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Country Girls tome 1 sur 4
EAN : 9782848051369
478 pages
Sabine Wespieser (07/03/2013)
3.21/5   86 notes
Résumé :
The Country Girls (1960), publié en français sous le titre "La Jeune Irlandaise", traduit par Janine Michel, Paris, Julliard, 1960 ; réédition sous le titre "Fille de la campagne" traduit par Léo Dilé, Paris, Éditions Fayard, 1988.

Les mémoires d'Edna O'Brien, parus à Londres en septembre 2012, sont un événement littéraire. Depuis la publication en 1960 de son premier livre, Les Filles de la campagne, qui fit scandale en Irlande, Edna O'Brien construi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Dans ses mémoires, Edna O'Brien rapporte une vie consacrée largement à l'écriture, le parcours d'une Fille de la campagne qui est aussi celui d'une femme libre et indépendante qui n'a pas cédé à la pression d'une société conservatrice, prenant le risque d'être ostracisée.

Le désir de devenir écrivain d'Edna O'Brien nait alors qu'elle très jeune et vit dans un village irlandais qui compte de nombreux débits de boisson et pas une seule bibliothèque. Un endroit où si les hommes ne sont pas particulièrement pieux, les femmes prient avec ferveur ; elle parle de la bigoterie, de l'ignorance et de la pauvreté du pays. Après des études de pharmacie à Dublin, Edna, qui espère encore être « admise dans le monde des lettres », devient chroniqueuse pour un journal féminin. C'est à cette époque qu'elle rencontre son futur mari (ils vont avoir deux fils et se disputer leur garde lors de leur divorce quelques années plus tard) et écrit un premier roman, Les filles de la campagne. Ce livre fait scandale et rend son mari jaloux mais marque le début de sa réussite littéraire et de son ouverture au monde.

Une ouverture concrétisée par la rencontre de beaucoup d'hommes célèbres, intellectuels, comédiens ou politiciens. « Des amants ou des frères », selon son expression, dont Edna décrit longuement (un peu trop) les faits et gestes dans ces mémoires non dénués de lyrisme, d'humour et de sensibilité, témoignage éclairant de la vie intellectuelle irlandaise (et anglaise) des cinq dernières décennies. Edna en observatrice privilégiée de la vie sociale et politique de son pays y évoque, entre autre, l'IRA et la guerre avec les Anglais qu'elle qualifie d'« entre carnage et contre-carnage » et une Irlande sous la domination d'une Eglise catholique ubiquitaire (et entachée : le rapport Ryan et Murphy dénoncera, bien plus tard, les actes dont se sont rendus coupables certains religieux envers des enfants). Une vision sans concession de son pays dont Edna O'Bien rappelle qu'il a aussi engendré d'immenses auteurs, comme James Joyce, Samuel-Beckett ou Oscar Wilde, pour ne citer qu'eux.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Née en 1930, Edna O'Brien débute ses mémoires par un voyage littéraire dans une Irlande campagnarde, empreinte de catholicisme bigot et de ferveur religieuse. Elles se poursuivent par le difficile chemin vers l'indépendance d'une vie d'auteure et de femme libre.

Petite fille très tôt sensible aux odeurs, aux saveurs, aux couleurs de la campagne, Edna est une observatrice d'un monde aujourd'hui disparu. Elle décrit toute une société de labeur, de petits métiers et de savoir-faire par des populations humbles et industrieuses. Les rapports humains sont rudes, frustres, le pire n'est jamais loin avec la pauvreté, le manque d'hygiène, l'alcoolisme. Edna s'évade à travers ses lectures, façonnant son imaginaire pour nourrir ses premiers écrits, avec un sens aigu de l'observation.

La première partie du livre est un procès sévère de l'Irlande catholique et de la condition féminine. Après l'enfance rurale, l'éducation traditionnelle et dévote au pensionnat des religieuses, les premiers émois de l'adolescence, la jeune femme devient citadine, s'émancipe, s'affranchit d'une société pudibonde et rétrograde, vit les quelques années d'un mariage tiède mais aussi le bonheur des premiers pas littéraires.

Confronté à " l'étroitesse d'esprit et à la censure", son travail d'écriture et ses choix de femme, font scandale, et la période des douloureuses séparations familiales, où elle touche le fond, invite à la compassion et aussi à l'admiration pour une femme militante et combattive, résolue à acquérir son autonomie.

La seconde partie est imprégnée de la joie de vivre des années sixties. Période des excès, de la liberté sexuelle et de sa vie d'écrivain reconnu dans les milieux cosmopolites du showbiz et des artistes. Une vie accomplie, d'indépendance et de réussite professionnelle. J'ai été moins sensible au propos, car sans doute peu concernée par cette période. Les anecdotes sont parfois savoureuses, comme cette visite nocturne d'un Beatles pour l'anniversaire de son fils.

A final, un livre teinté de féminisme, attachant et nostalgique, sans complaisance pour les échecs, riche de rencontres et d'expériences assumées, un livre qui, sans être un coup de coeur, se lit avec intérêt.

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Ce bouquin a atterri dans ma pile par malentendu en quelque sorte : je pensais acheter le fameux Les Filles de la campagne qui a rendu Edna O'Brien célèbre. Je me suis trompée, à un singulier (et un article) près. Mais à l'heure où les Irlandaises se battent pour le droit à l'avortement, ce livre tombe à pic pour en savoir plus sur la condition féminine de l'île verte.

Edna O'Brien, née en 1932, revient en effet ici sur sa vie (ce sont ses mémoires). Des études de pharmacie (première surprise !) qu'elle a suivies sans vraiment avoir le choix puisque c'était celui de ses parents. Néanmoins elle était déjà "convaincue qu'un jour [elle] rencontrerai[t] des poètes et qu'un jour [elle] serai[t] admise dans le monde des lettres". Des parents rigoristes et pas vraiment nets (mère névrosée, père violent) qui l'envoient en pension où elle vit cette période comme une incarcération. Cela la poussera à obtenir son examen avec un an d'avance et dans une relation étrange avec une jeune religieuse, avant que celle-ci disparaisse mystérieusement du couvent (on imagine pourquoi). Sa rencontre avec l'écrivain tchèque Ernest Gléber, qu'elle épouse contre l'avis de ses parents. Une fuite en avant pour échapper à l'univers familial étouffant (elle pense que ses parents vont vouloir l'enfermer suite à sa grossesse hors mariage, et le mariage contre leur avis) et un pays schizophrène. Elle s'exile à Londres en 1958.

Néanmoins, si le succès littéraire arrive facilement, le calvaire n'en est pas fini parce ce Gléber ne supporte pas d'avoir à ses côtés un écrivain féminin plus brillant que lui et il va jusqu'à lui prendre ce qu'elle gagne avec ses livres ! Jusqu'au jour où elle refuse de lui donner, s'enfuit avec ses deux enfants, et demande le divorce.

Edna O'Brien brise toutes les chaînes. Ce qui fera d'elle une sorte de paria mais la rendra célèbre. On dit qu'elle écrit de la pornographie : "Le débat s'élargit alors pour savoir s'il fallait bannir d'Irlande la pornographie hardcore. Je répondis que je n'avais jamais lu de pornographie hardcore ni en Irlande ni en Angleterre."
Les écrivains masculins ne se gênent pas pour la dénigrer : "Interrogé sur mon livre par Jack Lambet, l'écrivain L. P. Hartley décréta qu'il s'agissait de l'histoire frivole de deux nymphomanes irlandaises." (en parlant des Filles de la campagne). Alors quel scandale quand elle écrit dans un article qu'"il convenait de réécrire les serments du mariage au bénéfice de la femme" !

De nombreuses personnalités du monde artistique et du show biz (comme Paul McCartney) hantent ce livre. Ce n'est peut-être pas la dimension la plus intéressante par moments. Il y a quelques longueurs. Néanmoins on apprécie de voir dépeint les petits défauts de Patrick Kavanagh, qu'on imagine tout sympathique et lisse, mais qui était quand même sacrément barge, vivant avec des boîtes de sardines dans sa baignoire et un rétroviseur de camion à sa fenêtre !

Quelques chapitres aussi sur les "événements" en Irlande du Nord dans les années 80, et l'absurdité des choses.

J'ai globalement beaucoup apprécié ce livre qui permet de cerner l'oeuvre de l'écrivain qu'est Edna O'Brien autant que l'étau qui enserrait l'Irlande (et continue à serrer les femmes en niant leur droit à disposer de leur corps) . Un ouvrage pétri de poésie et d'ironie, où on a l'impression qu'Edna O'Brien ne se censure (toujours) pas et dit ce qu'elle a a dire. Je dirai qu'il faut peut-être même lire ses mémoires avant de lire ses romans. Je n'en ai lu qu'un (Crépuscule irlandais) que je n'avais pas aimé. Mais depuis, je me suis procurée le fameux Fille de la campagne (presque collector !), La maison du splendide isolement (sur le conflit nord-irlandais) et Tu ne tueras point (sur le droit à l'avortement).
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Edna O'Brien, née en 1930 dans un milieu rural du comté de Clare, est une romancière irlandaise, également auteur de nouvelles et de biographies (James Joyce et Lord Byron). En 1950 elle obtient son diplôme en pharmacie puis contre la volonté de ses parents, elle épouse en 1954 l'écrivain irlando-tchèque Ernest Gébler et le couple s'installe à Londres. Ils auront deux fils, Carlos et Sasha, avant de se séparer en 1964. Edna O'Brien publie son premier roman, Les Filles de la campagne en 1960. le présent ouvrage, Fille de la campagne, son autobiographie, est paru en 2013.
Ce qui se dégage à lire les mémoires d'Edna O'Brien c'est qu'elle est une femme libre et de caractère, une mauvaise herbe pour le milieu dans lequel elle a grandi : l'Irlande catholique du début du XXe siècle forte de son poids de traditions et croyances, qui plus est à la campagne. Assez rapidement elle pressent que l'écriture sera sa vie en lisant des auteurs comme Tolstoï ou F. Scott Fitzgerald mais s'oriente tout d'abord vers des études de pharmacie, en signe d'émancipation, « me formant à une profession qui n'était pas celle que j'avais choisie, mais convaincue qu'un jour je rencontrerais des poètes et qu'un jour je serais admise dans le monde des lettres. »
A partir de là, sa vie va devenir un tourbillon de joies mais de peines aussi, de Londres à New York principalement avec de multiples voyages aux quatre coins du monde, avant de revenir sur le tard au pays de son enfance. Une vie faite de rencontres d'artistes et de personnalités politiques, difficile de toutes les citer tant elles sont nombreuses (un index en fin d'ouvrage ou de courtes notes en bas de pages, n'auraient pas été un luxe, car certaines m'étaient inconnues). Disons quand même qu'elle eut une courte aventure avec Robert Mitchum « Taciturne au cinéma, il était plutôt volubile dans la vie », que Paul McCartney a chanté une chanson au chevet de l'un de ses fils, que Richard Burton et Marlon Brando l'ont approché de près, qu'elle a connu Samuel Beckett, Harold Pinter mais aussi Harold Wilson le premier ministre et bien connu Jackie Onassis… un véritable Who's who. On ne s'étonne pas dans ces conditions, qu'au coeur des années 60, en thérapie avec R.D. Laing, le fameux psy de l'époque, elle tâte du LSD.
Mais sa vie ce sont aussi, ses démêlés avec la justice pour conserver la garde de ses enfants – pas facile quand l'Establishment voit son mode d'existence et les preuves qu'elle en donne par ses écrits qui contestent l'ordre moral, la famille, parlent de sexualité et font tâche au coeur du drame irlandais qui connait la guérilla avec l'IRA. Certains de ses livres sont interdits, certains sont brûlés.
Ces mémoires sont aussi une oeuvre littéraire dans le sens où il y règne un certain flou pour le lecteur – ce qu'on pourra éventuellement estimer être le défaut de ce bouquin. Parfois on a du mal à situer l'époque où se déroule les faits, on glisse de la simple fille de la campagne s'engageant en littérature à la femme ayant une petite notoriété sans trop comprendre comment ou du moins, sans s'en apercevoir. Des ellipses, des repères chronologiques pas évidents, quelques (rares) phrases dont on ne saisit pas le sens ou incrustées dans un paragraphe sans aucun rapport semble-t-il. Par contre c'est joliment écrit, le ton est posé, on n'y sent ni amertume, ni regrets si ce n'est peut-être une quête d'amour perpétuelle, juste une mise en mots d'une vie riche et bien remplie qui approche de son terme.
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La première partie est de loin la meilleure. Edna O'Brien décrit sa jeunesse en Irlande, une Irlande où une étudiante, majeure, qui part passer le week-end avec un homme, se voit kidnappée par ses parents accompagnés du prêtre, tandis que ses frères cassent la figure à l'homme en question. le récit de son jugement de divorce est tout aussi hallucinant.
La deuxième partie est longuette. La narratrice débarque dans le “Swinging London”, et ce passage consiste surtout en “name-dropping” (avec un peu de narcissisme, aussi) : sa nuit avec Robert Mitchum, la chanson que Paul McCartney compose pour elle...
Puis il faut se fader une troisième partie interminable à New-York, dont le pompon est l'achat longuement commenté d'une veste à 700 dollars.
Bref. Dans cette autobiographie, on découvre une écrivaine hédoniste, mais surtout une personne pas très sympathique, à l'ego surdimensionné, et légèrement irresponsable comme mère (La bouteille d'alcool qu'elle glisse dans le panier-repas de son fils ado, pour ses soirées à l'internat...)
La première partie est-elle destinée à justifier tous les actes provocateurs qui ont suivi ? Peut-être.
L'écriture est sans doute très belle (j'avais déjà lu ses romans), mais ici un peu sabotée par la traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat, qui m'a fait sursauter au moins une fois par page.
LC thématique d'octobre 2021 : ''Cap au Nord !''
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critiques presse (5)
Telerama
08 octobre 2014
Ses Mémoires sont à l'image de sa destinée, indépendante et courageuse. Les années défilent, souvent douloureuses et parfois si drôles, entre Paul McCartney et Robert Mitchum. Aujourd'hui, à 84 ans, l'écrivaine n'a rien oublié, recomposant, de livre en livre, le pays qu'elle quitta voici tant d'années et qui ne cesse pourtant de l'inspirer.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
02 décembre 2013
Le résultat est magnifique comme un puissant roman d'amour où s'invitent la grande Histoire et les détails minuscules. Ceux qui mettent les chairs à vif et le coeur en miettes.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
06 mai 2013
De l'ombre à la lumière, ces confessions sont un magnifique hommage à la liberté. Et les clefs d'une oeuvre ô combien sulfureuse.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Bibliobs
24 avril 2013
On aurait tort de croire, à lire ce tourbillon d'aveux et de souvenirs, que la romancière allait se détourner de sa vraie nature [...] Les souvenirs retournent aux souvenirs. Et Edna O'Brien s'avance, debout face aux éléments, triomphante, vulnérable et fragile...
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesEchos
26 mars 2013
L'auteure irlandaise a fait de ses souvenirs un feu d'artifice littéraire, au gré d'un récit vagabond, plus ou moins chronologique, qui nous trimballe de Dublin à Londres et New York. « Fille de la campagne » est autant l'histoire d'une femme, d'une artiste, qu'un livre d'histoire tout court.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Noël approchant, le chef de la compagnie des transports annonça qu'il n'était plus nécessaire que les gares de chemins de fer ressemblent aux gares victoriennes et que, de surcroît, histoire de bannir le spectre du rationnement, elles seraient éclairées pour susciter une "atmosphère de fête". Ainsi vit-on surgir des panneaux d'accueil décorés, des corbeilles de fleurs suspendues, des festons et des guirlandes électriques. Le plus grand arbre jamais vu dans la capitale était celui de Westland Row. Mais je rentrais à la maison par une autre gare, "Kingsbridge des âpres vents", avec dans ma valise un volume de l'autobiographie de Sean O'Casey, que j'avais emprunté. Je portais le même vieux manteau de tweed, mais avec une touche de flamboyance supplémentaire, une écharpe d'homme en soie blanche avec une somptueuse frange que j'avais achetée pour rien dans une boutique d'occasion. A mon arrivée, l'accueil fut furtif, et ma mère tripota les boucles d'or, comme si elles lui rappelaient d'une certaine façon sa jeunesse.
Le lendemain matin, n'ayant pas à enfourcher mon vélo, je dormis jusqu'à midi et elle me réveilla avec une théière et des doigts de pain grillé très délicatement découpés. Elle était curieuse de Dublin, du style dans les vitrines, des autels des nombreuses églises, des frères dans leurs robes brunes qui pressaient le pas dans les rues pour s'occuper des malades, et de nos cousins qui, même s'ils venaient chaque été et mangeaient comme des gloutons, étaient trop pingres pour nous offrir une tasse de thé.
Plus tard, j'allai aux champs. C'était glacial, l'herbe cassante et sèche, et l'on entendait le beuglement d'un animal à plus d'un kilomètre à la ronde. J'avais oublié à quel point j'aimais ces champs, mon haleine presque bleue dans l'air pur, nos deux chiens trottinant à côté de moi et détalant parfois quand un lapin était sorti de son trou comme une flèche et, dans sa bêtise affolée, commençait par se diriger vers eux, puis courait pour sauver sa peau. Les oiseaux voletaient et piquaient avec insouciance, se perchant parfois sur les fils du télégraphe d'où venait un sifflement vibrant. Puis soudain ils s'envolaient hardiment quelque part ailleurs et reprenaient, sans doute, leur concert. Je savais que je reviendrais toujours à Drewsboro, et pourtant que je n'y reviendrais jamais entièrement. Insouciante, je restai un bon moment dehors, poussai jusqu'aux collines pour voir la rivière, l'eau glacée claire comme le cristal, avec les cygnes sauvages qui frissonnaient dans ls joncs.
Les yeux de ma mère étaient furibards, avant même qu'elle n'ouvrît la bouche. Elle tenait le volume de l'autobiographie de Sean O'Casey ouvert à la page incendiaire. C'est à cela que j'occupais mon temps ? La voilà, leur récompense pour les sacrifices qu'ils avaient consentis afin de m'envoyer à Dublin ? J'étais troublée, n'ayant lu que les quarante premières pages, qui portaient sur la famille, le mouvement syndical et les rivalités de coulisses à l'Abbey Theatre. Je faillis défaillir quand elle lut tout haut :
Il se disait souvent, parmi les initiés, que si l'on voulait empêcher un moine d'enfourcher une nana, il fallait l'enfermer dans un cercueil de pierre et ne l'en laisser sortir que sous la garde d'une centaine de hallebardiers le temps de prendre une collation aux première, deuxième et troisième veilles du jour, mais comme ce gardiennage des dames était trop onéreux et lourd, les moines n'en faisaient qu'à leur tête, et il n'y avait pas une gamine de tout le vaste monde qui ne connût d'expérience une braguette, lors même que ses yeux étaient clos et son esprit en vadrouille.
Elle était sur le point de le brûler. Je l'implorai de ne pas le faire, expliquant que le livre n'était pas à moi et que je devais le rendre. Je la suppliai et la détestai.
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(Suite de la critique)
Et son cortège de jérémiades des esclaves impuissants.
Je devine que cette femme aimait passionnément les hommes,la séduction mais aussi la nature irlandaise ,son village natal Drewsboro(Home)
Femme de son epoque,volontairement auto cloîtrée par "amour"dans un mariage conventionnel avec un homme dominateur et conservateur
Elle du, comme tant d autres( benoîte Groult , cfr l histoire de son évasion) rassembler ses forces et son courage pour le quitter ,se retrouver littéralement à la rue sans le sou et batailler des années pour retrouver ses deux fils.

Mais cet ouvrage ne se résume oas a ce combat féministe qui pourrait rebuter certains
Edna juxtapose les tableaux intimistes en différentes vignettes de sa vie( l enfance et son cortège de Peurs,l éblouissement devant la beauté de la nature,les années grises du pensionnat catholique,les swinging sixties ,Paul Mc Cartney passant un jour en voisin pour improviser sur la guitare de son fils,Robert Mitchum,et plein d autres auteurs et acteurs en vue de l époque
Édna ne nous assomme pas avec des je a toutes les lignes,ni ne se complaît dans le "name dropping" ou les chroniques people
Elle reste discrète , en retrait et semble regarder sa vie brièvement ,en se retournant, par dessus l épaule
Je devine pourtant les revers de fortune(au sens propre)Edna est un peu flambeuse et une vie amoureuse instable et tumultueuse avec son cortège de chagrins...
Ah oui, j oubliais : l auteur fut au centre d un scandale et d une chasses aux sorcières dans l Irlande ultra catholique lors de la parution de son premier roman ,en effet ,sont décrits sur quelques pages seulement,les premiers émois sexuels de très jeunes filles...ds l Irlande conservatrice des années soixante,il fallait oser!
Ses bouquins ont été brûlés sur la place publique , l'incarnation du mal déjà.'.dans un pays ou les évêques faisaient interdire et censurer toute publicité représentant un corps de femme et qui n'avait rien à envier avec certaines républiques islamistes d aujourd'hui (oppression des femmes ,interdiction de la contraception et l avortement...etc,.)
Mais ...toutes ces considérations sont anecdotiques et ne constituent oas l essentiel du roman...
Lisez le ,c est l essentiel non?
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En attendant, il y avait le vertige de la liaison, les multiples tours et détours, les sagesses reconsidérées, les alizés soufflant le chaud et le froid et de nouveau le chaud. Il est impossible de saisir l’essence de l’amour par l’écrit, seuls demeurent les symptômes, l’absorption érotique, l’immense disparité entre les temps passés ensemble et les temps de séparation, le sentiment d’être exclu. Je me souviens d’une amie me téléphonant pour me raconter une soirée dont Lochinvar était le principal invité, comment il s’était donné un coup de peigne en passant devant un miroir de l’entrée, et toutes les femmes qui l’adulaient. J’aurais marché sur l’eau pour être là-bas. Peut-être ma demande d’amour était-elle excessive pour lui faire une place dans la vie quotidienne.
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Nous n'avions connu qu'une fraction l'un de l'autre, mais cette fraction était sacrée. Je m'étais bercée d'illusions, vivant de miettes émotionnelles, et les mots amers de Yeats étaient devenus mon univers : je m'étais "nourri le coeur de fantaisies, et à ce régime mon coeur était devenu brutal".
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Il souscrivit pour moi un abonnement dans une bibliothèque de Dublin où je pouvais obtenir toutes les nouveautés, et c'est ainsi, en vérité, que débuta mon véritable apprentissage d'écrivain.
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