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Critique de Woland


Woland
24 décembre 2007
Shisha no Ogori, Hato, Seventeen
Traduction : Ryôji Nakamura & René de Ceccatty.

C'est un auteur qu'on m'avait beaucoup vanté - il a d'ailleurs reçu le Prix Nobel de Littérature en 1994 - et je n'ai pas été déçue. Les trois nouvelles qui composent "Le Faste des Morts" appartiennent à sa première période. On peut même dire que celle qui donne son titre au recueil a lancé la carrière de l'auteur.
"Le Faste des Morts" est l'une de ces nouvelles qui méritent une relecture. L'argument en est à la fois très simple et très macabre : dans une morgue, l'heure est venue de changer de cuve des cadavres conservés pour les dissections. le narrateur est un étudiant en lettres qui, afin de mettre un peu de beurre dans ses épinards, se charge de ce "petit boulot." Il l'accomplira en compagnie du gardien de la morgue et d'une autre étudiante qui est enceinte et désire se faire avorter.
Pas de sang, pas d'effets horrifiques mais une réflexion sur le rapport des vivants avec la Mort à la fois subtile et un peu déstabilisante : le narrateur finit par penser que les morts sont moins dérangeants que les vivants, beaucoup trop violents, torturés et prêts aussi à torturer leur prochain.
La seconde nouvelle, "Le Ramier", se déroule dans un centre de redressement pour adolescents. Plus longue, elle parle surtout de violence mais sans complaisance, de sexe, de châtiment, de douleur et de rachat tout en posant l'éternelle question : n'avons-nous pas tous en nous le désir de faire souffrir, voire de tuer ?
Quant à la troisième, la plus féroce peut-être mais certainement la plus ironique, elle fit scandale à sa parution, en 1961. Elle nous dépeint les premiers émois sexuels d'un adolescent de 17 ans - le titre est d'ailleurs "Seventeen" - qui, en révolte contre sa famille et son pays qui, à ses yeux, accepte sans broncher l'occupation américaine, cherche dans la vie sociale un exutoire à ses nombreux sentiments de frustration. Un jour, par curiosité plus que par conviction et poussé par l'admiration qu'il éprouve envers un condisciple, ce jeune homme qui s'affirme "de gauche" dans les premières pages, se rend à une manifestation orchestrée par l'extrême-droite japonaise. Et c'est la révélation : il trouve enfin un sens à sa vie.
Ôé avait imaginé une suite, intitulée : "Un jeune militant meurt". Fanatisé à outrance, le héros de "Seventeen" se risquait dans un attentat contre un leader socialiste, était arrêté et se pendait dans sa prison. Mais cette seconde partie, parce qu'elle se basait sur l'assassinat, en octobre 1960, d'Inejirô Asanuma par un militant nationaliste, déplut si fort à l'extrême-droite que le rédacteur de la publication dut présenter ses excuses publiques et qu'il fut décidé que plus jamais - en tous cas au Japon - elle ne serait republiée. Il paraît cependant qu'on peut la trouver dans une édition italienne.
Kenzaburô Ôé a également écrit des romans ("Le Jeu du Siècle") et des textes autobiographiques comme "Moi, d'un Japon ambigu" ou "Une famille en voie de guérison" et s'ils sont de la même tenue que ces trois nouvelles, le lecteur ne s'en plaindra certainement pas. ;o)
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