- Allez Bruno… Il est temps d'aller à l'école !
- Nan, j'veux pas y aller aujourd'hui, les autres y sont pas sympas avec moi…
- Mais non, ça va bien se passer, tu verras.
- Nan j'te dis… Pis la Directrice elle a des grands yeux sévères et elle me regarde toujours bizarrement… Et pis quand l'inspecteur est venu un jour, elle lui a parlé en murmurant tout bas, comme si elle lui racontait pleins de choses sur moi… Et même qu'après, il est venu dans la classe et il m'a demandé d'ouvrir mes carnets et moi ben comme j'avais pas trop travaillé, ils étaient pas bien remplis mes carnets et là, l'inspecteur, il est devenu tout rouge et il m'a fait des yeux gros comme des boules de billard et pis il a tourné ses petites moustaches, il a noté quelque chose dans son petit calepin et il m'a dit qu'on se reverrait certainement bientôt pis il est parti… Alors à la récré, les copains ils étaient tous autour de moi pour me demander si j'allais bien parce que j'étais aussi blanc que les pages vides de mes cahiers…
- Bon… mais au moins tu as déjà des copains… C'est déjà ça…
- Oui… C'est vrai que les copains, y sont chouettes… Surtout Fred, c'est mon meilleur ami lui. Fred, c'est le chouchou des filles à l'école. Il est balèze comme un athlète et bronzé de la tête aux pieds… Même que plus tard il va certainement se marier avec Virginie, même s'il le sait pas encore… Mais moi je le sais parce que Virginie elle arrête pas de me le dire qu'elle veut épouser son Freddy et qu'elle aimerait bien que je lui fasse comprendre à Fred.
Moi, à l'école je suis un peu le confident des copains… Simon, il vient toujours à l'école super bien habillé, il m'a déjà demandé si je pensais qu'il avait ses chances avec Sandrine, parce qu'il arrête pas de lui faire les yeux doux mais qu'il sait pas trop comment l'aborder… Moi les filles, je crois que j'y connais pas grand-chose, c'est toujours compliqué les filles, alors je pense qu'il devrait juste boire un grand verre pis aller la trouver pour lui dire… Mais Sandrine, elle est toujours fourrée avec Magalie, les inséparables ces deux-là… Et pis Justine, c'est l'intello féministe, aussi difficile de l'approcher qu'un cerbère affamé. Et pis y reste Cécile… Cécile, c'est une garce qui me tourne souvent autour, même qu'elle m'a embrassé un jour et pis ça m'a valu de devoir courir très vite parce qu'elle a un amoureux Cécile… Cyril qu'il s'appelle, des biceps de garagiste et aussi jaloux qu'un gros pou… « J'vais t'défoncer la tête » qu'il me criait ! Rhooo, on se marre quand même bien des fois avec les copains ! Comme le premier jour de la rentrée, celui où Caroline est arrivée avec les pompiers dans leur gros camion rouge, parce qu'elle était sortie de chez elle sans son cartable et sans ses clefs et qu'elle voulait pas arriver en retard… « Vous inquiétez pas, on va vous z'y déposer, Mam'zelle » qu'ils lui ont dit les pompiers… Ah, ça on a bien rigolé quand elle est arrivée !
- Bon, et bien tu vois, c'est quand même pas si mal que ça l'école… Allez, prends vite tes préparations et va rejoindre tes amis avant d'être en retard… C'est quand même vous les instit' tout de même !
***
Je referme « Souligner les fautes » avec un grand sourire et le bonheur de m'être senti replonger un instant dans le Petit Nicolas de mon enfance… en mode inversé !! Parce qu'ici les Geoffroy, Agnan, Eudes, Rufus et autre Clotaire sont plutôt passés du côté des profs ! le style est bien évidemment très différent de celui de
Sempé mais ce souvenir est bien celui qui a accompagné ma lecture.
« Souligner les fautes » est son premier roman et Tom y parle, avec une bonne dose de cynisme, un humour ravageur et un second voire troisième degré, de son métier d'instituteur et de l'Education Nationale… Mais pas que…
Il y aborde également des thèmes déjà développés et exploités à merveille dans ses ouvrages plus récents, à travers son personnage principal – Bruno – célibataire, solitaire, en proie à quelques tourments avec la gent féminine et le cocon familial, au-dessus duquel plane souvent un mystère qui finit par éclaircir en apportant beaucoup d'humanité à l'ouvrage. Un personnage qui fuit le monde mais que tout le monde aime. Un homme simple, à l'humour caustique et à la souffrance invisible…
Et l'Italie qui n'est jamais très loin dans son coeur et dans ses mots…
Comme le souligne Tom en quatrième de couverture, « ce livre n'est pas un livre contre… C'est un livre pour. Pour l'amour qui nous dévore, pour l'amitié qui nous allège, pour ne pas juger ceux que l'on aime, pour accepter les entrailles du temps qui passe et adoucir les cicatrices de l'enfance. »
C'est tout ça, Souligner les fautes…
Merci pour ce bon moment de lecture Tom !