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Critique de KRYSALINE555


Amélie, c'est simple : on « adore » ou on « déteste », c'est l'un ou l'autre et rarement de juste milieu. Après il y a « du bon » et du « moins bon » c'est selon, et très fluctuant. Moi, je suis une afficionada.

Connaissant son style fluide, court et rapide à lire, j'avais ce livre depuis longtemps en stock mais je laissais « couler et j'en privilégie la lecture en « entre deux », après certaines « plongées » en eaux profondes sur des thrillers bien « gore ». Je les trouve «rafraichissants » en fait! Chacun d'eux sont autant de surprises, de découvertes invraisemblables et de fantaisies sans cesse renouvelées.

J'adore entre autre, ses propos acides mais non dénués d'un certain humour décalé, ses descriptions au vitriol des situations les plus burlesques. Reine des histoires biscornues sorties de nulle part,, elle a le goût du mot juste, de la phrase dépouillée de toutes fioritures, directe et efficace.

Ses personnages ont toujours des noms très originaux et étranges tels que : Pretextat Thar, Pannonique, Textor Texel, Palamède, Elemirio Nibal, Epiphane Otos, Zoïle et Astrolabe etc..

Cet opus-ci, est à la fois autobiographique et fictionnel. Si les relations épistolaires entretenus avec ses lecteurs sont bien réels (elle a plus de 2.000 correspondants réguliers) et ses réflexions au sujet de l'écriture et ses rapports aux autres sont sincères, l'échange entre ce 2nd classe est totalement inventée (mais basé quand même sur un fait reconnu qu'est l'obésité dans l'armée américaine).

Le G.I. Melvin lui adresse donc une missive depuis Bagdad où il est basé, convaincu qu'Amélie est probablement la seule à pouvoir le « comprendre » et donner une « sens à sa vie ». Intriguée et déconcertée, elle va donc lui répondre. Une relation épistolaire va ainsi voir le jour et arriver à un échange totalement surréaliste vers la fin.

Le sujet central semble être l'obésité. le soldat Mapple en est affligé et ce de manière exponentielle, puisqu'il veille consciencieusement à continuer de prendre du poids en s'empiffrant de la manière la plus gargantuesque possible. On note au passage la récurrence du thème de la nourriture dans les écrits d'Amélie, abordé sous différents angles (anorexie, ivresse du Champagne etc...)

Il justifie son obésité et la revendique même presque fièrement. En effet, Il rentre des combats écoeuré par ses exactions sur des civils innocents et se jette sur la nourriture (pour « oublier » ou se punir ?). Il voit sa « boulimie » indécente comme une lutte contre le stress. Il en fait un acte de rébellion, de sabotage en protestation contre l'intervention militaire US en Irak, un acte de résistance politique. Ici, l'obésité est relevée au rang de concept philosophique voire d'Art. On peut y voir aussi une forme de suicide pour se déculpabiliser… Il y a aussi la peur de l'image renvoyée et redoute le rejet des siens en cas de retour dans son pays. Il va jusqu'à considérer son « amas de graisse » comme une femme qu'il surnomme « Shéhérazade » qui se fond en lui en une étreinte amoureuse, intime et fusionnelle. Il personnalise ses tissus adipeux en leurs donnant un nom.

On assiste à une quête et un besoin d'être compris, reconnut, accepté. Il cherche à donner une signification à sa vie, « exister » en somme, tout simplement qui équivaudrait à lui reconnaitre (et se reconnaitre lui-même) une certaine « forme de vie ». Exister à tout prix même au travers du regard d'un autre.

Les interrogations de l'auteure quant à la correspondance, la relation à soi et aux autres, les considérations sur l'écriture en général sont abordées. Certain le perçoive comme de l'égocentrisme de sa part. Je ne le pense pas. Elle s'interroge aussi sur l'évolution des rapports épistolaires, sur le « suivi » des réponses (succession de lettres qui répondent aux réponses illustré par des souvenirs d'enfance).

D'autre part, le livre ne semble pas manquer de profondeur au contraire malgré le fait qu'il soit « court ». Pour en saisir le sens, il faut prendre de la distance par rapport à l'histoire et «sortir» de l'interprétation au 1er degré.

Et ce qui est génial, c'est justement de partir sur une histoire de base lambda un tant soit peu plausible, voire même banale et prendre soudain un virage à 190° pour partir sur un tout autre éclairage et aboutir à une fin tout aussi excentrique que son auteure et totalement absurde et irréaliste! Car enfin, qui peut imaginer de telles « chutes » à part elle ? D'où l'appellation de « style Nothombien » qui « dérange » parfois parce que déstabilisant.

Une fin audacieuse et complètement extravagante … D'aucuns diront que la fin n'est plus crédible parce que farfelu mais le roman par définition est une « fiction ». Donc a-t-il vraiment besoin d'être crédible pour autant ?
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