On a beau essayer, on n’oublie pas la pire période de sa vie. J’ai passé tellement d’années à espérer changer les choses. Et si nous avions fait ci, et si nous avions fait cela… La douleur est toujours présente. Le temps ne fait rien à l’affaire. C’est un mensonge. On s’habitue à la blessure, c’est tout. Rien de plus.
Il n’y a pas de justice en amour, et j’ai passé bien trop de temps à croire le contraire.
Les amis ont l'art de vous rappeler vos défauts.
On dit que la nécessite rend ingénieux, alors que souvent l'ingéniosité est due à l'ennui, en fait.
La première fois où je l'ai frappée, j'attendais de sa part une réaction plus vive. Mais elle est restée étendue par terre en se tenant la joue. Et en me regardant fixement. En silence.
Tout au long de notre mariage, j'ai expliqué à Alice on ne peut plus clairement que je ne tenais pas à être informé des cycles, saignements, kystes, pertes ou autres manifestations dégoûtantes qui semblaient être l'apanage de son sexe, et je dois reconnaître qu'elle ne m'a jamais dérangé avec ça. Je tolérais une "migraine" mensuelle, et peu m'importait si elle devait entrer à l'hôpital pour une intervention de temps à autre. Cette chère Alice.
Elle était très jolie, mais pas dans le genre actrice. Elle s’est jamais teinte en blonde comme les autres. Elles finissent presque toutes en blondes. Après avoir été très maigre quand elle était jeune, elle s’était remplumée partout où il fallait, et maintenant elle dégageait une certaine rondeur. Pas grosse, hein. Mais avec des formes, genre. Quand elle souriait, son visage rayonnait, et quand elle me surprenait à la regarder, elle rougissait et emmêlait ses doigts. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’avais vraiment envie d’elle
"-Pourquoi restez-vous ? Pourquoi vous ne le quittez pas ?
- Il a besoin de moi... Enfin, il avait besoin de moi". Elle s'est reprise. "Il m'a dit qu'il ne pouvait pas écrire les histoires sans moi.
- Et l'amour dans tout ça ?
- Je croyais que c'était ça."
Pas besoin d’aimer une personne. Il suffit d’aimer l’idée que l’on se fait d’elle. On peut alors l’idéaliser et la transformer en celle dont on a besoin.
Pour finir, inspiré par Cyrano de Bergerac, la pièce de Rostand que nous étudiions à ce moment-là, j’ai décidé de lui envoyer une lettre d’amour. J’ai écrit plus de brouillons pour cette lettre que pour n’importe lequel de mes livres. Il y avait des versions fleuries, il y en avait une terrible avec des vers entièrement pompés sur Keats, et il y avait une variante contenant un sonnet shakespearien.