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Autrefois, naguère, alors étudiant au collégial, dans un cours de littérature, on m'a demandé, plus d'une fois, d'interpréter des oeuvres, d'exprimer ce que l'auteur a bien pu vouloir dire dans le texte qu'il nous a livré. Je me suis toujours opposé à cette façon d'aborder un texte, prétextant que chaque lecture est en elle-même une oeuvre de création et qu'il n'existe donc pas d'interprétation canon d'un roman, d'un poème ou de toute oeuvre écrite. Je me souviens qu'en équipe, nous avions eu à présenter la lecture d'une oeuvre poétique. Après que nous en ayons fait la lecture à haute voix, l'enseignante nous en réclamait l'analyse. Nous avons alors refusé de fournir une analyse autre que celles que chacun des auditeurs de la classe avait spontanément faites à l'écoute du texte. Je ne crois pas que ce fut bien reçu de la part de l'enseignante. Tout cela pour dire que l'analyse littéraire formelle, scolastique et dogmatique ne m'intéresse point. Mais le jeu auquel se livre Laurent Nunez dans L'énigme des premières phrases est tout autre, même s'il emprunte à l'analyse littéraire le langage ainsi que la forme. Cela est réalisé avec une approche ludique telle que la réception ne peut qu'en être teintée. C'est donc avec une ouverture de bon aloi que je me permettais de passer d'un chapitre à l'autre, d'une décortication de première phrase à une autre, de « Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » de Camus à « Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé. » de Queneau. Nunez détricote ces incipits connus ou d'autres qui le sont moins, en cherchant de mot en mot, littéralement, un sens que le lecteur qu'il est peut lui attribuer et relire ainsi l'oeuvre entière dans le germe que constitue cette première phrase. Certains y voient peut-être une oeuvre d'érudition, j'ai voulu y voir une expédition jubilatoire dans l'univers littéraire. Collectionneur à mes heures de premières phrases, je ne pouvais d'aucune façon y être insensible. Lien : http://rivesderives.blogspot.. + Lire la suite |
Sous les feux de la critique cette semaine, deux romans. le premier, "Les orages", est signé Sylvain Prudhomme (Par les routes, Prix Femina en 2019) et le second, "Alegria", d'une figure de l'avant-garde littéraire espagnole, Manuel Vilas.
Pour en parler, aux côtés de Lucile Commeaux : Elisabeth Philippe, journaliste et critique littéraire à L'Obs et Laurent Nunez, écrivain et éditeur
"Les orages" de Sylvain Prudhomme
Sylvain Prudhomme explore ces moments où un être vacille, où tout à coup il est à nu. Heures de vérité. Bouleversements parfois infimes, presque invisibles du dehors. Tourmentes après lesquelles reviennent le calme, le soleil, la lumière.
"Alegria" de Manuel Vilas
“La joie venait toujours après la peine”, chante Apollinaire, "Alegría" tend résolument du côté de la lumière et Manuel Vilas offre, après "Ordesa", un grand livre solaire. Son audace littéraire et sa capacité à transfigurer l'intime en universel le désignent comme un de nos écrivains contemporains majeurs.