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EAN : 9782842928230
200 pages
Presses Universitaires de Vincennes (PUV) (19/04/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Édouard Glissant (1928-2011), poète et philosophe né en Martinique, est une référence majeure pour penser la mondialité aujourd’hui. Ses idées de créolisation et de Relation, commentées sur tous les continents et les archipels, ont bouleversé l’approche des identités et des cultures. Pendant les dix dernières années de sa vie, il s’est entretenu régulièrement avec François Noudelmann qui publie leurs discussions publiques et privées. Son inspiration philosophique, s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Mondialité et processus de créolisation

Je ne saurais rendre compte de toute la richesse des dialogues, mes connaissances dans le domaine philosophique étant trop parcellaires. Je me contenter de souligner quelques analyses et développements de la pensée d'Edouard Glissant.

Avant d'expliquer la notion de mondialité, l'auteur analyse la globalisation, « la globalisation est une réduction à l'uniformité par la base, et toute humanité réduite à une uniformité par la base est une humanité infirme ». Il refuse de lutter contre cette globalisation par la revendication « des qualités spécifiques et de la particularité », par un principe d'enfermement. Il met au centre de sa pensée la relation, « La mondialité est le sentiment imaginaire que l'on ne peut multiplier les diversités qu'en les mettant en relation les unes aux autres ». Il précise : « dans un système de relation, il n'y a pas lieu de dépasser tous les particuliers ; il y a lieu de les mettre en contact dans des conditions d'égalité, de justice et d'équilibre »…

Mondialité et archipel, « l'une des caractéristique de l'archipel, c'est que vous pouvez le parcourir et qu'à un certain moment, vous puissiez vous trouver à un point de cet archipel sans être dans tout l'archipel, sans que ce soit gênant », politique decentrée, discontinuité, « la pensée de l'archipel est une pensée tremblante »…

L'auteur insiste sur l'étranger, « l'étranger, c'est celui dont j'ai besoin pour changer en échangeant, tout en restant moi-même », la créolisation, « La créolisation c'est la réunion d'éléments culturels absolument hétérogènes les uns par rapport aux autres sans domination », l'indépendance dans l'interdépendance…

L'auteur aborde, entre autres, les lieux fermés « comme constituant en soi une unité fermée et close », la balkanisation des Caraïbes par les colonisateurs, l'inattendu et l'imprévisible, l'imprédictible, l'universel, « L'universel est une espèce de méli-mélo où tout le monde s'indiffère l'un par rapport à l'autre », les langues comme interfaces des imaginaires de l'humanité, le jazz, « le jazz est un art de la trace, c'est-à-dire que ce n'est pas un art littéral, ce n'est pas un art analogique », l'historicisation de l'espace et la notion d'espace-temps, la citoyenneté comme lieu commun de la relation, l'esthétique, la mémoire, les singularités historiques, la responsabilité « de ce qui se passe maintenant » et non pour ce qui s'est passé avant…

Je souligne ses critiques de la filiation et son instance sur la digenèse, « l'origine est multiple », de la mondialisation, « on ne peut combattre les effets pervers de la mondialisation que par une poétique de la mondialité », de l'assimilation et de l'intégration, de l'identité, « les dimensions de son être ne pas réductibles à un seul enfermement », la tour d'ivoire de l'apartheid, de l'identité nationale, « La définition de l'identique se fonde souvent sur l'exclusion du différent et le rappel à des appartenances communautaires »…

D'autres analyses me semblent plus que discutables. Quoiqu'il en soit, il faut aussi reconnaître le pouvoir émancipateur de la langue du philosophe-poète. Ces conversations donnent à penser l'ouverture, les relations, les possibles… contre les figés de toutes sortes.

« Celui qui est à l'autre bout de l'infini de la relation est aussi proche de moi que celui qui est à coté de moi »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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L'écriture de Noudelmann rejoint l'excellence de celle de Glissant dans un entretien qui semble n'avoir qu'une seule voix - une sorte de monologue inter-glissantien. Ce qui est toujours bouleversant chez Glissant est que sa pensée se contredit elle-même, et Noudelmann pose chaque fois les questions follement justes et pertinentes, dont on se dit qu'elles vont chaque fois ébranler la pensée du tremblement de Glissant, parce que la question est impertinente et tout à la fois parfaitement dans le ton, pointant pourtant une incohérence flagrante - d'où Glissant se tire chaque fois par une autre dérive plus ou moins satisfaisante, mais chaque fois, comme le reste de sa pensée, éperdument juste : et c'est cela le plus convaincant chez Glissant : tout en n'étant pas théoriquement recevable, sa pensée convainc immédiatement et spontanément et absolument... Une pensée humaine peut-être, qui refuse le système, les dogmes et les principes, aboutie autant que faire se peut - et dont on saisit qu'elle doit rester un rêve, une manière de perspective, une visée... C'était un soir dans un restaurant thaïlandais, dont la cuisine se marie à merveille à la pensée de Glissant, au point qu'on ne sait plus si la cuisine a rendu l'écriture exquise ou bien l'inverse... à moins que ce ne soit les deux... un moment d'harmonie parfaite, un soir, quelque part dans le monde...
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
... la solitude est terrible à New-York. Dans un film, un garçon disait : "J'aime vivre à New-York parce que je peux observer les gens et personne ne me voit." Mais c'est terrible quand même que personne ne vous voie.
F. Noudelmann : C'est la liberté de l'anonymat.
EG : Oui, la liberté de l'anonymat, mais presque la liberté du néant. Je connais une jeune femme qui arrivait à New-York il y a cinq ans, elle est venue me voir quinze jours après affolée, en me disant : "Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Plus personne ne me regarde dans la rue." Elle était complètement affolée, elle croyait qu'elle était subitement devenue laide, sans intérêt, etc..., parce qu'elle était habituée à se faire draguer à Paris ou ailleurs, et qu'elle était à New-York et que personne ne la regardait. Les gens passent comme ça. Si vous regardez quelqu'un à New-York, vous l'agressez, parce que les gens n'ont pas l'habitude. il suffit que vous regardiez quelqu'un deux secondes et vous sentez tout de suite la personne gênée : "Mais qu'est-ce qu'il a à me regarder ? C'est bizarre." Et ça, c'est quand même dommage du point de vue relationnel. Par conséquent, je crois que j'aime Paris parce que c'est une ville provinciale et j'aime la province, mais c'est une ville provinciale où n trouve toutes les excitations de l'esprit et de la pensée.
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La mondialité est le sentiment imaginaire que l’on ne peut multiplier les diversités qu’en les mettant en relation les unes aux autres
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Les six entretiens retranscrits (Les entretiens radiophoniques ont été réalisés en direct. Ils ont été transcrits par Théodore Dillerin, et l’entretien privé sur la politique par Steeve Baccarard) dans ce volume portent principalement sur la réflexion philosophique de Glissant. Ils sont suivis par des articles qui prolongent nos discussions sur des enjeux théoriques (la transmission sans universel), poétiques (les figures motrices de l’écriture) et politiques (l’Europe depuis l’Afrique, les concurrences mémorielles, la comparaison entre la Traite et la Shoah). Dans les traces et les échos de Glissant se dessine, selon son expression, « une nouvelle région du monde », à la fois un espace et une direction, une écoute et un appel.
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Personne ne se sent réellement étranger aux États-Unis, parce que tout le monde vient d'ailleurs. Donc personne nepeut se sentir étranger aux États-Unis, parce que quand vous êtes dans la rue aux États-Unis, personne ne peut vous dire :"Qu'est-ce que tu fous là ? Rentre chez toi." Sur ce point, il n'y a pas de problème, ça c'est vrai. Vous êtes en France, un Français peut vous dire : "Rentre chez toi".
F. Noudelmann : Même si vous êtes français.
EG : Même si vous êtes français. Mais au États-Unis [...] Il n'y a personne qui est là depuis deux mille ans et qui a fait perfectionner l'art du roquefort ou du vin de Bordeaux. Personne n'a fait ça, donc personne ne peut vous dire ça.
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Lorsque je le rencontrai en 2002 pour réaliser un premier entretien, Édouard Glissant vivait à l'écart. Il habitait à Long Island City, en bordure de Manhattan qu'il appréciait peu, et il passait ses nuits à écrire, dédaignant la vie sociale. L'université de Louisiane qui l'avait fait venir aux États-Unis, une quinzaine d'années avant, l'avait déçu, l'Institut qu'il avait créé à Fort-de-France ne voulait plus de lui, et il avait trouvé refuge à CUNY, l'université publique de New-York. Il y enseignait la poésie à quelques étudiants avertis et attendait les périodes de vacances pour retourner en Martinique et à Paris dès que possible.
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Videos de Edouard Glissant (27) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edouard Glissant
#EdouardGlissant #créolisation #CulturePrime
Avec son idée de la créolisation, le poète et philosophe Edouard Glissant en appelle à un "Tout-Monde" visionnaire, où nos identités dynamiques et ouvertes sont une clé pour penser notre futur. Réinterprétée, réappropriée aujourd'hui par divers courants de pensées, l'idée de créolisation théorisée par Edouard Glissant plonge ses racines - ses rhizomes - dans son expérience singulière des Antilles et de la langue créole.
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