Un roman nécessaire sur le scandale de la pédophilie aux États Unis
Chet Cash, un évangéliste, au dessus de tout soupçon, est la figure centrale du livre de
Joyce Carol Oates,
Daddy love. Un prédicateur adulé est pris au coeur de l'horreur, au coeur du scandale de la pédophilie aux États Unis.
Ce pasteur, responsable de la tourmente d'une famille, anéantie par le mal absolu, prêche pourtant pour l'Église de l'espoir éternel.
C'est la militante autant que la romancière
Joyce Carol Oates, qui dénonce ici le puritanisme de la société américaine, quand elle rend possible, une protection ou quand elle offre la couverture idéale à des individus, habités par la perversion, à des prédateurs sans scrupules.
Ce prélat n'est-il pas un homme charmant, dont les prêches subjuguent, il est bien intégré et même actif dans la société de kittatinny Falls; artiste admiré faisant des oeuvres en macramés appréciées dans toute la région. N'a t-il pas souffert ayant perdu sa femme et élevant seul cet enfant timide, et particulièrement bien élevé, "il a quelque chose de moi dans les yeux"p117 !
Daddy love, du être, l'un des romans les plus délicats à écrire, de la très longue carrière littéraire de
Joyce Carol Oates . C'est avec ses convictions qu'elle mène le débat, sa détermination s'exprime, sa parole s 'affirme devant toute la société américaine, trop souvent indifférente à ce douloureux problème, car elle ne peut pas se louper, elle veut être comprise, il faut être dans le vrai, sans fausse pudeur sans voyeurisme.
Patiemment elle nous prend par la main, celle du jeune Robbie, enlevé à l'age de 5ans, violemment, entre les mains de sa mère : "elle avait conscience de sa terrible perte. La main de l'enfant arrachée à la sienne. Maman avait dû lâcher prise."p. 27
Elle nous décrit toutes les manipulations de cet imposteur. Avec une patience de chat, le révérant cajole, punit Robbie, petit chiot que la bonne parole divine va dresser sans faiblesse, anonymement, froidement.
Les moments de tendresse viendront quand la docilité sera totalement installée, pasteur, d'un mouton appelé désormais Gidéon qui ne sait plus que bêler. Les douleurs, imaginées ne sont jamais décrites, juste le mot, saignement.
Un pas de trop, un geste cruel de trop, offrir un chiot à cet enfant qu'il appelle Missy, mais, pour mieux le crucifier ensuite en tuant Missy , sous ses yeux, pour une broutille, est-ce cela la cruauté évangélique du mont des oliviers, ou celle lâche d'un prélat qui se lasse de sa proie, pour mieux l'anéantir.
L'enfant se dédouble, le fils obéit, Gidéon est maintenant prêt à mordre. Gidéon verra poindre un autre espoir dans un sursaut de vengeance !
Chet Cash sera ce faux prélat jusqu'au bout, prédicateur d'une autorité supérieure, prêtre devant la justice des hommes, son avocat affirme : Mon
client reconnaît avoir agi en marge de la loi séculaire pour se conformer à une “loi morale supérieure”. le révérend Cash est
“non coupable” d'enlèvement ou de tout autre chef d'accusation
parce qu'il est “non coupable” d'avoir violé cette loi supérieure. ››
p182
Pour
Joyce Carol Oates il fallait démontrer que le pasteur détruit de façon méthodique les fibres affectives d'un enfant. le réquisitoire est foudroyant comme sont ses analyses; on touche du doigt la capacité de Chet Cash totalement pervers de salir, d'assouvir pour son seul plaisir ses fantasmes les plus odieux.
Daddy Love est un livre noir, implacable, puissant, du
Joyce Carol Oates et sa maîtrise des mots et sa connaissance de l'âme humaine.
Magnifique. Une intensité émotionnelle rarement atteinte, à vivre les souffrances et la douleur de parents déchirés.
Une vérité incontournable, un courage et une réussite.