Sortir d'une barricade, on ne sait plus ce qu'on y a vu [...] On regarde quelque chose de rouge qu'on a dans les ongles. On ne se souvient plus ...
(Victor Hugo - "Les misérables")
Se pencher sur les barricades au XXIème siècle peut sembler relever d'un attachement nostalgique à une forme archaïque de contestation.
Pourtant, elles existent toujours ...
Qui aujourd'hui discuterait de la légitimité d'un Gavroche qui paraît aussi bien que Marianne représenter la France ?
Pourtant la figure de Gavroche, à l'époque où Victor Hugo l'imagine, se rapproche de celle du "casseur" contemporain que certains acharnés du modèle républicain vont soit critiquer, soit rejeter hors du politique ...
Faire de sa misère une barricade ...
("Le trognon et l'omnibus" - David Charles)
L'idée selon laquelle il faudrait à chaque fois faire rupture et se méfier de toute forme d'institutionnalisation s'institutionnalise.
...ce sont les actes qui donnent naissance aux rêves et non l'inverse.
Kristin Ross
...les slogans de Mai 68...montrent qu'on ne peut échapper à la référence aux normes, fût-ce dans un rapport de rejet :
"Il n'y a pas de règles" peut être considéré comme une règle ;
"Il est interdit d'interdire" peut s'appliquer à son énonciateur...
Les barricades mettent en scène une désobéissance.
Seulement, lorsqu'elles annoncent le passage à un autre régime, elles apparaissent rétrospectivement comme légitimes.
Sur cette place Taksim, il est venu sans se presser, sans compter les pas. Mais avec certitude, il savait qu'il y attendrait quelque chose, qu'à lui seul, il ferait barrage, contre toute la violence de son pays.
Sans bouger, il resta 6 heures debout et il était puissant.
Le temps des barricades est peut-être le complice intime de l'histoire des vaincus.