Fabien Nury et
Thierry Robin nous livrent ce superbe diptyque, après leur excellent « La mort de Staline ». A croire que la mort les obsède….
Ah ba ça tombe bien car c'est le sujet de nos 7BD du mois…
Cet oeuvre, en deux volumes, aborde donc le pan de cette histoire russe sous deux angles différents :
- Dans le tome 1, nous avons la vision très aristocratique du gouverneur qui, au fil du récit, se résigne peu à peu à la fatalité…
- Dans le tome 2, nous avons la vision populaire au travers de ce révolté inconnu prêt à tout pour renverser l'institution autocratique en place.
Mais je n'aborderai, ici que la première vision.
Le dessin :
Le style semi-réaliste et dynamique de
Thierry Robin, et son trait plutôt saillant, effilé, fin et détaillé se prête superbement aux émotions et à la psychologie.
Les détails des dessins sont sensationnels, ajoutés aux nombreux effets de perspectives plongée/contre plongée, et toute la grandeur de la Russie nous apparait ainsi sous le trait de ce talentueux dessinateur.
Et, à contrario, les scènes en huit clos, et des gros plans aux plans américains, accentuent le mal être et ce sentiment tragique que le destin deviné du protagoniste est au bout du récit…
Les couleurs froides, jouant somptueusement sur les ombres et les tons ternes, annoncent irrémédiablement l'aboutissement. Même les fugaces moments de couleur chaude ne soulagent pas le funeste et prédictible dénouement.
Les ambiances sont ainsi admirablement posées, réalistes et très évocatrices !
Le coté historique du récit le rend d'autant plus passionnant à la retranscription graphique des splendeurs soviétiques, des costumes à l'architecture, etc…
Les mises en scènes sont dignes de grand film comme cette introduction devant la foule du gouverneur à son balcon suivi du plus tragique des gestes sur cette double page.
Un vrai régal graphique et scénaristique.
Le scénario :
Tout est presque dans le non-dit mais avec cette inéluctable évidence d'assassinat.
Fabien Nury livre ainsi un chef d'oeuvre de description psychologique ! Son anti-héros a pleine conscience de sa fin proche et passe ainsi par toute les phases psychologiques face à la mort ou au deuil : choc, déni, colère, peur, tristesse, résignation, acceptation, et finalement presque sérénité…
Le drame connu d'avance en devient presque insoutenable et la lecture de ce récit nous apporte presque les mêmes émotions que le grand-duc car nous prenons finalement beaucoup d'affection pour cet homme dépassé par les évènements, complètement torturé d'être à ce niveau de responsabilité, mais aussi par son âme humainement humble l'amenant à se poser beaucoup de question existentielles.
Il est aussi fortement tiraillé entre ce qu'attends son neveu le Tsar, et la révolte populaire tirant sur une violence. A cela s'ajoute le fait qu'il ne se sent guère soutenu par sa famille.
Bref il figure finalement hélas comme un simple pantin, une victime impérieuse et inexorable totalement démunie face à la situation, se dirigeant bien malgré lui à une fin certaine à court terme.
La mort est omniprésente dans cette histoire dès la révolte initiale (fusillade) jusqu'au dénouement final en passant par des attentats mais aussi par des positions, voire complots, politiques, et un profil psychologique tourmenté et supplicié.
Ce livre n'est donc pas à aborder à la légère, loin de l'humour connu au travers de « la mort de Staline », celui-ci vous remuera certainement les tripes.
Cette introspection dramatique est simplement une splendeur scénaristique et visuelle.
Lien :
http://www.7bd.fr/2016/10/mo..