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Critique de gabb


Mazette ! Quel morceau !
890 pages, 16x25cm, 1.16Kg : voilà pour les mensurations. Pas l'idéal pour voyager, ni pour lire sur la plage, mais tellement (TELLEMENT) instructif !

Moi qui ne suis pourtant pas spécialement féru d'ouvrages biographiques, et dont l'essentiel des connaissances en terme de politique américaine se limite plus ou moins en ce qu'en montre l'excellente série House of Cards (on fait avec ce qu'on a, hein), j'ai été bluffé !
Quelle densité, quelle variété et quelle complexité dans les problématiques abordées ("le monde est compliqué, c'est pour ça qu'il est intéressant"), quelle impressionnante somme d'informations et d'anecdotes, quelle intelligence dans le propos et dans le ton...
Quel bonhomme, enfin !

N'attendez donc pas de moi un compte-rendu exhaustif de cette lecture, l'entreprise serait évidemment titanesque (et puis c'est les vacances, pardi !). Je vais plutôt me contenter d'aller à l'essentiel, qui tient en 5 lettres : W-A-H-O-U ! (vous noterez la profondeur de l'analyse critique)
De la première à la dernière page, depuis l'entrée hésitante sur la scène politique de celui qui deviendra le 44ème président des Etats-Unis jusqu'à l'élimination d'Oussama Ben Laden (dernier fait marquant du premier mandat Obama) en passant par les coulisses agitées de la campagne présidentielle, le cataclysme de la crise des subprimes, la réforme du système de santé et la mise en place chaotique de l'Obamacare, le sommet écologique de Copenhague et la catastrophe pétrolière de la plate-forme Deepwater Horizon, la gestion des conflits d'Irak ou d'Afghanistan, les nombreuses visites diplomatiques à travers la planète et la remise du prix Nobel de la paix, imaginez bien qu'on n'a pas le temps de s'ennuyer !

La première partie notamment, qui relate en détails la course à la présidence et qui fourmille d'anectodes surprenantes, m'a particulièrement intéressé. On y découvre toute la violence de ces campagnes électorales où tous les coups bas sont permis et où le moindre mot de travers peut tout faire s'écrouler.
Il y a vraiment quelque chose de grisant à pénétrer ainsi dans les coulisses de l'Histoire, à visiter l'envers du décor, à entrouvrir la porte du bureau ovale ! On y découvre un personnage inspirant, cultivé, pragmatique, appartement porté par un vrai sens de l'intérêt commun, en bref quelqu'un d'éminemment sympathique !
Au fil des pages il se révèle aussi fin stratège, brillant sur la piste du grand cirque politique et médiatique, armé pour participer au petit jeu des compromis et des tractations entre groupes d'intérêts divers, dans le but de susciter un maximum d'adhésion et d'incarner l'espoir d'un renouveau.

Evidemment, certains chapitres m'ont semblé plus ardus que d'autres (le volet économique, par exemple, me dépasse complètement).
Evidemment aussi, la multitude de noms propres, de références à des personnages qui m'étaient complètement étrangers (membres du gouvernement, de la pléthorique équipe de communication, de l'opposition républicaine, du Sénat ou de la Chambre des représentants) s'est avérée à la longue un peu harassante.
Evidemment enfin, le regard que porte Obama sur son propre bilan est nécessairement biaisé, et il ne faudrait pas se laisser abuser par son éloquence ni par la qualité indéniable de sa plume. Si son accession à la présidence avait suscité un enthousiasme fou, force est de constater que tout n'a pas idéalement fonctionné au cours de ce mandat marqué par quelques échecs, que l'intéressé avait pourtant anticipés avant même son investiture ("Au fond, réalisais-je, les gens ne me voyaient plus, moi, avec toutes mes particularités et tous mes travers. C'était plutôt comme s'ils s'étaient emparés d'une effigie de moi-même pour l'investir d'un million de rêves différents. Je savais qu'un moment viendrait où je finirais par les décevoir, par ne pas être à la hauteur de l'image que ma campagne et moi avions façonnée"), mais qu'il a néanmoins un peu de mal à assumer.

Le livre n'en demeure pas moins passionnant, et là où certains relevèront peut-être des preuves manifestes d'ambition ou de fausse modestie (n'est-ce pas l'apanage de tous les grands hommes d'état ?), je retiendrai avant tout le témoignage lucide d'un homme énergique, doué d'une rare intelligence mais non dénué d'humour et d'auto-dérision, habité par sa fonction, attaché bien sûr à la préservation des interêts amécicains et cependant ouvert sur le monde.
Un homme aussi très proche des siens (Michelle, Malia, Sasha) et plus largement de tous ses compatriotes.

A l'heure où l'ensemble de la classe politique est trop systématiquement conspuée, décrédibilisée, je ne peux que conseiller la lecture d'Une terre promise pour mesurer la dimension colossale des défis (sociaux, économiques, écologiques, ...) portés par ceux qui nous gouvernent.
Moi qui réfléchis toujours à deux fois avant de choisir une paire de chaussettes, je n'ose imaginer l'ampleur des dilemmes qui se présentent à chaque minute au dirigeant de la première puissance mondiale, soumis à une pression permanente (de ses électeurs, de ses opposants et de l'ensemble de la communauté internationale), et dont la moindre décision peut se révéler infiniment lourde de conséquences.
Plus d'une fois, Obama qui avait pourtant de si beaux projets et qui comptait piloter l'Amérique comme un hors-bord véloce et puissant nous donne l'impression d'être, de son propre aveu, à la barre d'un paquebot fou, balloté par d'incessantes tempêtes (à commencer par celle d'une crise financière et économique mondiale).
Le monstre semble alors impossible à manoeuvrer à cause des éléments extérieurs déchaînés, de l'inertie due aux lourdeurs administratives ou aux redoutables obstructions parlementaires. le moindre changement de cap peut provoquer des vagues diplomatiques inattendues et se transformer sur le long terme en véritable tsunami : Obama démontre ici avec brio que la meilleure volonté du monde, doublée d'un dynamisme à toute épreuve et d'un certain sens du calcul politique, ne suffisent pas toujours pour mener l'embarcation à bon port.

Lui qui souhaitait dans ce premier volume "offrir au lecteur une idée de ce que c'est qu'être président des Etats-Unis", j'estime que le contrat est largement rempli et je m'incline volontiers devant l'immensité des enjeux auxquels il s'est trouvé confronté.
Que les Américains sachent que je ne me présenterai donc pas en 2024, mais que je lirai avec plaisir le deuxième tome des mémoires de Barack Obama !
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