Comme toujours,
Joyce Carol Oates sait d'emblée ferrer le lecteur par une phrase ou quelques mots qui font qu'il tournera les pages, mû par l'irrépressible envie d'en savoir plus.
Dans
Délicieuses pourritures, outre le titre intriguant en diable, un très court premier chapitre assez mystérieux se conclut par : "Ceci n'est pas une confession. Comme vous le verrez, je n'ai rien à confesser."
Comment ne pas être accroché ?
"Ceci n'est pas une confession..." : à partir de là, connaissant bien l'écrivain pour avoir lu un grand nombre de ses livres, c'est tout le contraire que j'attends.
Que j'espère, même.
Joyce Carol Oates ironise et semble s'adresser à vous en disant : "allez, avouez que c'est ce que vous attendez !" C'est un peu pervers de sa part, mais absolument pas étonnant. En tout cas, cela fonctionne parfaitement et donne le ton de l'ouvrage.
Prenez une prestigieuse université de filles et un charismatique professeur de littérature. Ajoutez-y un groupe d'étudiantes toutes plus ou moins amoureuses de lui, jalouses les unes des autres et prêtes à tout. Des étudiantes bien loin d'être des petites filles modèles. N'oubliez surtout pas la mystérieuse femme de l'enseignant.
Mélangez le tout... et vous obtiendrez un des romans les plus dérangeants de l'auteur.
Ouvrir un ouvrage de
Joyce Carol Oates, c'est toujours accepter de s'exposer à une plume étrange, c'est ne pas avoir peur d'être bousculé, c'est avoir envie de lire tout autre chose qu'une insipide bluette.
Dans
Délicieuses pourritures, on est servi !
Le texte est très court, mais il est très riche car à côté de tout ce qui est dit, il y a tous les non-dits, tous les sous-entendus, toutes les pensées que l'écrivain fait naître chez son lecteur.
Une fois de plus, l'auteur ne prend pas de gants. Elle va droit au but : "Frappez au point le plus faible. Cherchez la jugulaire." C'est direct ! Et c'est ce qu'elle fait dans ce texte très concis.
Délicieuses pourritures n'est pas mon livre favori de mon auteur contemporain préféré, et ce n'est pas celui que je conseillerais à qui veut découvrir son oeuvre. Mais il est tout de même fort intéressant.
Traversé par une tension constante, habité par un climat pervers et malsain, il constitue une violente dénonciation de certaines pratiques dans certaines universités.
On finit par ne plus trop savoir qui manipule qui dans l'histoire, mais ce qui est certain, c'est que
Joyce Carol Oates manipule son lecteur.
Plus long, le texte aurait pu être indigeste ou basculer dans le sordide. Il n'en est rien : c'est court et efficace.
Cette lecture m'a un peu secouée et j'en ressors avec la folle envie d'aller respirer un grand bol d'air pur.