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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
S'il n'en reste qu'un, Chris Offutt sera celui-là !

Car là où d'aucuns stigmatisent ou analysent socialement cette région des Appalaches devenue le sanctuaire des Hillbillies, ces oubliés de l'Amérique contemporaine, Offutt s'en fait depuis 30 ans le farouche défenseur.

Dans Kentucky straight (traduit par Anatole Pons) et en 9 nouvelles parfaitement maîtrisées - avec une mention spéciale pour La sciure, Mauvaise herbe et Ceux qui restent - , il choisit le récit du quotidien, du petit rien, de l'instantané de vie pour nous raconter son Kentucky. Sans magnifier, ni enjoliver, ni excuser.

Défilent alors Junior, Aaron, Vaughn et son grand-père Lije, la solide Beth, Cody ou encore Everett, tous plus attachants les uns que les autres, tentant de survivre sur ce territoire qui fut autrefois terre indienne, puis terre minière et aujourd'hui terre d'oubli. Ils ont en commun le partage des déficits, ceux de l'éducation, de la croissance ou du rêve américain, mais aussi le partage du passé, du devoir, de la fatalité, de l'entraide et d'une certaine idée de ce qui se fait et ne se fait pas, leur conférant ainsi ce qui s'appelle la droiture.

C'est remarquablement écrit et la beauté des paysages naturels décrits par Offutt apparaît comme un contraste apaisant face à toutes ces vies en équilibre. Un grand livre !
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Kentucky Straight, c'est une série de claques violentes et brutales, comme de fortes lampées de bourbon. Neuf textes, puissants, qui vous prennent à la gorge tant les sentiments y sont forts. Qui vous ravissent, aussi, tant les paysages semblent vivants, emplis d'odeurs, de sons, d'images fascinants. Chris Offutt, en quelques mots, en quelques phrases, campe le décor et y place ses personnages, souvent d'une pauvreté hallucinante, parfois plongés dans une détresse sans fond. Mais pas tous : nombreux sont ceux qui, malgré tous ces handicaps, surnagent avec force, avec brio.
Attention, je divulgâche un peu dans certains commentaires…

« La sciure » : une famille au fond des bois. Un père qui vire dans la folie totale. Un refus local de la culture : il faut se servir de son corps, pas de son cerveau. Pourtant, un jeune garçon, Junior, passe son temps dans les livres. Et il se donne un but : passer le certificat. Se prouver qu'il en est capable. Malgré la jalousie et la haine des autres pour ce type de diplôme, malgré la défiance inspirée par ceux qui tentent de sortir du modèle. Un personnage fort et tellement réaliste. J'étais placé juste à côté de lui, à observer la nature avec ses yeux, à la lire avec sa connaissance des plantes et des animaux ; mais aussi à affronter le regard des autres. Un texte d'ouverture d'une grande efficacité.

« Élévation » : un homme tente d'installer son mobile-home en haut d'une colline, alors que des pluies diluviennes s'abattent sur ce coin d'Amérique. le camion s'embourbe. Il fait appel à un grutier. le drame, brutal, sanglant, montre la rudesse des gens habitant ce coin, leur relation à la mort bien différente de la nôtre. Idem pour la souffrance. le seuil de tolérance est bien plus élevé. Bien plus…

« Ceux qui restent » : Vaughn, un jeune garçon, se promène dans la forêt et croise Lije, un vieil homme qui dit être son grand-père. Mais sa mère lui avait dit qu'il était mort. Mort pour Jésus, en fait. Ce qui est la même chose pour cette mère très croyante. Vaughn va accompagner son grand-père dans son dernier voyage, au milieu des arbres. Une évocation très poétique, mais qui m'a moins touché.

« Mauvaise herbe » : un type effectue des travaux de maçonnerie pour tenter de gagner de quoi vivre. Il a une femme et trois enfants. Mais une maison isolée dans les bois, sans eau courante. Il ne peut même pas se payer ses outils et est obligé de les louer. Pour survivre, il fait pousser du chanvre, activité illégale. Or, un employé vient de repérer ses cultures. Heureusement pour William, il a été mordu par un serpent venimeux. William le sauve, assurant ainsi son silence. Progrès notoire, car ses père ou grand-père auraient sans doute tué le témoin. Rudesse, toujours du coin et de ses habitants.

« Dernier quartier » : une histoire dans une histoire. Un homme, ancien criminel notoire, se met au service de Dieu. Et tente de convaincre un vieillard. Trop tard. Il trouve son cadavre déjà en partie rongé par les vermines. Mais il découvre une cassette audio, sur laquelle le vieillard a raconté une histoire de ses ancêtres. Un ours aurait décapité un bébé. le père veut tuer l'ours et part avec deux frères. Un seul reviendra, car l'autre, blessé lors de l'affrontement contre l'ours, sera tué par le père. Pour lui éviter d'être dévoré vivant par un puma. Sang-froid et froideur. Quand on ne peut rien à son destin, on serre les dents et on agit. Une autre époque, un autre monde. La fin de la nouvelle est un peu trop pleine de pyrotechnie pour moi.

« Le fumoir » : Des hommes se retrouvent pour une partie de carte dans le fumoir de l'un d'entre eux. En pleine montagne, en plein tempête de neige. Dans un froid formidable. Les tempéraments, entiers, amènent des échanges parfois violents. Mais cette nouvelle est presque clémente par rapport aux précédentes. Certes, les personnages sont bruts de décoffrage et ça doit puer atrocement, dans ce fumoir. Mais j'aurais bien aimé y faire un tour.

« Blue Lick River » : Encore une histoire d'enfant qui, si on oublie le style, la poésie et l'humour latents, est atroce. Un gosse semble-t-il assez doué, mais paumé dans un coin d'Amérique isolé de tout, dans une famille encore plus paumée que ce trou. Et de la violence. Et de la crasse. Et de l'ignorance. Difficile de rester insensible.

« Tante Granny Lith » : Encore une histoire de femme qui doit être plus forte, plus endurante que n'importe où ailleurs. Pour survivre, voire vivre dans ce coin, il faut s'accrocher. Et elle l'est, forte, Beth. Qui se choisit un mari et se débrouille pour le garder, malgré l'apparition d'une vieille « sorcière ». Un texte finalement pas si noir.

« Le billard » : Everett ne supporte plus sa vie ; il ne supporte plus la ferme où il habite avec son père ; il ne supporte plus les cochons qu'ils élèvent. Heureusement pour lui, le billard existe. Et il est doué. Et il aime ça. Et il y a aussi sa soeur, Sue, qui est allée avec presque tous les hommes du coin. Et on sent bien qu'Everett regrette un peu d'être son frère. Et il ya surtout l'envie de partir de ce coin sordide, paumé, arriéré.

Chris Offutt, à travers tous ces portraits, offre une vision dure et brutale d'une partie de ce pays si vaste et si attirant. Il sait, en quelques pages, créer une ambiance, faire vivre des personnages attachants, faits de fêlures et de contradictions, parties intégrantes de la nature qu'ils côtoient, mais pressés de la quitter. Une belle lecture, forte, qui donne envie de se plonger dans les romans de l'auteur.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Chris Offutt est un sacré poète et dans son écriture résonne l'amour pour son Kentucky natal. 

Passionné par la nature et ses secrets, il sait nous faire toucher du doigt ses secrets avec une élégance folle car il habille ses bouquins d'une plume sobre et cette simplicité confère un plaisir de lecture qui pétille une fois de plus dans ce recueil de nouvelles.

L'exercice de la nouvelle n'est pas une mince affaire, nous emporter rapidos et le temps d'un arrêt, d'un zoom presque sur une tranche de vie, nous tenir en haleine et nous scotcher tout ça en l'espace de quelques dizaines de minutes de lecture c'est un exercice risqué, complété ici avec brio.
Un peu comme un épisode de strip-tease ou l'on pouvait profiter de scènes de vie de personnages originaux, on va découvrir ici les gens du cru qu'il connait bien et qu'il dépeint avec virtuosité en se gardant bien de porter tout jugement, en simple spectateur l'auteur passe avec aisance d'une personnalité à une autre et grâce à la beauté de sa plume et de la traduction, nous délivre ici des petites trouvailles façonnées avec soin et beauté du geste.

Sans trop en dire il brosse en subtilité des portraits denses et justes sur une toile de fond bouffée par les mites de l'oubli et de l'indifférence étiquetée à sa région et ses habitants. Quelques phrases judicieuses émerveillent et épicent les récits qui ne manquaient déjà pas de goût, ca goute le bacon frit et aussi le calciné car les vielles carnes sont souvent archi cuites, voila pour le petit coté noir du bouquin.

Je vais suivre de très près cet ecrivain habile et lucide
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Recueil de nouvelles prenant pour cadre l'Est du Kentucky, dans les vallées ou plutôt ici les goulets des Appalaches, Kentucky Straight tient autant du noir que de la chronique quotidienne de communautés villageoises éloignées du monde, à la manière de ce que propose Daniel Woodrell dans son Manuel du hors-la-loi.

Les points de départ des nouvelles d'Offutt sont d'une banalité confondante ; une histoire de chasse, une partie de poker, un jeune adulte désirant passer un diplôme ou un camion embourbé sont autant de points d'entrée dans ces lieux où la pauvreté le dispute à l'ignorance, où les vendettas familiales sont encore au goût du jour et où l'instruction peut-être vue aussi bien comme une intrusion de l'État fédéral que comme le signe d'un orgueil mal placé.
À partir de là, flirtant parfois avec le fantastique, Chris Offutt nous livre neuf tranches de vies qui sont autant de manières de célébrer la nature encore sauvage et de voir avec une tendresse certaine ces femmes et ces hommes tout aussi rudes que le milieu dans lequel ils vivent ou survivent parfois, durs et ensauvagés et qui, lentement, très lentement, deviennent un peu moins âpres, un peu plus conscients du monde dans lequel ils vivent, quand bien même ils entendent encore conserver leur mode de vie :

« La responsabilité de la terre s'arrêterait avec lui. La vie des hommes se passait par à-coups, accès de travail, beuveries et morts rapides, alors que les femmes s'usaient lent et régulier, comme une berge de rivière dans un méandre. Il encouragerait ses filles à partir, mais probable qu'elles resteraient et lui donneraient des petits-fils. Un jour William se retrouverait vieux en train de raconter à un gamin la fois où il a tiré d'affaire un homme des charbons qui ne le méritait pas. Il se demandait ce que le gouvernement trouverait à interdire au temps de ses petits-fils. »

Ainsi malgré la rudesse de ses histoires, Offutt réussit à donner à ses personnages l'humanité qu'ils semblent parfois refuser de voir en eux-mêmes. Sans les juger, sans les idéaliser non plus, il nous les raconte ou les laisse se raconter sans fard, sans idéaliser ni le passé ni l'avenir, sans se voiler la face sur la difficulté du présent.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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