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Critique de Bellonzo


Je n'avais lu de Stewart O'Nan que l'excellent Des anges dans la neige mais me suis précipité dans ma petite librairie qui peine avant même la sortie du roman West of Sunset qui trace le portrait de Scott Fitzgerald lors de ses dernières années. le titre déjà m'enchantait. le mot Ouest à lui seul me fascine, couchant, crépuscule. du coup c'est un bien joli pléonasme que West of Sunset, ou Derniers feux sur Sunset. Même les cinéphiles moyens acquiesceront sur Sunset Boulevard, qui rappelons-le, commence par un cadavre dans la piscine. Mort et luxe sur la Côte Ouest.

Paradoxalement en cette année 1937 c'est le luxe qui est bien mort pour Fitz. Loin, si loin, les triomphes du Great Gatsby, la Côte d'Azur et les palaces parisiens, la folie jazz. Même Hem l'ami rival de la Closerie des Lilas a pris ses distances. Quant à la belle Zelda, elle s'empâte et déraisonne dans un asile de Caroline du Nord. Ruiné, abruti d'alcool, Scott n'est qu'un rameau desséché incapable de payer les soins de Zelda et les études de leur fille Scottie. Prince déchu, il n'a que 40 ans.

Grandeur et décadence ou mieux, enfin pire, gloire et déchéance, resteront les étoiles contraires de Scott Fitzgerald. Et c'est bien à Hollywood la perverse qui dévore ses enfants que se jouera le dernier acte. Il y tente de se refaire une (maigre) santé financière. Pour la santé tout court sait-il qu'il est déjà tard? Vaguement engagé comme scénariste, il n'apparaîtra quasiment jamais dans les génériques. On appelle ça uncredited. Et c'est bien vrai qu'il manque de crédit, de toutes sortes de crédits. Il faut savoir que les moghols du cinéma faisaient retoucher certains films par six ou huit scénaristes différents. Faulkner ou John O'Hara n'ont guère été mieux traités. Mais vous savez tout cela si vous faites partie des nombreux Européens à entretenir la flamme et le culte fitzgeraldiens.

Stewart O'Nan chronique les dernières années de l'ancienne coqueluche jet set avec beaucoup d'humanité, bien loin de l'hagiographie. Sa liaison avec Sheilah Graham, journaliste mondaine ne lui donne pas le beau rôle. Dorothy Parker, l'écrivain Thomas Wolfe (Genius, film récent le fera peut-être un peu plus lire en France), le grand metteur en scène Mankiewicz, mon patron Humphrey Bogart nanti de sa troisième femme, il y a mieux pour la sobriété. Fitz court le cachet, mais le fric n'arrive plus et l'auteur décrit fort bien la spirale des dettes version dernier nabab. Scott, le plus fragile de cette Lost Generation, est en approche finale. le roman est très attachant, très explicite sur le mirage hollywoodien, et sur ce grand boulevard qui mène au crépuscule. C'est un beau livre, Fitz y est ordinaire, c'est un grand compliment.

Pensant à Gstaad et Saint-Moritz, "Pourquoi le passé était-il toujours à double tranchant, ou bien la faute en était-elle au présent, si médiocre et si vide?"

A propos de sa relation avec Sheilah, vacillante, "Il avait du mal à accepter qu'ils ne soient plus un couple divertissant".Tout est dit, non?

Abus de name dropping de la part de Stewart O'Nan, diront certains. Pas faux et les surnoms, les diminutifs de la faune hollywoodienne peuvent alourdir le texte, notamment pour les "un peu moins" cinéphiles. Défaut mineur pour cette histoire d'un écrivain célébré, ignoré. Gatsby était la version Océan Atlantique, dorée mais fragile, destin tragique. Fitzgerald, les yeux vers le Pacifique, ne mourut surtout pas en pleine gloire. Un trajet américain...
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