« le discours dominant occulte l'oppression et ses violences sous le couvert de valeurs dites universelles, mais qui s'avèrent masculines ».
Francine Descarries et
Richard Poulin reviennent sur les écrits de Marx et d'Engels. Tout en signalant la pertinence de leur compréhension de l'oppression des femmes (contrairement à leurs épigones ), elle et il montrent les limites de leurs analyses et en particulier sur la thèse d'une séparation tranchée entre sphère de la production et celle de la reproduction « alors même que toutes les formations sociales connues dans l'histoire ont bénéficié de la force de travail des femmes des classes subordonnées dans la production ». Beaucoup de marxistes ont « minoré l'oppression des femmes au nom de l'unité du prolétariat ou de modèles socialiste irréellement existants ».
Elle et il posent un certains nombre de point d'appui pour approfondir « les liens entre classes, castes, ethnies, et rapport sociaux de sexe ».
Dans la première partie sur les « Enjeux théoriques et politiques », les auteures (Catherine A. MacKinnon puis Sheila Jeffreys) reviennent sur les théorisations des « marxistes » et des « féministes radicales ». Ce travail en profondeur amène à des critiques virulentes entre autres contre la « postmodernité », « le queer » ou ce que j'appellerais les théories partant de la marge. Sur critique féministe matérialiste à la théorie queer, je rappelle l'entretien avec
Léo Thiers-Vidal http://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-2-page-44.htm
Je partage avec les auteures la nécessité de fonder matériellement les réalités et les oppressions, de balayer les scories des théories de l'émancipation, sans pour autant dénier la nécessité d'aller à la racine des choses. Cependant les théorisations à partir des marges offrent des éclairages complémentaires, des incitations à ne pas faire l'impasse sur certains domaines, pour autant qu'elles ne s'octroient pas une prétention à être de nouveaux paradigmes.
Mélissa Blais et Isabelle Courcy rouvrent le débat entre marxistes et féministes matérialistes radicales autour du travail domestique « ”Prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? ” Dialogue entre Delphy, Marx et les marxistes » Il s'agit de comprendre « les mécanismes complexes de l'extorsion des forces de travail des femmes dans la famille et le marché » ou « de rendre visible un système qui se perpétue grâce à son invisibilité »
Les positions des marxistes autour de la non valeur marchande du travail domestique me semblent très insuffisantes, même si je ne suis pas convaincu par les analyses de
Christine Delphy. Les rapports de production capitalistes ne s'arrêtent pas à la porte du foyer. Il n'y a pas de stricte délimitation entre production de valeur d'usage et production de valeur (marché). le travail gratuit des femmes, dans ce qui est mal nommée la sphère domestique, concoure directement à l'entretien de la force de travail des hommes. Et plus que cela même : « La cohabitation hétérosexuelle signifie un surcroît de travail pour les femmes et, au contraire, une diminution de travail pour les hommes »
Quoiqu'il en soit, il me paraît important de revenir sur ces débats. Peut-être pourrait-on partir des analyses de Danielle Kergoat qui propose de « penser les rapports sociaux comme étant consubstantiels, parce qu'ils peuvent être séquencés et coextensifs, autant qu'ils se produisent et se reproduisent mutuellement. »
J'ai beaucoup apprécié le texte de
Patrizia Romito « du silence au bruit : l'occultation des violences masculines contre les femmes », dont j'extrais juste trois citations :
■« Jamais on ne parle de ‘violence masculine‘ préférant utiliser des termes génériques comme ‘violence envers les femmes‘ ou des euphémismes comme ‘gender based violence‘. »
■« le racisme comme moyen d'occultation et l'attaque contre les victimes »
■« En définissant le fait d'être victime comme un état psychologique, une faiblesse de la victime même, et non comme une condition objective qui peut durer plus ou moins longtemps, le discours antivictime contribue à nier la violence masculine et l'injustice sociale qu'elle représente et à délégitimer et à désamorcer les revendications des femmes qui ont subi des violences. Ainsi, il devient de plus en plus difficile d'affronter et de contrer la violence des hommes à l'égard des femmes et des enfants, et le système social qui la perpétue. »