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Critique de MarianneL


Publié en 1975 et traduit en français en 1996, "Ma Mercedes est plus grosse que la tienne" est le deuxième roman de l'écrivain nigérian Nkem Nwankwo (1936-2001), une belle découverte grâce à l'équipe de chroniqueuses de choc de Palabres autour des arts (en juin dernier à la librairie Charybde).

Onuma, après des études universitaires qui ont tourné court à Lagos, du fait de sa paresse et de son mépris des études, est employé dans une société de Relations Publiques, c'est-à-dire qu'il utilise son entregent et sa connaissance des boîtes de nuit et des bordels pour faciliter les relations entre politiciens et fonctionnaires nigérians corrompus et les hommes d'affaires européens qui les corrompent.

Onuma mange à tous les râteliers pour satisfaire son ambition suprême, avoir une voiture. La voiture est pour lui comme une maîtresse parfaite, le moyen d'être adulé par les femmes en recherche de sauveur ou simplement de sexe, le moyen de se soustraire, derrière son pare-brise, à la misère qui fleurit partout. Il s'endette donc jusqu'au cou pour s'offrir une Jaguar – dorée -, et, après quinze ans d'absence, retourne dans son village natal au coeur de la brousse, étaler devant ses proches cette preuve de son arrogante opulence.

Jeune homme égoïste, il méprise autant les intellectuels qui gagnent mal leur vie que les villageois qui lui semblent crasseux et léthargiques. Mais la Jaguar n'a pas été conçue pour les chemins de brousse et la réussite matérielle d'Onuma va s'avérer fragile, construite sur du vent. le portrait d'Onuma est cruel, jeune homme sans traditions, sans aucun sens moral ni aucune authenticité, mais le village n'est pas idéalisé pour autant, avec les luttes tribales, ses rixes dérisoires et le père qui exploite sans vergogne les travailleurs agricoles. Finalement, l'amour pour sa mère est la seule relation authentique de ce livre, personnage remarquable, paisible et généreuse, borne de stabilité dans une société qui dérive.

Avec des titres de chapitres en hommage à "La terre vaine", "Ma Mercedes est plus grosse que la tienne" est une fable tragi-comique, peinture vivace de la période postcoloniale, de l'urbanisation galopante et de la misère de Lagos, mais aussi du dénuement de la brousse et des luttes tribales, et au passage portrait au vitriol des hommes d'affaires européens qui pillent les richesses et des politiciens locaux corrompant et corrompus.

« "Fils – c'était une de ses expressions favorites – fils, qu'est-ce que tu fais exactement à Lagos ?"
Onuma sourit. Sa profession, celle de chargé des relations publiques, n'avait pas le moindre rapport avec ce qui avait pu appartenir à l'expérience de Nweze. Aussi ne savait-il pas en quels termes la décrire. Alors il adopta sa méthode favorite pour tourner les questions embarrassantes. Il affabula. Il se présenta comme un voyageur, un expérimentateur en moeurs exotiques. Par exemple, il avait escorté un convoi de voitures sur des milliers de kilomètres. Il avait été aussi le premier non-croyant à visiter le harem d'un sultan. Il brossa un tableau pittoresque des montagnes d'arachide "qui touchent le ciel" et il couronna son récit avec des histoires de courses de chevaux sauvages à travers les plaines du Soudan.
Il parlait en gesticulant et ses yeux noirs et brillants avaient un air de défi. Les paysans buvaient ses paroles.»
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