AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782267046656
239 pages
Christian Bourgois Editeur (25/08/2022)
3.9/5   24 notes
Résumé :
Quand on est hôtesse d’accueil, être à l’écoute fait partie du quotidien. C’est donc tout naturellement que la narratrice prête l’oreille à la voix mystérieuse qui, un beau jour, se met à lui donner des instructions, à lui annoncer d’étranges visites, à faire surgir en elle des images déroutantes, comme autant d’impressions de déjà-su…
Comment peut-on être intimement convaincu de connaître la Finlande dans ses moindres recoins alors qu’on n’y a jamais mis les... >Voir plus
Que lire après Totalement inconnuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« Totalement inconnu » de Gaëlle Obiégly (2022, Christian Bourgois, 240 p.) est présenté comme une conférence. En fait c'est un long monologue. « Ce que j'ai à dire est assez compliqué. J'espère me faire comprendre. En même temps, ce n'est pas grave si on ne me comprend pas. du moment qu'on m'écoute ». Cela me fait penser à cet auteur qui écrivait des livres à lire pour non-voyants « Ecris plus grand, il est sourd ».
C'est son onzième livre depuis « Mon prochain » (2013, Verticales, 192 p.), on ne s'en plaindra pas, au contraire.
Donc une conférence, que personne ne lui a demandé de faire. Mais « une voix » intérieure, « dans son oreille droite » la pousse à faire et à dire. Elle était en résidence d'artiste à la Villa Médicis à Rome, en 2015, lorsque « cette voix a surgi » dans son oreille droite, il faut le préciser. Pourquoi, et que dit la voix ?« pour me faire des annonces et me donner des instructions ». Originaire de Beauce, on ne peut l'accuser d'entendre qu'il faut aller chasser les godons, ni aller trouver le Roi de France. Il y a longtemps que le dernier a été raccourci, tout comme les blés dans le pays de son enfance. C'était donc à Rome. Elle apprend qu'elle doit « porter des habits noirs. Nuit et jour. Ça attire la mort. Vous retrouverez ainsi Pascal. Ses cheveux auront beaucoup poussé ». Que vient faire là le pari de Pascal « Dieu est, ou il n'est pas. [..] Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien ». D'où la nécessité de faire aveuglément confiance à la littérature. Il suffit d'y croire pour qu'elle soit. C'est presque plus valorisant que la méthode du bon docteur Coué. Quant aux cheveux de Pascal, ce dernier précise sa pensée « C'est monstrer par ses cheveux qu'on a un valet de chambre ». Si ce n'est qu'une question de petit personnel… Les lois sociales sur la domesticité sont passées par là.
Et de plus, cette voix qui surgit pour lui faire des annonces, intervient un dimanche. « le dimanche est le jour où je comprends le plus de choses, parce que je ne fous rien ». Un dimanche à Rome. Manquerait plus que le pape s'en mêle. D'autant plus que la voix insiste « avec Pascal vous ferez un grand trou dans une étendue de sable au moyen de petites pelles en plastique pour vous étendre à tour de rôle ». On savait que Pascal avait inventé la brouette, mais le coup des pelles… Un véritable bâtisseur de mirages. C'était quasiment Port-Royal-sur-Mer. Il est vrai que la littérature moderne met les grands hommes à toutes les sauces. Je pense en particulier à un « De Gaulle à la Plage » de Jean-Yves Ferri (2007, Dargaud, 48 p.). Je sais, c'est une bande dessinée. On est en pleine guerre d'Algérie, en 1956. Charles de Gaulle, en plein traversée du désert, passe l'été sur une plage de Bretagne. Avec lui sa femme Yvonne et son aide de camp Lebornec. Mais il y a aussi son chien Wehrmacht, le rejeton du chien loup de Hitler. « Après le suicide de son maître, un ancien de la 2ème DB l'a offert à ma femme ». Et pendant ce temps, ses tongs font « Flip flop flip flop flip flop flip flop ».
Dans tout ce bouleversement « Mes actes n'avaient plus de poids. le poids de la nécessité ». Dans le genre, ce serait un roman de Gabriella Zalapi comme « Willibald » (2022, Editions Zoé, 160 p.), plasticienne, ou G.W. Sebald avec « Austerlitz », traduit par Patrick Charbonneau (2002, Actes Sud, 400 p.), on aurait en plus le choc des photos. Ceci dit, lisez aussi ces deux auteurs, ils en valent la peine, même si on ne les trouve pas chez son buraliste habituel. de même que les romans de Gaëlle Obiégly. On ne mélange pas la littérature avec les journaux à emballer le poisson, pour la simple raison que cela donne, parait-il, du goût au journal.
La voix intérieure ordonne. Elle s'habille en noir, « un noir quasi fluorescent ». Les goûts ne se discutent pas. Par contre, « les colorations capillaires m'ont souvent désavantagée ». Pourtant, elle le vaut bien. On remarquera au passage, que cela fait plusieurs fois que, avec un tel texte, des écrivaillons peu scrupuleux ou des scénaristes de films tout aussi commerciaux, en auraient profité pour glisser ça et là, une image publicitaire, vendue fort chère. Ceci afin d'alléger les frais inhérents à la publication du texte, et leur mise en place en tête de gondole.
Mais la narratrice avoue « Je ne connais pas de Pascal ». Même sous forme d'un rectangle de papier multicolore imprimé. Dur aveu sur la misère des écrivains et la lésinerie des maisons d'édition. Il est vrai qu'elle était à l'époque en Italie. Déjà les ponts européens avaient remplacé les contemporains célèbres. Elle creuse cependant une tranchée dans sa Beauce natale, muni d'« un remblai avec du sable à lapin » en attendant la venue du dit Pascal. Et c'est Godot qui est arrivé ? Hélas, non, ni Estragon, ni Vladimir. La Beauce, du moins « du côté de Chartres » : « sa campagne, champs de blé, labours, betterave à sucre au moment de la chasse.et les labyrinthes de maïs et de colza. le colza, jaune acide au mois de mai ». C'est ainsi que Gaëlle Obiégly la dépeint dans « Gens de Beauce » (2003, L'Arpenteur, 198 p.).
Questionnement alors à la voix. Qui répond sèchement « Vous recevrez la visite de Pascal et d'autres morts, ne bougez pas, ça ne va pas tarder ». le suspense prend, non seulement forme, ne serait-ce que d'ectoplasmes divers. « L'aube est enfin arrivée ». Non point le département, mais celle aux doigts de rose, ou était-ce l'aurore ? Quoi qu'il en soit. « J'ai fait du stop jusqu'à la gare ». Retour brutal aux réalités, aux grèves du RER, et fin de la poésie.
On est arrivé à la fin du premier chapitre, de trois pages. J'adore ce texte et cette écriture. Evidemment, il n'y a que peu d'action suivie, ni début, ni fin, ni queue ni tête diraient certains. Que de la poésie. Cela me fait penser à certains romans de Marie Cosnay, comme « Comètes et Perdrix » (2011, Editions De l'Ogre », 184 p.). Qui n'est ni un livre de cuisine ni d'astronomie. Ou « Cordélia, La Guerre » (2015, Editions De l'Ogre, 368 p.) qui reprend l'histoire du roi Lear et de ses filles. Mais où tout commence par une Cadillac, à demi brûlée découverte dans une zone frontalière, près des Trois Fourches. Une femme a disparu, sans doute cette amnésique que l'on découvre plus loin. Une enquête policière presque banale. Il y a aussi Glouc et ses filles Goneril et Régane. Cordélia est vêtue de blanc, et non pas de probité candide et de lin blanc. Evidemment, vu de la sorte…. Comme dirait l'autre « Tromperie sur la marchandise ». Non, une autre façon, originale, de voir le monde.
Effectivement, de digression en digression, le lecteur peut perdre pied. Mais n'est pas, aussi, le rôle de la littérature, et des grands écrivains, d'embarquer le lecteur vers d'autres rivages. Imagine-t'on « Madame Bovary » (2001, Gallimard, 528 p.) résumée et réduite à un entrefilet à la sauce de Félix Fénéon. « L'épouse d'un médecin de province tombe amoureuse de Monsieur Homais, pharmacien. L'arsenic s'en mêle et gagne ». Même un journalier ou échotier normand aurait brodé autour de l'anecdote.
L'épisode du soldat inconnu revint en boucle, de ci de là. Tout d'abord c'est à l'occasion de sa prise de travail, elle passe à côté, « au 125, avenue des Champs Elysées ». C'est là où était le Club Med, juste en dessous de Dior Beauté, après avoir passé la rocade des rues de Presbourg et de Tilsitt qui entourent le monument.
« Pourquoi le soldat inconnu – j'aimerais moi-même le savoir ». C'était à l'époque où elle lisait Spinoza, « qui la tenait éloignée d'une autre obsession dont je n'ai pas de souvenir à l'instant où je vous parle. L'écriture dans mon cahier prolongeait les démonstrations lues dans le gros livre ». Deux remarques alors. Si elle ne s'en souvient pas, c'est que ce n'était qu'une fausse obsession, une lubie passagère. Ensuite, plutôt que de lire Baruch Spinoza (1632-1677), qui est tout de même assez rébarbatif, mieux vaut lire ses exégètes. Et parmi eux, la récente thèse en philosophie, fin 2017 à la Sorbonne, d'un jeune homme de 86 ans. C'est une thèse soutenue par Henri Atlan, à la base un médecin biologiste. Après son doctorat, il se spécialise dans la théorie de l'information, appliquée bien sûr à la combinatoire génétique. Il devient très vite un pionnier dans le domaine de la complexité et de l'auto-organisation. Je connaissais déjà son attachement à la philosophie de Maïmonide et de Spinoza, via son parcours, depuis son laboratoire de biologie aux études talmudiques. C'est très bien expliqué en 2 tomes dans « Les Etincelles du Hasard », avec une mise en pages, en particulier des notes, vraiment remarquable (1999, Seuil, 400 p., et (2003, Seuil, 448 p.). Mais la thèse de Henri Atlan « Cours de philosophie biologique et cognitive, Spinoza et la biologie actuelle » (2018, Odile Jacob, 636 p.) se lit presque comme un roman. le thème principal de Spinoza est que la nature et l'esprit forment un seul bloc, avec une substance unique. C'est donc quelque chose entre une explication purement matérialiste, ou réductrice, comme quoi tout est géré par le cerveau et l'ADN, d'une part, et d'autre part, par une interprétation mécaniste, souvent au profit d'un quelconque dessein.
Alors, que vient faire là, la tombe du soldat inconnu ? Tout d'abord, distinguer entre « le soldat inconnu » et « Un soldat inconnu », chacun se rapportant à des concepts différents. « le déterminant défini. C'est fictif ici […] Si tu vois écrit quelque part « UN soldat inconnu » cela amène à penser à sa classe sociale, à son métier, à son âge. Tandis que « LE soldat inconnu », c'est une figure idéale. Une statue grecque en quelque sorte. L'équivalent d'un corps taillé dans le marbre ». Comme quoi, lire Spinoza amène à des considérations spécifiques sur le libre arbitre, de soi ou des êtres et objets environnants. Mais, au fait, cet individu qui repose en tant que soldat inconnu, a-t-il pu utiliser son libre arbitre pour aller laisser sa vie dans les tranchées de la Meuse ? Et s'est-on posé la question de son statut social ou familial, de son métier, de son avenir interrompu brutalement ?
Plus globalement « le soldat inconnu qui perpétuellement meurt pour la patrie. Et qui, aujourd'hui, soigne, balaie, nettoie, livre à toute heure et par tous les temps en échange d'un tout petit salaire et d'une reconnaissance fugace ».
Le roman dérive doucement vers la mort. « Quand les gens sont morts, on peut leur tricoter une histoire, voire deux ou trois, et même plus. On sait qu'ils ne porteront pas plainte. Ça ne coûtera rien. Quand les gens sont morts, tout est possible. Tu lis leur courrier et leurs relevés de banque. Si ce sont des gens intéressants, ça s'appelle des archives ». Tout d'abord, et c'est une des clés du livre, avec Yvette, la grand-mère de la narratrice, qui « pendant les quarante-deux journées où elle fût archi-vielle, elle se croyait jeune fille » dans son Ehpad. Séjour qui lui a coûté un voyage à Tahiti, où elle rêvait d'aller. Yvette et ce qu'elle transmet à sa petite-fille. Tout d'abord la Beauce, lapins et les poules, puis les différences de classes, l'école, l'écriture, les ateliers d'écriture. C'est tout ce que l'on sait, ne sait pas, croit savoir, ou ne sait plus. Avec en plus les joies et le chagrin. Avec le temps, tout s'efface, s'enchaine. Les formes changent. Ne subsistent que l'observation et le souvenir.
Avec l'âge, le nombre des années à venir décroit doucement, étant dépassé par celui des années passées. « Un soir j'ai eu une vision de ma mort. Elle aura lieu de nuit. A un petit carrefour, je serai renversée par une voiture ».
Et le bilan de tout cela « Je n'ai pas changé le monde. Je ne suis pas passée à la télévision. Une vie ratée, et c'est justement ce qui me la rend attachante. Les gens qui passent à la télévision peuvent changer le monde, du moins ils le croient. Les autres le subissent et ils l'inventent. Je suis dans cette catégorie sans gloire. de toute façon la gloire ça me répugne, ainsi que l'emphase généralisée de notre époque et les médailles, les compliments, les récompenses, les compétitions ».
Restent cependant ces très belles pages consacrées à Yvette, sa grand-mère. « La vieillesse lui aura fait gagner la faculté de voir ce qui se dérobe à l'homme ordinaire ». Avec des vignettes de cette institution « On se croirait dans un entrepôt parmi des porcelaines ébréchées que bientôt on ne pourra plus raccommoder ». Raccommoder ou écrire. Retour aussi sur son premier livre et son titre. « Petite figurine en biscuit qui tourne sur elle-même dans sa boîte à musique » (2000, Gallimard, L'Arpenteur, 144 p.). Livre qui débute par « Je suis partie un dimanche après-midi pour Saint-Pétersbourg voir mon père sur son lit de mort. Devant la porte du crématorium j'ai renoncé ».

Commenter  J’apprécie          40
Dès le terme de la première phrase, très peu de temps après avoir entamé la lecture car cette phrase ne fait que neuf mots, j'ai compris que je venais de tirer un très bon numéro et que j'allais passer un très bon moment. ‘Ce que j'ai à dire est assez compliqué'. En un sens, tout est là. C'est un monologue écrit dans une langue qui n'a rien de sophistiqué. Il ne s'agit pas d'une narration, pas d'une dissertation. Gaëlle Obiégly écrit le texte d'une conférence consacré au soldat inconnu. Et en plus du soldat, ce qui s'avère totalement inconnu, c'est la forme littéraire de ce livre car cette conférence n'en est évidemment pas une. Cela part dans tous les sens, progresse de digressions et digressions, parfois bizarres et saugrenues, en revenant de temps en temps au soldat inconnu.

‘Ce que j'ai à dire est assez compliqué ‘. Oui, effectivement car ce livre nous parle en réalité de la connaissance, et des mots et de leur puissance. Ceux-ci forment le lien entre le sujet connaissant et les objets à connaître, ils sont le moyen dont nous disposons pour accéder à la connaissance du monde. Ils sont aussi un jeu et un moyen poétique et Gaëlle Obiégly ne se prive pas de les utiliser à cette fin lorsqu'elle raconte des scènes où il est question de faire connaissance, de perte de connaissance ou encore de reconnaissance.

Malgré le caractère apparemment décousu du propos, Gaëlle Obiégly a les idées très claires : elle établit une distinction fondamentale entre connaissance et savoir. Et en lisant ce livre, j'ai repensé aux propos de Charles Juliet entendus dans une librairie où il était venu présenter son oeuvre : lui aussi faisait cette même distinction. Pour faire simple, le savoir est ce qu'on apprend dans les livres et qui est le même pour tout le monde. A l'inverse, la connaissance s'acquière par l'expérience (Gaëlle Obiégly parle de son expérience en tant qu'hôtesse d'accueil, de son expérience de l'alcool, des drogues, du sexe). Elle s'acquière par les sensations, quand par exemple la petite Gaëlle à la maternelle trempe ses mains dans la peinture. Elle s'acquière par l'intuition, par exemple à partir d'images de la Finlande qui font dire à Gaëlle Obiégly qu'elle a l'impression de connaître ce pays. La connaissance peut aussi venir de l'interprétation des signes, comme lorsque sa grand-mère Yvette prédit l'avenir en regardant les cailloux. Il est cependant un objet de connaissance particulièrement ardu : il s'agit de la mort car en faire l'expérience marque la fin de notre capacité à accéder à la connaissance. Les cas de personnes étant revenus témoigner de leur expérience de la mort restent rarissimes.

En conclusion, ce livre fut pour moi un très bon moment de lecture. J'ai beaucoup apprécié cette forme décalée, croisement hybride de journal, d'essai, d'autofiction. Je suis curieux de savoir comment ce livre est reçu par de jeunes lecteurs (moins de 30 ans disons) car selon moi, il a la capacité de toucher plus particulièrement les plus de 50 ans, qui portent sur leurs épaules l'épaisseur de l'expérience et de la mémoire.
Commenter  J’apprécie          40
Pas arrivée à vraiment entrer dans ce texte.
Bien écrit assez poétique par moment mais peu d'action pas de début, ni de fin. Un long monologue psychanalytique sur (entre autre!) le sens de la vie. Certains autour de moi ont trouvé que c'était un livre plein d'humour. Je n'ai pas trouvé mais ce n'était sans doute pas le bon moment pour moi.
Commenter  J’apprécie          110
Mais quelle lecture étrange que ce livre de Gaëlle Obiégly, Totalement inconnu… Je ne peux pas dire que j'aie été emballée, ni non plus que j'aie détesté. J'avoue par contre qu'il m'a mise profondément mal à l'aise à plusieurs reprises.
J'ai mis longtemps à comprendre le rapport entre le résumé (qui m'avait attirée) et ce que j'étais en train de lire. Sans doute parce que je n'arrivais pas à me concentrer sur la lecture : le style est assez décousu (ce qui colle avec la personnalité du narrateur) et je me suis dispersée assez régulièrement.
Ce personnage, on en sait à la fois beaucoup sur elle, et à la fois pas beaucoup. La narration va et vient dans le temps, les pensées s'enchaînent, à la fois réflexions sur la vie et souvenirs personnels, interrogations personnelles et moments de vie. C'est pour cela que je ne suis pas vraiment arrivée à rentrer dedans. Ce flot de pensées est impressionnant. Cette fille pense à des trucs complètement dingues et de manière complètement dingue. L'auteure a choisi de ne pas se focaliser sur sa vie de fille en couple et avec emploi, et de préférer ses réflexions.
D'un autre côté, c'est aussi ce flot de réflexions qui m'a fait ne pas lâcher : je me suis un peu reconnue dans cette manière de penser (d'où peut-être le fait que j'ai été mal à l'aise) sans pour autant m'attacher au personnage.
Il y a certes de belles réflexions et remises en cause qui paraissent acquises dans notre société, des moments émouvants aussi. Mais je ne peux m'empêcher de me demander, une fois le livre fini… Où est l'intérêt de cette lecture ? le texte n'est pas divertissant, ni pour moi assez solide pour enseigner quelque chose, la lecture est rude et décousue, et le personnage peut être mal à l'aisant. C'est une expérience en soi, que le résumé sur la 4e de couv ne met pas bien en évidence en donnant limite l'impression que c'est un roman léger sur un phénomène surnaturel.
Je vais m'empresser maintenant d'aller lire les autres critiques pour découvrir ce que les autres en ont pensé, et peut-être revoir un peu mon appréciation ! Merci en tout cas à Christian Bourgois et à Babelio pour cette découverte qui ne s'effacera pas de sitôt de ma mémoire.
Commenter  J’apprécie          10
Une pensée en action, voilà ce que nous propose ici Gaëlle Obliégly dont la narratrice, hôtesse d'accueil , travail alimentaire, doit écrire une conférence sur le soldat inconnu.
De digressions en digressions, elle évoque tour à tour sa grand-mère, la Finlande (où elle n'est jamais allée) mais qu'elle est convaincue de connaître, réfléchis sur le bien, le mal,  obéis aux voix qu'elle entend ...
Un texte émaillé de réflexions-pépites mais qui laissera sur le côté tout lecteur habitué à des textes plus conventionnels.
Commenter  J’apprécie          50


critiques presse (2)
LeMonde
19 octobre 2022
Voici un livre qui dépense sans compter la pensée commune, la détricote joyeusement pour libérer l’accès à une connaissance dont l’autrice elle-même, sans doute, ne savait rien de très précis avant d’écrire ce texte, avec une forme de liberté suffisamment puissante pour remettre en jeu la notion même de littérature.
Lire la critique sur le site : LeMonde
RevueTransfuge
24 août 2022
Gaëlle Obiégly pense comme elle écrit : avec une grâce amusée, pénétrante et modeste. La preuve avec cette petite merveille inclassable qu’est Totalement inconnu.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
J’ai montré à ma mère "Lac" de Boris Achour. Je lui ai demandé ce que ça lui évoquait et si elle trouvait ça beau. Ma mère m’a dit : ça me rappelle un miroir entouré d’ampoules, tu sais, comme on en voit dans les loges d’artistes... C’est la première image qui lui est venue, à ma mère face à cette œuvre. Je lui ai demandé si elle avait pensé à un lac. Ma mère m’a dit : ce n’est pas la première image qui me vient à l’esprit mais, oui, pourquoi pas.

Moi, c’est l’inverse. J’ai vu d’abord le lac. Le concept de lac et en même temps un lac particulier. Puis, longtemps après, j'ai vu l'objet. Qui m’évoque une table en Formica et un miroir entouré d’ampoules. Je trouve ça beau.
Ma mère perçoit d’abord la réalité matérielle. Moi, d’abord le mot. Je vois à travers le mot. Le mot me fait traverser la réalité. C’est bien ce qui m’intéressait ici, face à cette œuvre.

Je crois que l'artiste s’est un jour trouvé au bord d’un lac, au cœur d’un paysage. Il s’est dit qu’il allait emporter ça, ce moment paisible de son existence, qu’il allait le garder le plus longtemps possible. [...]
Grâce à la mémoire, on transporte l’espace et le temps dans un autre espace et un autre temps. Grâce au langage, on remplace une chose par un mot. Grâce à nos mains, on transforme l’intangible, c’est-à-dire ce qui nous
occupe en pensée, on transforme l'intangible en objets concrets. Un lac
auquel tu penses, il devient ce lac concret, ce lac qui est dur et
bien défini. Archi-matériel et pourtant d’essence poétique.
Commenter  J’apprécie          180
Peu avant son hospitalisation, Yvette était en train de préparer le repas, elle a suspendu son geste et elle m'a dit : mon rêve, c'est foutu.

Le Parisien était déplié sur la table de la cuisine, j'étais dans les mots fléchés.
- Allons, bon, ton rêve, c'est quoi ?
- D'aller à Tahiti. "

Elle n'a plus jamais vraiment vécu une fois qu'elle a compris que son rêve, c'était foutu.

- Tu crois que tu n'iras jamais ?
- Penses-tu, comment j'irais ?
- Il faudrait que je t'y emmène.
- Qu'est-ce que ça me plairait ! On ne ferait rien. On regarderait les fleurs.

Elle repose dans ce poème turquoise. Ce sont ses dernières phrases :
" Mon amour, je ne sais pas le dire
Tu m'abandonneras
La main de Dieu est sur moi et tu ne peux pas me défendre
Qu'est-ce qu'on fait ? "
Ses phrases font un poème. Ce que j'appelle un poème, c'est un entrelacs sacré, une parole qui procure une émotion mystérieuse, une parole qui vient en toi, qui fait trembler la peau.
Commenter  J’apprécie          212
J'étais dans ce magasin de vaisselle ouvert le dimanche. Je faisais la queue pour payer un saladier et j'aperçois à travers les fins cheveux de la cliente qui me précède une excroissance de chair. Une boule énorme sur le côté droit de sa tête. C'était une chose velue et rose. Je me suis dit qu'une telle disgrâce m'aurait été utile pour entrer dans les ordres. Si je l'ai envisagé pendant l'adolescence, le besoin de séduire et de sexe m'en a fait abandonner le projet. J'ai manqué de caractère. Car ce qui est beau dans cet engagement-là, c'est de renoncer à ce qui est essentiel pour soi. Je n'ai pas été capable de ce sacrifice. Une excroissance de chair rose venue dans la nuit, une grosseur et des poils qui m'auraient défigurée, un tel miracle m'aurait permis d'avoir une vocation. Au lieu de ça, j'exploite mon égotisme.
Commenter  J’apprécie          240
Souvent, les histoires naissent de ce qu’on ne sait pas. On se pose une question, deux questions et l’imagination se met en marche. Certains trouvent ça merveilleux, d’autres trouvent que c’est une escroquerie. Pour ma part, j’oscille entre les deux. Comme soldat, j’aurais été le contraire de fiable. Il y aura bien une ou deux histoires qui me viendront pendant la conférence, je leur laisserai la parole. Temporairement. Ce n’est pas que j’adore raconter des histoires mais je ne censure pas mon imagination. Elle m’a été très utile pour comprendre diverses choses et elle me donne des sentiments. Pour l’heure,
Commenter  J’apprécie          20
À un moment, ils m’ont dit : mais vous devriez passer à la télé, vous êtes intéressante.
Ils se moquaient, bien sûr. Que voulez-vous, avec mon physique, non. Ce qui est envisageable, par contre, c’est la conférence. Même si on
est moche. C’est d’ailleurs mieux, on est plus crédible. À Noël dernier, chez des
amis qui sont des intellectuels modérés, j’étais assise à côté d’un homme qui m’était
inconnu. Lui non plus n’était jamais passé à la télévision malgré ses démarches.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Gaëlle Obiégly (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gaëlle Obiégly
Lecture par l'autrice
Gaëlle Obiégly, qui a l'art de poser sur le monde un regard joyeusement décalé, s'intéresse dans ce texte à ce qu'elle « trimballe » avec elle. Que ce soit dans un sac à dos ou à bandoulière, dans ses bibliothèques, dans ses lieux de vie, dans sa tête ou dans son corps, quelle valeur donner à ce qui la constitue, intérieurement et extérieurement ? Et que faire lorsqu'elle croise sur sa route un « petit tas d'ordures » qui lui semble posséder une richesse sans nom ? le « sauver » déjà, de sa condition de déchets, l'analyser ensuite, comme un objet protéiforme, plein d'histoires et de symboles. L'incarner, en somme, et tâcher de le comprendre en s'adressant à ce qu'il renvoie – : « Qui es-tu, petit tas d'ordures ? »
Dans le cadre des Nuits de la lecture.
« Triant laborieusement, j'ai passé plusieurs mois à discriminer ce qui a de la valeur et ce qui ne vaut rien. D'un côté ce qui est destiné au paradis des archives ; de l'autre ce qui est voué à disparaître dans le néant des ordures. » Gaëlle Obiégly, Sans valeur.
À lire – Gaëlle Obiégly, Sans valeur, éd. Bayard, 2024.
+ Lire la suite
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (87) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3651 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}