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Depuis longtemps, je déclare que Joyce Carol Oates est un de mes auteurs préférés.
Depuis la lecture de son autobiographie partielle (elle parle de son enfance et de sa jeunesse, mais aussi d'un peu de sa maturité), je peux affirmer que Joyce Carol Oates est mon amie, ma soeur.

Avec pudeur mais sincérité, avec honnêteté et franchise, avec l'émotion palpable sous chaque mot, avec la réflexion profonde sur les parents, les grands-parents, la famille, sur les amis, les voisins, les professeurs, les études, les passions, sur ce qui concerne chacun d'entre nous, sur la vie, enfin, ma JCO m'a enchantée, m'a émue, m'a bouleversée, m'a envahie.
Je me retrouve en elle, chacun pourrait s'y retrouver, car son empathie, sa bienveillance, son désir d'aller vers l'autre malgré sa timidité la rendent universelle.
Toutes ses phrases trouvent un écho en moi, tous ses mots me touchent.

« de nos blessures et de nos désarrois, nous faisons des monuments à la survie ; sur nos bons choix et nos bonheurs, nous devons garder le silence. Nous n'osons parler pour autrui, et il n'est jamais bon de révéler l'intimité, fût-ce pour la célébrer ».

Une curiosité pour l'humain mêlée d'extrême compassion sans pour autant tomber dans la sensiblerie.
Un amour infini pour ses parents.
Une naïveté bienveillante envers son entourage.
Une volonté immense dans son désir d'explorer la littérature, sa passion.
Une ténacité exemplaire.

Joyce Carol Oates a écrit ici un livre essentiel, qui aide à vivre, qui aide à comprendre la vie.
Joyce Carol Oates, mon amie, ma soeur.
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«  Il se peut que l'écrivain/ artiste soit stimulé par les mystères de l'enfance ou que ce soient ces mystères qui stimulent l'écrivain / artiste » .

«  L'écrivain est un déchiffreur d'indices » .

«  L'écrivain est celui qui comprend le profond mystère du «  familier » .
L'étrange opacité de ce que nous avons vu des milliers de fois. Et la perte inconsolable, quand ce qui allait de soi nous est finalement ôté » .

Voici quelques extraits de ce récit captivant découvert grâce à une amie de Babelio qui se reconnaîtra. .
J'ai lu au moins douze livres de cette auteure : ( il faut dire qu'elle est prolifique . )
Auparavant je voudrais parler de ce que le lecteur ressent à chaque fois qu'il lit ses histoires captivantes, troublantes, son style si particulier , brut , brutal, haletant mais aussi intimiste, à la psychologie fouillée, elle aime les personnages ambigus , profonds, humains , déstabilisants , analyse avec maestria les déviances ou les ambivalences , nous plonge —- à l'os—- au coeur de l'âme humaine .

A chaque fois le lecteur , étonné , passionné , attentif , bluffé est fasciné par tant de talent à l'état brut.
Je n'exagère pas .,l,
Ce récit nous offre une fenêtre inédite , rare......touchante , marquante.
Un voyage captivant, fabuleux au sein duquel la grande écrivaine J.C.O revient sur ses années d'enfance et d'adolescence , le chemin parcouru honnêtement depuis «  Alice au pays des merveilles » en passant par sa découverte émue de la littérature grâce à sa grand- mère jusqu'au portrait douloureux de sa petite soeur «  Lynn Ann » , atteinte d'autisme
.
Au gré des chapitres sont mis en lumière son amour pour ses parents tant aimés , ses grands- parents hongrois, les «  maisons » , les animaux telle l'amitié particulière pour son poulet «  heureux » dans son tout jeune âge, le monde ouvrier , l'hypocrisie de la religion, les territoires où des êtres souffrent, les enfants battus et l'alcoolisme, la douleur même cinquante - sept ans après , du suicide de son amie Cynthia , à l'âge de dix- huit ans , l'intuition acérée de l'écrivain, la littérature mais aussi la conscience des limites de sa mémoire après tant et tant d'années .
Un récit écrit avec infiniment de pudeur , d'honnêteté , de franchise surtout , de sensibilité , de douceur .
Une profonde réflexion, sincère , originale, qui explore des territoires anciens , dans l'esprit du soi «  vulnérable de l'écrivaine » —-que l'on croyait justement invulnérable ——de sa formation , de sa construction, ouvrant une large fenêtre sur son travail , son histoire personnelle , qui renvoie ses lecteurs à ses propres paysages d'enfance et de souvenirs .
Pour ceux qui connaissent J.C.O et les autres peut- être. Vous ne le regretterez pas.
IMPRESSIONNANT .
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"Il se peut que l'écrivain/artiste soit stimulé par les mystères de l'enfance ou que ce soient ces mystères qui stimulent l'écrivain/artiste. (...) si je parviens à résoudre le mystère de la fiction, j'aurai résolu un mystère de ma vie. Que le mystère ne soit jamais résolu semble être la raison qui pousse l'écrivain à poursuivre son effort : chaque histoire, chaque poème, chaque roman est une reformulation de cette quête infatigable pour pénétrer le mystère.
L'écrivain est un déchiffreur d'indices.... (p. 86)"

J'ai "craqué" pour ce "Paysage perdu", qui me permettra de faire plus ample connaissance avec cette auteure, que j'apprécie depuis longtemps, tout en étant à la fois fascinée et pleine d'appréhension, chaque fois, envers son univers , souvent fort sombre !

Ce récit personnel nous offre des éclats d'enfance, de confidences sur le chemin d'une petite fille, qui apprend la vie. Elle y narre l'amitié, la première expérience de la mort, avec la disparition de son grand-père, les non-dits, secrets de famille, l'histoire familiale, mouvementée , des grands-
parents émigrés; d'un côté , hongrois, de l'autre, allemands...Elle raconte par brefs chapitres des réminiscences : son attirance pour les maisons abandonnées, ses rapports avec les animaux, la nature, la ferme de ses parents...la petite soeur autiste, les études universitaires, son goût
pour l'enseignement, les classes sociales, les poids de la pauvreté et de l'ignorance, rencontrés dans le milieu rural de sa jeunesse, et ces trésors d'amour apportés par ses parents, ainsi que son époux, Ray, qui l'ont construite... Sans omettre cette passion insatiable pour le langage et les mots !

Elle y parle avec talent et reconnaissance de la grande dignité de l'énergie exceptionnelle de ses parents qui ont vécu la Grande Dépression !

Lecture des plus vivantes qui apporte des clefs et de nouvelles approches pour lire avec un oeil plus aïguisé, plus attentif...les différents univers fictionnels de cette écrivaine de grand talent ...

"Un écrivain est peut-être quelqu'un qui, dans l'enfance, apprend à chercher et à déchiffrer des indices; quelqu'un qui écoute avec attention ce qui est dit afin d'entendre ce qui ne l'est pas; quelqu'un qui devient sensible aux nuances, aux sous-entendus et aux expressions fugitives des visages." (p. 81)

Une lecture foisonnante, captivante qui nous fait pénétrer dans l'enfance et les méandres des souvenirs , des chocs émotionnels, littéraires de cette grande Dame de la Littérature ... Un moment précieux, riche de mille couleurs et mille émotions !!!



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"Je regrette, mais je suis incapable d'écrire sur Ray [son mari disparu] ici. J'ai essayé… mais c'est tout simplement trop douloureux, et trop difficile. Les mots sont comme des oiseaux sauvages – Ils viennent quand ils veulent, non quand on les appelle."

On imagine la lèvre tremblante d'émotion, les yeux qui retiennent des larmes, la main qui se fait hésitante sur le clavier à l'écriture de ces mots. Ce passage de Paysage perdu est un parmi d'autres qui m'ont fait avoir un coup de coeur pour cet ouvrage de Joyce Carol Oates. Ce qui est rare pour le genre auto biographique. On perçoit bien avec cet ouvrage que l'auteure à l'inspiration intarissable n'est plus dans la fiction. Elle est tout entière rentrée en sa mémoire. Elle cherche à recoller des souvenirs qui sont comme elle le déclare "un patchwork dont la majorité des pièces sont blanches" tant la mémoire est faillible.

Mais si le souvenir est infidèle, l'amour la possède toujours coeur et âme. Amour pour ses parents et grands-parents, pour son mari disparu, pour sa soeur atteinte d'autisme invalidant, incapable de communiquer avec son environnement. Et tant d'autres êtres adulés, comme cette amie d'adolescence qui a choisi de ne pas aller plus loin sur le chemin de la vie.

Chez les Oates, on ne parlait pas sentiments. On s'aimait sans le dire. Joyce Carol avoue à qui lui pose la question que c'est un livre qu'elle n'aurait pu écrire du vivant de ses parents. C'est un ouvrage dont le caractère intimiste est strictement contrôlé par la pudeur la plus intransigeante. Mais pas seulement, sa façon d'éluder certains sujets est pour elle une façon d'échapper à l'émotion qui ne manquerait pas de la submerger. Autre forme de pudeur chez une femme qui peut paraître plus intellectuelle que sentimentale.

Joyce Carol et son mari n'ont pas eu d'enfant. Cette analyste froide de la société a-t-elle trop exploré le mystère de l'expérience humaine pour ne pas vouloir l'infliger à une descendance. C'est là aussi un sujet qu'elle n'aborde pas dans son ouvrage. A trop écrire sur le mal, peut-être a-t-elle eu peur d'y livrer quelque innocence. La perception du monde des adultes par les enfants, une obsession chez elle ? Voilà un secret qu'elle gardera au fond d'elle.

Écrire pour Joyce Carol Oates, c'est sa respiration. Son oeuvre est impressionnante. On identifie dans le récit de sa vie les sources d'inspiration qui ont été autant de points de départ de ses romans: la lutte des classes dans une société livrée au capitalisme intraitable, la pauvreté, la délinquance, le conflit des générations, le suicide des jeunes. Autant de fléaux dont elle avoue avoir été épargnée par l'amour qu'elle a reçu de la part des siens.

Sensibilité à fleur de peau dans cet ouvrage dont Heureux, le poulet de sa prime enfance, donne le la. Formidable éclairage sur l'oeuvre gigantesque de Joyce Carol Oates, même si, bien qu'elle s'en défende, sa mémoire est plus sélective que faillible. La grande dame de la littérature américaine se livre, en gardant toutefois au fond de son coeur nombre de confidences attendues qui partiront avec elle. A moins qu'il faille les rechercher chez les personnages qu'elle a engendrés dans ses romans. Cet ouvrage est émouvant par le ton qu'elle lui donne dans un style parfaitement maîtrisé. C'est tout sauf un ouvrage à sensation.
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"Paysage perdu"est un ouvrage fabuleux et un peu hybride dans lequel l'immense romancière.Joyce Carol Oates revient sur ses années d'enfance et d'adolescence via une trentaine de textes rassemblés par ses soins, sans jamais se départir du tout de son immense talent de conteuse.

L'ouvrage est découpé en trois parties : l'enfance, l'adolescence, et quelques textes quand elle était jeune adulte. Des photos en noir et blanc de sa famille parsèment l'ouvrage qui opte pour une composition en forme de patchwork, avec des éléments hétéroclites, mais néanmoins chronologiques.

Ce livre rassemble des textes déjà publiés mais "considérablement remaniés" et d'autres, écrits pour l'occasion.

Dans ces souvenirs d'enfance, tout en honnêteté , car la mémoire lui joue forcément des tours qu'elle n'éludera pas, on dégagera ses souvenirs de la ferme dans laquelle elle a vécu étant petite, sa découverte de la littérature grâce à sa grand mère qui lui offre un exemplaire d'"Alice au pays des merveilles" qui changera tout ou encore le portrait de sa petite soeur gravement atteinte d'autisme, ou bien encore, le bouleversant « un mystère inexpliqué : l'amie perdue » où Joyce Carol nous parle du suicide de son amie Cynthia.

Joyce Carol Oates explore le monde à travers les yeux de l'enfant et de la jeune fille qu'elle était en prenant la vie comme une succession d'aventures sans fin, qui voit se mêler comédie et tragédie, réalité et rêverie.

Portrait en mosaïque d'une femme accomplie, d'une écrivaine particulièrement et forcément exigeante, ce très beau livre révèle, si besoin était, la puissance littéraire de Joyce Carol Oates, capable d'emporter le lecteur comme dans une oeuvre romanesque, avec un livre qui n'est pas à proprement parler un roman.

Mais assurément Une oeuvre dans laquelle Oates réussit cette prouesse de trouver une forme littéraire épousant majestueusement cette chose "impalpable" qu'est la mémoire.

La plume toujours ciselée paysage perdu illustre la puissance littéraire de Oates autant qu'il éclaire son oeuvre, posant un regard singulier sur le monde, et Paysage perdu a le grand mérite de nous donner quelques clés pour tenter de percer le mystère Oates et de comprendre la genèse d'une oeuvre protéiforme et immense.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Paysage perdu est un recueil d'articles parus dans diverses publications telles que le New Yorker, Vogue ou Traditonnal Home. Il s'agit, ainsi, plus d'une évocation de scènes d'enfance qu'une véritable entreprise autobiographique des années de formation de la future écrivain Joyce Carol Oates. Elle envoie comme autant de coups de projecteur sur des moments constitutifs de son enfance et adolescence. Avec l'honnêteté de reconnaître que c'est le regard d'une femme approchant de quatre-vingts ans qui se porte sur la petite puis jeune fille qu'elle fut par le passé. Ces éclairages laissent ainsi une grande part dans l'ombre. Ombre mémorielle ou ombre de l'intimité qui n'est pas à partager aux yeux de tous.

Au gré des chapitres sont mis en lumière ses parents tant aimés et porteurs eux-mêmes d'une douloureuse histoire familiale, d'une amitié animalière avec un... poulet (pourquoi pas après tout). Sa passion pour les livres et plus généralement les mots. Ceux qu'elles lit avidement et ceux qu'elle écrit avec l'art qu'on lui connaît. Prennent vie tour à tour une petite fille aux cheveux bouclés, une élève appliquée dont la soif d'apprendre est sans limite, une brillante étudiante solitaire et bucheuse, tombée amoureuse. Derrière tous ces portraits il y a Joyce Carol bien sûr, cette femme extraordinaire par sa carrière et son talent et en même temps si proche dans son quotidien. Si humaine dans ses réflexions.

Cet ouvrage plaira certainement surtout aux lecteurs et lectrices de son oeuvre romanesque. Il permet de découvrir un peu plus cette fabuleuse auteure. Nulle ostentation, nul exhibitionnisme sous sa plume. Elle garde cette belle sobriété que j'avais déjà ressenti dans J'ai réussi à rester en vie. Paysage perdu aide à comprendre la genèse de certains de ses romans. Et surtout combien le regard interrogateur a scruté entourage et environnement avec acuité et sensibilité. On sent derrière chaque souvenir un esprit complexe mû par l'envie d'appréhender le monde, d'en saisir les arcanes et d'imaginer les possibles dans les interstices.

Une fois de plus, je ressors de ce livre complètement subjuguée par Mme Oates. Et avec la joie de savoir son oeuvre si riche et prolifique. Il m'en reste tant à découvrir encore. de bons moments en perspective!
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Joyce Carol Oates revient ici sur des pans de sa vie ; de son enfance où elle vit avec ses parents dans la ferme de ses grand-parents hongrois, sa scolarité, ses études, sa soeur autiste, le suicide d'une amie, sa grand-mère bien aimée, sa rencontre avec son futur mari au décès de ses parents.
Il n'y a aucun voyeuriste, tout est en délicatesse.
Comme d'habitude le style est agréable et fluide.
Et surtout ce récit est une déclaration d'amour posthume à ses parents. Ils étaient taiseux, bienveillants, la laissaient libre et elle n'a jamais douté de leur amour.
J'ai vraiment passé un bon moment de lecture.
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Paysage perdu « de l'enfant à l'écrivain » est une oeuvre auto-biographique qui rassemble, pour une majeure partie, divers textes déjà publiés entre 1986 et 2015, et remaniés pour ce récit.
Joyce Carol Oates nous offre un focus sur divers moments de sa vie, agencés de façon globalement chronologique. Divers paysages, émotions, rencontres sélectionnés par « le filet déchiré » de sa mémoire, à la recherche sincère de ce qui forgea sa nature d'écrivain.

le premier paysage est celui d'une ferme paumée dans l'Amérique profonde, rustique, rurale et rude, celle où elle vécut jusqu'à son départ pour l'université. Nous irons aussi à Detroit où la jeune mariée vit intensément le choc des conflits entre américains et afro-américains, notamment lors des émeutes de 1967. Elle enseignera également à Windsor, puis à Princeton, évoluant dans des paysages désormais bien éloignés de ceux de son enfance, et pourtant habités par tous ceux qu'elle chérit et qui l'ont quittée, ses chers parents Carolina & Fred Oates, ou sa grand-mère paternelle Blanche Morgenstern qui lui offre ses premiers livres. Puis son cher mari pendant plus de 47 ans, Raymond Smith.
Les paysages de Oates sont plutôt solitaires, à la façon des peintures de Ed Hopper, mais elle y intègre quelques portraits qui ont vraiment compté, qui ont généré des émotions durables, qui ont influé sur son envie, besoin, d'écrire, et sur le contenu de ses écrits. Une mine d'informations précieuses pour qui apprécie cette autrice, une émouvante façon de la découvrir pour qui comme moi, n'a lu qu'un de ses si nombreux romans.

JCO dit dans ce livre « la prose autobiographique ne m'a jamais attirée parce que je n'ai jamais eu le sentiment que ma vie était à moitié aussi intéressante que ce que mon imagination pouvait faire de celle d'autrui; quelle que soit mon "histoire", elle n'a rien de passionnant comparée à d'autres, y compris celle de mes parents, de mes grands-parents et d'autres de leurs générations qui m'ont toujours paru avoir vécu une vie plus proche de l'essentiel que leurs enfants et petits-enfants. ». Je n'ai perçu aucune fausse modestie dans cette phrase émanant pourtant de qui est en plein récit autobiographique, je n'ai perçu qu'une recherche intègre de vérité, la même que celle qui émane du roman que j'ai lu d'elle (« Respire... »), un regard acéré sur le monde qui l'entoure, une lucidité, une exigence envers elle-même, un désir de décortiquer son âme et celle des autres avec le même soin.
Il est vrai que sa vie n'est pas des plus remarquables, hormis si l'on tient compte du fait qu'elle soit considérée comme une femme de lettres remarquable, couvertes de prix littéraires, ce dont elle ne fait pas état dans ce livre. J'ai plutôt ressenti qu'il s'agissait là d'un don à tous ceux que le processus de création littéraire rend curieux. J'ai trouvé beaucoup de générosité à ce récit, finalement. En tant que curieuse et aussi en tant qu'être humain qui s'inscrit dans une lignée familiale car JCO évoque ses aïeux avec beaucoup d'amour, sans filtre. Son émotion de s'inscrire dans un livre auprès de ses parents est vraiment touchante.

« Heureux le poulet" qui ouvre le livre m'a marquée également, le poulet si proche de la petite Joyce Carol, alors une enfant de 4 à 6 ans. Un début de récit en grande partie offerte par Babelio si l'on clique à la page du livre sur "lire un extrait".
Ce récit m'a émue, cette amitié surprenante, puis cette odeur de plumes de poulet mouillées, cet appel « PETITS ! petits, petits, petits, PE-TITS ! » il m'a semblé réentendre ma propre grand-mère il y a bien longtemps.
Puis j'ai été marquée par le style de l'autrice, davantage que dans le reste du livre. La façon dont elle mélange les points de vue du poulet, d'elle-même enfant, et au travers de l'enfant, d'elle-même adulte m'a beaucoup plu. Il faut dire que dans le reste du livre, il n'est pas fait étalage d'un style si recherché, ou d'effet de style tout court. La sincérité brute, les bribes de souvenirs dont on essaye de faire sortir l'essence qui a forgé l'écrivain.
Et si ce premier récit m'a semblé en particuliers différent du reste -et est-ce un défaut ?-, j'applique la même remarque à l'ensemble du livre, à vrai dire. Il est clair que ce sont des récits disparates, auxquels ont a voulu donner un sens chronologique. Peut-être une mécanique finalement assez fidèle à la celle d'une mémoire qui chercherait une logique, mais qui me semble-t-il nuit un peu à la fluidité de cette lecture.
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Je crois vous avoir déjà dit que j'aimais découvrir, au-delà d'une lecture, l'auteur(e) qui tient la plume car on comprend et découvre ainsi certaines clés liées à son oeuvre car souvent écriture et vie sont étroitement liées.

J'ai eu des expériences de lecture très variées avec Joyce Carol Oates : tout d'abord très mitigées avec Je vous emmène, puis Confessions d'un gang de filles et plus réussie avec Les Chutes il n'y a pas très longtemps et qui m'avais conquise.

C'est un récit très personnel que Paysage perdu. Joyce Carol Oates revient sur son enfance dans l'état de New-York, près de Niagara, dans la ferme de ses grand-parents maternels, où elle a passé toute son enfance avec eux et ses parents, Frédéric et Carolina et son jeune frère Robin (dit Fred Junior). C'est un milieu pauvre, immigrés hongrois où les distractions étaient rares à part la vie de la ferme et la nature. C'est avec beaucoup de tendresse et d'humour qu'elle se raconte. Il y a autour d'elle beaucoup d'amour, non exprimé mais ressenti, présent, un amour pudique qui ne s'exprime pas par les mots.

Dès les premières pages elle donne à Heureux le Poulet, son animal de compagnie, une poule rousse, la parole et à travers ses yeux on découvre l'environnement dans lequel Joyce a grandi. C'est à la fois très drôle et très habile de se pencher sur soi à travers celui qui partageait ses journées, doué, d'après elle, de beaucoup de facultés, son ami, son confident.

Joyce Carol Oates reprend ensuite la narration pour délivrer ses souvenirs parsemant ça et là des informations sur les origines familiales et des éléments de l'enfance de ses parents qu'elle développera plus longuement plus loin.

Avec une écriture douce, posée, qui peut sembler parfois légère mais révélatrice de sa personnalité qu'elle aborde de nombreux thèmes comme l'amitié, la religion, la mort, les agressions sur enfants, sa relation à ses lieux de vie, ses années universitaires, son hyperactivité, ses insomnies, son obsession de la réussite, son refus de l'échec, son amour de sa solitude et aussi de façon très pudique son premier mari Ray Smith.

De nos blessures et de nos désarrois, nous faisons des monuments à la survie ; sur nos bons choix et nos bonheurs, nous devons garder le silence. Nous n'osons parler pour autrui, et il n'est jamais bon de révéler l'intimité, fût-ce pour la célébrer. (p290)

sur son obsession à réussir, sa peur de l'échec mais aussi son rapport aux lieux de vie et ses rituels (comment ne pas penser à Virginia Woolf). le souvenir de la ferme de son enfance reste très présent, a été la source de son inspiration d'écrivaine :

Quand une maison a été abandonnée parce que trop délabrée, trop pourrie pour qu'on puisse espérer la vendre, que très vraisemblablement elle a été saisie par le comté pour défaut de paiement, et mise sous séquestre, elle a été le lieu d'une histoire douloureuse. Des vies ont été dévastées. Des vies dont il faut parler avec précaution. (p117)

Le récit est construit autour de différents articles parus par le passé, remaniés et enrichis, de bribes de son journal afin de restituer le paysage de son enfance, ce qui l'a construit et qui a fait d'elle l'auteure qu'elle est devenue, qui lui a donné le désir d'écrire.

Au commencement, nous sommes des enfants imaginant des fantômes qui nous effraient. Peu à peu, au cours de nos longues vies, nous devenons nous-mêmes ces fantômes, hantant les paysages perdus de notre enfance. (p15)

Elle évoque les écrivains, poètes ou peintres représentatifs de ses sentiments et souvenirs, comme Edward Hopper :

Ce sont les tableaux d'Edward Hopper qui viennent le plus immédiatement à l'esprit : ces visions stylisées dérangeantes d'une Amérique perdue, où les maisons n'ont jamais rien d'un « chez soi », où les êtres humains, si on les regarde de près, ne sont jamais plus que des mannequins. (p116)

En se plongeant dans son passé, elle soulève de nombreuses réflexions sur les événements d'alors et ce qu'ils sont maintenant comme la religion, les agressions d'enfants, les faits restent mais l'interprétation est parfois différente :

Assurément, selon nos critères d'aujourd'hui, certaines de ces agressions seraient qualifiées de sexuelles, mais en réalité c'était plutôt de la brutalité – une brutalité physique – assez semblable à celle dont ces mêmes garçons faisaient preuve à l'égard des animaux sans défense (….) qu'ils parvenaient parfois à attraper.(…) Je me rendis compte que j'étais stupéfaite d'avoir réellement vécu ces harcèlements, des mois et même des années durant, et d'avoir d'une certaine manière appris à les accepter avec le fatalisme d'un enfant qui, ne voyant aucun moyen de changer les choses, doit changer la perception qu'il en a. (p198-199)

Une grande partie du récit est consacrée à son enfance jusqu'à la fin de ses études qui peut sembler douce et joyeuse et dans le dernier quart elle revient sur les origines de ses parents, survolées dans la première partie, où l'on découvre que des drames s'y sont joués mais dont elle ne porte aucun jugement, ne dramatise rien, et reste admirative de l'amour reçu.

Comme elle l'évoque dans la postface, elle se méfie des souvenirs, des récits autobiographiques et pense que la vérité tient plus dans les journaux tenus sur le moment, à l'immédiateté des sentiments, qui reflètent plus la réalité que ceux qui sont remémorés et déformés par la vie et le temps. N'ayant que peu de documents sur lesquels se basés, elle préfère n'évoquer que ce qui lui semble êtres les moments les plus marquants, refusant aussi de s'étendre sur les faits douloureux ou qui ne lui appartiennent pas, comme sa soeur Lynn Ann, née 18 ans après elle, autiste.

C'est une écriture facile d'accès mais qui vous porte à réfléchir sur vos propres souvenirs. Joyce Carol Oates le fait avec douceur et clairvoyance, retrouvant un peu de ses sensations de l'époque, gardant pour elle le plus intime et j'ai trouvé cela d'une grande élégance. Elle ne se contente pas de relater mais, utilisant parfois la 3ème personne, se regarde avec les yeux de la femme qu'elle est devenue.

Je ne m'attendais pas à ressentir autant d'émotions et de sentiments dans ce type de lecture car au-delà de sa vie, l'auteure nous parle de l'Amérique du début du 20ème siècle, de la société, des comportements qui pour certains sont encore présents, c'est une fine observatrice du monde qui l'entoure et nous le restitue en essayant de le comprendre. Beaucoup de ses événements, souvenirs ont servi de terreau pour ses romans.

C'est pour moi une grande dame de la littérature américaine, qui sait, grâce à son écriture accessible, fluide et profonde, parler de la société et des gens. Cette dame de plus de 80 ans, discrète nous livre une belle leçon de narration et pour les amoureux de littérature, c'est un beau travail de construction et d'analyse.

Je crois qu'il est inutile de préciser que je vais lire Joyce Carol Oates, relire les deux romans (je sais qu'à l'époque je n'étais pas versée dans ce type de littérature) et j'en ai déjà deux autres sur mes étagères : Nous étions les Mulvaney et Fille noire fille blanche que je vais découvrir bientôt et qui seront éclairés par ce que j'ai découvert de sa vie.

Evoquer son enfance c'est ressusciter le monde qui nous a construit et comprendre la personne que l'on devient, les germes sont là, ils marquent souvent à jamais notre vie. C'est un paysage perdu mais qui ne s'efface jamais.

Merci Madame.
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Quelque part entre Lockport et Buffalo, au détour de lourdes collines glaciaires, se niche la ferme de Millersport, tout près de la Tonawanda Creek river. C'est d'abord ce paysage que JCO convoque ici, plus de 60 ans après l'avoir quitté. Ce qu'elle est devenue adulte, romancière, essayiste, femme de lettres, y a pris naissance.Avec pudeur et retenue, elle livre un hommage sensible, à tous les lieux, les proches, les figures furtives qui ont traversé sa vie, faisant d'elle ce qu'elle est devenue. On retrouvera à travers les fantômes qu'elle convoque, nombre de personnages de ses romans, à peine esquissés mais présents comme un sfumato à travers l'empreinte laissée. On pourra ainsi retrouver les figures d'Helen Judd, de Cynthia Heike, de Marianna dans le portrait de ces adolescentes farouches, fragiles et pourtant fières et fortes qui jalonnent son oeuvre. Tout comme le sont les femmes, qui résistent, se reconstruisent, font rempart, comme Blanche Morgenstern, comme sa mère Carolina dont l'écrit bouleversant, rédigé à plus de soixante dix ans, montre bien la résilience. Les hommes de son enfance par contre, sont souvent violents, leurs coups peuvent donner la mort, ainsi l'arrière grand-père Oates, débarqué de son Irlande natale, le grand père hongrois tué brutalement, et cette force sourde qui émane de son père, toujours présente et toujours contenue.
Le lecteur retrouve également l'auteur dans l'extraordinaire voyage qu'elle nous permet de faire dans sa vie intérieure, riche et profonde, au fil des ses promenades d'insomniaque à Millesport ou à Millwaukee, dans les rues désertes ou les maisons détruites. Un pouvoir d'évocation niché dans chaque souvenir, ainsi gardera t-on de la photographie de "Vogue" le souvenir de cette explosion à New York dans la fureur des années 70. Un livre testament pour une écrivaine féconde et immortelle.
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