Citations sur Instantanés d'Ambre (63)
À l’intérieur d’une encyclopédie tout est calme. Alors qu’elle renferme en vrac toutes les choses du monde, dans les marges règnent un silence surprenant.
Je n’ai jamais rencontré dans aucun musée ni muséum une personne appréciant les expositions avec autant de concentration que M. Amber. On pense souvent à tort qu’il a des problèmes de vue, mais non. En réalité, il a sa manière bien à lui d’observer le monde, différente de celle des autres. Il ne se contente pas de regarder le point qui se trouve présentement devant ses yeux : il accueille aussi la continuité des instants passés et à venir. C’est seulement à travers l’ambre au fond de lui que s’écoule le temps tel qu’il est.
L’œil gauche de celui-ci (le fils aîné) commençait à présenter une évolution qui cadrait bien avec son nom, Ambre, et aucun autre. Tout d’abord, non loin du coin de l’oeil la limite entre le noir et le blanc s’estompa, le marron de l’iris déborda en marbrures qui bientôt s’étendirent à la totalité de l’œil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s’imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d’ambre. L’existence de cet œil attestait le nom de l’ambre.
Au fur et à mesure de cette transformation son œil gauche eut peu à peu des difficultés à voir, mais Ambre n’était pas inquiet. Si l’extérieur devenait pour lui de plus en plus vague, inversement l’intérieur gagnait en densité, faisant ressortir avec davantage de vie les silhouettes qui apparaissaient au fond.
Mais quelle que soit la nature du phénomène, Ambre aimait jouer avec la petite silhouette qui apparaissait au coin de son œil gauche. Elle faisait indubitablement partie de lui, et pourtant prenait des formes surprenantes dont il ne se lassait jamais, avec une liberté insoupçonnée. Il avait l’impression qu’il lui suffirait de tendre la main pour l’effleurer, lui offrant la sensation réelle que son œil dissimulait une profondeur à jamais insaisissable.
Il se rendit compte alors que le monde dans lequel il évoluait se composait d'une suite d'instants rythmés par les battements de cils.
Le commencement de tout fut la mort de la benjamine. Elle venait tout juste d'avoir trois ans lorsqu'un jour au jardin public, un chien famélique était venu lui lécher le visage : le lendemain elle avait eu une forte poussée de fièvre, et son état de santé s'aggravant rapidement, elle était morte brutalement. Le médecin avait dit qu'il s'agissait d'une pneumonie, mais leur mère n'avait jamais voulu le reconnaître.
- C'est le chien maléfique. À cause de sa langue, ne cessait-elle de répéter malgré les dénégations du médecin.
- Regardez la rougeur de ses joues. Exactement où le chien l'a léchée, ajouta-t-elle en désignant le visage cramoisi de sa petite fille brûlant de fièvre.
Comme si ce coup de langue était à l'origine de la maladie de sa fille.
Il n'a qu'un filet de voix. Qu'il soit surpris, en colère ou qu'il éclate de rire, il ne produit qu'un semblant de murmure. Quand il a affaire à une personne éloignée, il attend patiemment qu'elle s'approche.
(En parlant de ses yeux)
Quand il les ouvrait à la lumière, s'éclairaient alors des choses jusqu'alors oubliées, en voie de désagrégation. Ambre découvreur de fossiles se tenait face à une terre sauvage.
L’œil gauche […] commençait à présenter une évolution qui cadrait bien avec son nom, Ambre, et aucun autre. Tout d’abord, non loin du coin de l’œil la limite entre le noir et le blanc s’estompa, le marron de l’iris déborda en marbrures qui bientôt s’étendirent à la totalité de l’œil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s’imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d’ambre. L’existence de cet œil attestait le nom de l’ambre.
Au fur et à mesure de cette transformation son œil gauche eut peu à peu des difficultés à voir, mais Ambre n’était pas inquiet. Si l’extérieur devenait pour lui de plus en plus vague, inversement l’intérieur gagnait en densité, faisant ressortir avec davantage de vie les silhouettes qui apparaissaient au fond. Pour Ambre, ce qui était caché à l’intérieur des strates était bien plus précieux que tout ce que petit à petit il ne distinguait plus. Pour voir le monde extérieur, son œil droit était amplement suffisant.
A la fin, ils placèrent l'agate sur l'oreille gauche, l'ambre sur l’œil gauche, et l'opale sur la bouche. Ils ne s'étaient pas vraiment concertés, cela s'était fait tout seul. L'oreille abritant le professeur des mots qui donnaient naissance aux chansons, l’œil offrant un asile à la benjamine enfouie au cœur des strates et la bouche qui racontait des histoires venues de l'extérieur.