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Critique de 5Arabella


Le roman se présente sous la forme d'un récit fait par Mitsu. Il est dans un moment très difficile de sa vie : son meilleur ami vient de se suicider dans des conditions particulièrement choquantes, pendu dans une mise en scène effroyable, et le fils qui vient de lui naître est handicapé mental. Sa femme Natsuko et lui viennent d'ailleurs de le placer dans une institution spécialisée, et Natsuko sombre dans l'alcoolisme. C'est ce moment que choisi son jeune frère, Taka, pour revenir des USA. Une sorte d'antagonisme permanent paraît exister entre les deux frères, Mitsu remet en permanence en cause tous les propos, et la personnalité même de son frère. Mais dans un état d'abattement et d'impuissance, il se laisse manipuler, et amener avec sa femme et deux jeunes amis de Taka dans le village dont leur famille est originaire, sous le prétexte de la vente d'un pavillon qui appartient à la famille. Nous apprenons par bribes des éléments lourds du passé de la famille : la mort par lynchage d'un frère aîné, une révolte paysanne au XIX siècle pendant laquelle deux frères appartenant à la famille se sont opposés, les difficultés relationnelles entres les parents, la mort par suicide de leur soeur. Taka semble avoir eu des projets très précis en revenant dans le village, il s'identifie au frère de leur arrière-grand père, leader du mouvement paysan d'antan. Mitsu assiste aux événements en prenant le rôle de spectateur qui se refuse à toute action, quelles que soit la gravité de ce qui se passe, tout en critiquant et en prenant le contre-pied de son frère. La situation devient plus que tendue, car le village est dans une situation difficile et la violence ne demande qu'à se faire jour parmi les habitants.

Cela donne une image très sombre du Japon. Les personnages semblent avoir beaucoup de mal à se trouver, écrasés par un passé très lourd et omniprésent. La violence couve et ne cherche que l'occasion pour s'exprimer, permettant d'extérioriser toutes les frustrations. le groupe est écrasant, ne pas y appartenir est terrifiant parce qu'on peut à tout moment être victime, y appartenir mène au conformisme et à l'absence de toute possibilité de se réaliser. La conscience collective est minée par toute une série de hontes non surmontées dont il ne faut surtout pas parler, les massacres successifs, les massacres et horreurs perpétrés par les Japonais pendant la seconde guerre mondiale, mais aussi le fait d'avoir perdu la guerre. Les choses difficiles et douloureuses que vivent les personnages semblent moins importantes que la honte qu'ils éprouvent devant le regard des autres. le village est un lieu complètement étouffant et terrifiant, comme un cauchemar de l'enfance.

Ôé parvient vraiment à rendre tous ces personnages d'une façon très tangible, nous transmettre leurs angoisses et leurs peurs, leurs difficulté à donner du sens à ce qui leur arrive, tout englués qu'ils sont dans leurs honte, dans les souvenirs du passé qui les écrase et leur sentiment d'impuissance à changer quoi que ce soit dans leur vie. Il nous distille petit à petit les éléments concernant le passé, sans jamais être non plus complètement exhaustif dans les informations ; nous pouvons ainsi, tout comme les personnages du roman, nous construire notre propre interprétation, et explication. Et la fin reste ouverte. C'est une lecture sombre et troublante, une oeuvre forte, qui laisse une trace durable.
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