Mon avis :
Avec une filiation assumée à Retour vers le futur et Docteur Who,
Emmanuelle Nuncq nous invite à visiter diverses époques, selon des dates précises, généralement en rapport avec des événements ou des personnes qui ont marqué leur siècle et les arts littéraires. le couple de voyageurs est conforme aux personnages dont ils s'inspirent : un « ancien » qui utilise son expérience et les nombreuses connaissances qu'il a acquises au fil de ses plongées dans l'Histoire, et un « jeune » un peu candide et gaffeur, mais futé. Rien de bien nouveau de ce côté-là, mais l'intérêt de ce roman, dans lequel chaque chapitre représente une histoire distincte (une nouvelle destination) se trouve dans le but de ces voyages vers le passé : approcher les oeuvres et leurs auteurs de leur vivant.
Clarence et Roxane font la paire, leur binôme fonctionne bien ; leurs aventures sont narrées sur un mode enjoué, teinté d'un humour tout en finesse ; des éléments plus dramatiques apportent ce qu'il faut d'ombre pour donner de la profondeur au tableau… Un tableau plutôt réussi, d'ailleurs, vu de loin, mais un oeil averti relèvera quelques détails un peu gênants. Comme lorsque Roxane danse avec
Baudelaire, passage où il est d'abord décrit comme « un homme gigantesque » alors que quelques lignes plus loin on apprend que « vu sa taille, il avait le nez dans ses seins. » Et l'on sait que notre charmante voyageuse n'a pas la taille « basketteuse » !
On trouve aussi quelques paradoxes temporels… Ce qui pourrait être logique dans ce genre d'histoire, mais beaucoup moins lorsqu'il s'agit visiblement d'une tournure malencontreuse… Ainsi, la grande
Sarah Bernhardt (dont on apprend qu'elle aussi vient d'une autre époque) nous dit « Je serai née dans deux ans ! …/… En fait, en 1929 ». Ce qui situe l'action de ce dialogue en 1927, or, il est censé se dérouler le 15 mars 1900.
Il y a cinq ou six petits accrocs qui viennent un peu gâcher la lecture, mais finalement, ce que je regrette le plus, c'est la brièveté de ces épisodes. On a à peine le temps de savourer notre rencontre avec un poète, un dramaturge ou autre grand personnage de la littérature qu'on est déjà de retour au XXIe siècle ! Pour ma part, j'aurais aimé que l'auteure aille beaucoup plus loin, d'autant que certaines propositions offrent un terrain de jeu pour l'imaginaire des plus intéressant.
En conclusion, je sors de cette lecture avec des sentiments mitigés. J'ai vraiment apprécié la plume d'
Emmanuelle Nuncq, ses personnages, les situations qu'elle nous propose, mais j'ai eu l'impression de traverser très vite un superbe paysage à bord d'un véhicule qui ne peut pas s'arrêter. de plus, les quelques détails évoqués plus haut auraient pu être relevés par une bonne relecture… C'est dommage, car on sent derrière ses petites imperfections un vrai travail d'auteur et je parierais volontiers sur sa prochaine production.