu. Je n'avais pas pu me rendre aux funérailles de mon père, parce que j'étais confinée à Paris. Cela a été affreux pour moi de ne pas pouvoir participer aux cérémonies qui ont célébré sa mort… J'écrivais avec la voix de mon père, c'était terriblement fort…»
Sur 170 pages, Patrick Nothomb voit défiler sa vie sur 20 ans, à travers une écriture fluide qui glisse allégrement d'une période à l'autre de sa vie. Avec « Premier sang », Amélie Nothomb écrit le « livre de son père ». Dans ses mots se mêlent l'émotion et les souvenirs, elle revient sur les éléments marquants de la vie de celui-ci, un livre tendre qui laisse entrevoir la personnalité de cet homme qu'elle aime et qu'elle admire.
Un livre d'apaisement, une biographie intime, où Nothomb fait ressusciter son père.
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Je n'avais pas lu Amélie Nothomb depuis « Biographie de la faim », c'est-à-dire depuis presque vingt ans...
Ce livre est une bonne surprise.
On en a beaucoup parlé à sa sortie, elle cherchait comment écrire sur son père, et a décidé d'écrire ce livre à la première personne.
Le début est saisissant, son père, Patrick Nothomb, diplomate au Congo, est pris dans la gigantesque prise d'otages de 1,600 personnes en 1964 et mis en joue par les rebelles.,,
Flash-back pour nous parler du père, André Nothomb, militaire, qui meurt à 25 ans, alors que Patrick a quelques mois.
Il est élevé par ses grands-parents maternels, sa mère jouant les veuves éplorées dans le grand monde.
C'est un enfant timide et solitaire qui aura un électrochoc quand, à six ans, on l'envoie en vacances chez son grand-père paternel, or la famille Nothomb fait partie de l'aristocratie belge désargentée !
Très imbue de son importance, elle se préoccupe peu de l'éducation de la ribambelle d'enfants (le grand-père s'est marié trois fois) et beaucoup de son image et de sa notoriété (c'est un Nothomb qui a écrit la Constitution belge).

Amélie Nothomb , toujours incisive et percutante, a le sens des formules pour épingler la morgue et l'auto-satisfaction de cette grande famille, et ce n'est pas sans rappeler la violence des propos de Constance Debré envers sa propre famille dans "Nom" (tiens, chez elle aussi le grand-père a écrit la Constitution,,,)
Son écriture est brillante, caustique, ramassée (ses livres sont toujours courts...), et j'ai retrouvé avec plaisir ce qui avait fait son succès dans ses premiers livres !
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Chaque rentrée littéraire est l'occasion de renouer avec Amélie Nothomb.
Je reviens régulièrement vers ses romans qui sont généralement de bons moments de lecture. J'aime son style inimitable, son univers souvent excentrique, son écriture ironique et espiègle, le choix de ses mots, ses personnages bien campés.
En ce début d'année, suite à la superbe critique de Ladybirdy que je remercie vivement, mon choix s'est fixé sur son dernier-né.

Lauréat du prestigieux prix Renaudot 2021, « Premier sang », est un récit assez court, très intime dans lequel Amélie Nothomb rend un magnifique hommage à l'homme le plus important de sa vie, son père, décédé en 2020, en plein confinement.

« Mon père est un grand enfant que j'ai eu quand j'étais tout petit. »
Sacha Guitry
*
J'ai aimé l'originalité de la construction de cette histoire.

Alors que d'habitude, Amélie Nothomb se met en scène dans ses romans, ici elle s'efface totalement, laissant toute la place à Patrick Nothomb, son père.
Raconté à la première personne, l'auteure désire faire entendre la voix de ce père tant aimé. Ainsi, elle prend sa plume et le fait revivre. Il nous relate son enfance jusqu'aux années 60 avant la naissance de sa fille.

*
Dès les premières lignes, le texte m'a happé.
Saisissant. Intrigant.
Nous sommes face à un homme qui va être exécuté. Nous ne connaissons pas encore son identité. Nous ne la connaîtrons qu'au fil des pages lorsque cet homme, face à cette mort imminente, se remémorera par flashbacks, ses souvenirs d'enfance jusqu'à l'âge adulte.

« Dire que j'ai envié à Dostoïevski l'expérience du peloton d'exécution ! À mon tour d'éprouver cette révolte de mon être intime. Non, je refuse l'injustice de ma mort, je demande un instant de plus, chaque moment est si fort, rien que de savourer l'écoulement des secondes suffit à ma transe.
Les douze hommes me mettent en joue. Est-ce que je revois ma vie défiler devant moi ? La seule chose que je ressens est une révolution extraordinaire : je suis vivant. Chaque moment est sécable à l'infini, la mort ne pourra pas me rejoindre, je plonge dans le noyau dur du présent. »

*
La plume percutante de l'auteure nous met au plus près des émotions de cet enfant particulièrement attachant.

Certains moments sont très touchants lorsqu'il se confie sur sa vie, sa solitude, sa tristesse de ne pas ressentir l'amour maternel, son manque de ne pas avoir eu de père, et son désir d'en avoir un.

D'autres moments plutôt graves, deviennent, sous la plume de l'auteure, amusants et cocasses. Je pense en particulier au moment où le jeune Patrick alors âgé de huit ans, est jugé trop délicat par son grand-père maternel. Il décide de l'endurcir en l'envoyant en vacances chez son grand-père paternel habitant un château dans les Ardennes.

« C'est un homme merveilleux, tu sais. Il vit dans une espèce de conte où les femmes sont des princesses qui se nourrissent de rosée et où les enfants sont les frères et soeurs du Petit Poucet. »

Amélie Nothomb n'a pas son pareil pour dresser un portrait loufoque et fantaisiste de cette famille aristocratique désargentée et surtout de ce grand-père fantasque, pédant, poète et terriblement égocentrique.

« Tout en grignotant mon croûton de pain, j'observai mon grand-père. Vêtu d'un costume élégant, il parlait avec égard à son épouse charmée et à ses aînés. Il semblait ne pas remarquer les enfants loqueteux et malingres qui occupaient le bout de la table et qui ne recevaient aucune éducation en dehors d'un darwinisme pur et dur. »

J'ai aimé aussi les moments où le jeune Patrick découvre l'amour et ses désillusions.

« Ne jamais tomber amoureux d'une femme sans l'avoir vue fâchée. La contrariété révèle la personnalité profonde. »

*
Pour conclure, trentième roman et centième manuscrit d'Amélie Nothomb, « Premier sang » est une très belle réussite.
Cette histoire aurait pu être triste, nostalgique, mais c'est tout le contraire. Les images de l'enfance de Patrick sont belles, amusantes, tendres et touchantes. On ressent profondément tout l'amour, le respect et l'admiration de l'auteure pour son père.
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