J'ai eu connaissance de l'existence d'
Hybris par hasard, mais cela importe peu au regard du plaisir pris à lire ce roman court, un premier roman, à l'écriture précise, incisive, juste, entraînante, qui vous donne envie d'aller à la fin d'une seule traite, de connaitre la suite.
Le sujet peut paraître ardu : la société peut-elle changer l'homme et l'homme peut-il changer la société ?
L'histoire nous plonge au coeur du système soviétique, sous la dictature de Staline, le personnage principal, Serguei Konrad, un journaliste à la Pravda, se pose lui même ces question et à son insu il devient le cobaye d'une expérience visant à le transformer en l'homme nouveau capable de démontrer la suprématie du modèle soviétique.
La force de l'auteur est de faire vivre ces concepts au travers d'un récit haletant où les rebondissements sont nombreux. Les personnages sont vivants, pleins, crédibles et se laissent prendre au jeu de leurs convictions souvent remises en cause par le système qui invente en permanence de nouvelles règles.
Sergueï, tombe dans ce piège, d'abord adulé, nommé rédacteur en chef, il chute par ignorance, ses amis, (mais peut-on avoir des amis dans un tel système ?), ne lui sont d'aucune aide, il se voit .perdu, mais il lutte en dépit des trahisons.
Le parcours de Sergueï, assez classique, responsabilités idéologiques de premier plan, accusations de trahison, emprisonnement dans un camp est restitué avec réalisme, on retrouve dans la construction du récit des accents comparables à ceux que l'on trouve dans des ouvrages de référence sur le même sujet (Une hirondelle avant l'orage de Joseph Littell, l'homme qui aimait les chiens de Leonardo Padura ou encore
une exécution ordinaire de
Marc Dugain qui traitent chacun à leur manière des paradoxes paranoïaques et schizophrènes de la période stalinienne) (à ce propos je serai curieux de savoir comment
Clément de Obaldia a travaillé pour parvenir à ce résultat et quelles sources il a utilisé)
La société soviétique de l'époque avec ses travers et ses passages obligés,, sexe et alcool, mensonges, peurs, croyances irrationnelles, allégeances, auto-critiques, est décrite avec le même réalisme et on mesure, en suivant les pérégrinations de Sergueï, le paradoxe de ce système basé sur le matérialisme historique mais dont le ciment n'est autre que la confiance aveugle dans le chef et l'obligation d'atteindre les objectifs qu'il donne sans vraiment les expliciter.
Il faut croire sans se poser de questions.
Chacun peut trouver ce qu'il veut dans un tel système, respecter ce qu'il croit être la vérité, mais qui n'est jamais celle des sbires du NKVD.
Sergueï, un homme sympathique mais naïf, pathétique parfois, se révolte, mais au fond c'est ce que le système attend de lui, il devient l'image abhorrée des fidèles, l'image du mal, jusqu'à ce qu'on finisse par l'ignorer, il continue de vivre parce qu'il ne présente plus aucun intérêt, mais de quoi sera fait demain ?
On ne peut que s'étonner de ne pas voir un tel roman publié, diffusé, commenté, conseillé, analysé ! Il est vrai que la rentrée littéraire 2014 n'est guère propice à un tel ouvrage, 145 000 acheteurs ont préféré se ruer sur le livre de Mme Valérie Trierweiller dans lequel ils n'apprendront rien de plus sur la duplicité des hommes politiques et leur propension à ne pas vouloir nous ressembler.
Le livre de Clément de
Obaldia a une ambition plus noble, il ne se contente pas de répondre au comment ? mais cherche à répondre au pourquoi ? Une question d'actualité et qui occupera l'humanité encore longtemps.
LISEZ
HYBRIS !!!
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