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sur 192 notes
J'aime retrouver régulièrement Yoko Ogawa. Cette auteure japonaise propose à ses lecteurs des instants de pure grâce, de délicatesse, et de magie.
De son écriture élégante et légère, elle dessine une petite porte dérobée qui s'ouvre rien que pour nous, sur un monde étonnant, entre réalité et imaginaire, empli de douceur et de silence dans lequel s'invite le mystère, les non-dits.

*
Ce roman était dans ma bibliothèque depuis un petit moment déjà, suite à magnifique critique de Sachka que je remercie. Je l'ai choisi parmi tant d'autres, attirée par sa couverture, sûrement parce que j'étais encore profondément imprégnée des majestueuses forêts canadiennes de mon précédent roman.

Dans ce roman-ci, il ne s'agit ni de forêt, ni d'écologie. Ce n'est qu'un simple jardin muré dans lequel une mère va décider de cloitrer ses trois enfants, suite au décès de la petite dernière.

Elle va leur demander d'être silencieux, de tout oublier jusqu'à leur prénom, et surtout de ne jamais sortir de l'enceinte du jardin, afin que rien ne puisse leur arriver.
Intuitivement, les enfants comprennent que leur mère est fragile, perturbée et qu'il faut la préserver. Par amour, ils vont suivre ses consignes à la règle et vivre repliés sur eux-mêmes dans la crainte du monde extérieur, déposant « au fond de leur coeur » tous leurs souvenirs d'avant.

« Un voyage sans retour pour survivre dans un monde où la benjamine n'était plus. »

L'auteure nous livre ici une solide réflexion sur la maltraitance, la résilience chez l'enfant, l'amour filial et l'amour maternel.

*
Seuls toute la journée, ils vont se réfugier dans le cabinet de lecture de leur père et trouver la sécurité au milieu des livres et des encyclopédies. Les livres ont la précieuse faculté de contenir le monde et c'est même dans l'un d'entre eux, l'encyclopédie des sciences, que chacun va se choisir un nouveau prénom, un nom de pierre : Opale, Ambre et Agate.

Derrière les hauts murs de brique, les trois enfants imaginent de nouveaux jeux avec trois fois rien, apprennent grâce aux livres. Leur imagination, fertile, belle, s'épanouit, inventant le monde du dehors.

« Quand Opale dansait, le jardin se transformait à leurs yeux en un univers plus vaste que celui qu'ils connaissaient. Pour eux, ce jardin était toujours aussi immense, mais la danse de leur aînée lui donnait davantage de profondeur. »

*
Si Yoko Ogawa n'a pas son pareil pour nous entraîner dans un huis-clos dérangeant, elle a aussi tout le talent pour introduire une touche de surnaturel.
C'est avec Ambre que le récit bascule dans la magie et le fantastique car ce petit garçon est atteint d'une étrange maladie : son oeil gauche se teinte progressivement d'ambre.

« Tout d'abord, non loin du coin de l'oeil la limite entre le noir et le blanc s'estompa, le marron de l'iris déborda en marbrures qui bientôt s'étendirent à la totalité de l'oeil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s'imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d'ambre. »

Et l'enfant va découvrir la silhouette de sa petite soeur défunte jouant dans les filaments protéiformes pareils à des araignées d'eau qui se déplacent le long de sa rétine.
Il s'invente un monde imaginaire dans lequel la benjamine prend vie dans des folioscopes.

« Venant de découvrir un moyen de reproduire sur les pages de l'encyclopédie ce qui apparaissait dans son oeil gauche, Ambre choisit pour redonner vie à la benjamine l'Encyclopédie illustrée des sciences pour enfants. Il pensait que sa petite soeur devait tout naturellement se joindre à ce volume où Opale, Agate et lui-même avaient choisi leur nom. »

*
Le temps défile sans que le lecteur n'arrive vraiment à cerner le nombre d'années qui passe.
Mais leur monde se craquelle insensiblement à mesure qu'ils grandissent.
*
J'ai aimé ce monde créé par Yoko Ogawa. Son écriture épurée et poétique est propice à nous envelopper dans une atmosphère rêveuse et calme, à transformer progressivement notre regard, à le rendre contemplatif et introspectif. Rien n'est dit de manière frontale. Tout se devine lentement, par petites touches, comme un peintre impressionniste qui apposerait des impressions, des émotions.

Si cette ambiance est onirique et féérique, elle est également tragique et bouleversante. Yoko Ogawa se concentre essentiellement sur les trois enfants, mais en filigrane, le lecteur saisit le drame que vit cette jeune mère qui a perdu son mari, puis son plus jeune enfant.

« le commencement de tout fut la mort de la benjamine. Elle venait tout juste d'avoir trois ans lorsqu'un jour au jardin public, un chien famélique était venu lui lécher le visage : le lendemain elle avait eu une forte poussée de fièvre, et son état de santé s'aggravant rapidement, elle était morte brutalement. le médecin avait dit qu'il s'agissait d'une pneumonie, mais leur mère n'avait jamais voulu le reconnaître.
— C'est le chien maléfique. À cause de sa langue, ne cessait-elle de répéter malgré les dénégations du médecin. »

On retrouve les composantes de l'univers de l'auteure : le sentiment d'enfermement, la nostalgie d'un temps révolu, la mémoire, les souvenirs, l'obsession.
Pour ma part, j'ai eu un sentiment de malaise, partagée entre l'amour de cette mère qui veut préserver ses enfants de la mort en les soustrayant au monde extérieur et la magie du monde de l'enfance. Mais à vouloir trop les protéger et les préserver, ne risque-t-on pas au contraire de les fragiliser et de les rendre inaptes à la vie en société ?

*
Pour conclure, cette atmosphère presque irréelle, entre huis-clos et monde merveilleux, à la fois fascinante et dérangeante, ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais ce roman d'apparence simple fait parti de ces lectures qui laissent une impression profonde après l'avoir refermé, suscitant un sentiment troublant et subtil de solitude, de malaise et de paix.
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Je referme le roman de Yôko Ogawa, doucement, avec précaution, du bout des doigts, comme l'aurait fait Monsieur Amber avec les pages de ses encyclopédies. Quel beau voyage j'ai fait...
Dans ce roman mélancolique et très poétique la narratrice est une femme âgée, nous ne savons rien d'elle si ce n'est qu'elle a été pianiste autrefois et qu'elle recueille les confidences d'un Monsieur Amber âgé et quasi aveugle avec lequel elle semble avoir tissé un lien profond et que tous 2 demeurent dans ce qui semble être un établissement pour personnes âgées.
Au fur et à mesure de leurs apartés elle nous raconte une bien étrange histoire. L'histoire d'une mère qui n'a pas réussi à surmonter la perte de son premier enfant et qui entraîne les 3 autres enfants de la fratrie dans sa propre folie en les séquestrant dans une vieille maison ayant appartenu au père de famille. L'histoire d'une mère qui dépossède ses enfants de leur identité, qui leur impose des interdictions, qui exerce sur eux une emprise psychologique, qui leur fait porter le poids d'un deuil trop lourd finalement.
L'écriture de Yôko Ogawa est envoûtante, je me suis laissée glisser avec plaisir dans son récit où l'imaginaire et l'aspect visuel tiennent une place importante. Elle nous raconte un long moment, six années de la vie de ces 3 enfants, : Ambre, Opale, et Agate, qui, pour supporter l'enfermement et se protéger des névroses de leur mère, vont se refugier dans l'imaginaire de "l'oeil d'Ambre", cet oeil qui change progressivement de couleur et perçoit un monde qui lui est propre au travers des silhouettes qu'il dessine en marge des pages des encyclopédies du cabinet de lecture.
Ce roman est une ode à l'enfance perdue et à l'innocence, il a su me rendre nostalgique de ma propre enfance, j'ai parfois même arrêté ma lecture pour me remémorer les moments de complicité que j'ai pu avoir avec ma soeur jumelle quand nous etions enfants, nos jeux, les nuits passées à chuchoter, à se raconter des histoires dans le noir, à s'endormir blotties l'une contre l'autre pour se rassurer... Un magnifique roman !


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Parce qu'elle vient de perdre une petite fille, une mère emmène ses enfants dans une station thermale et les enferme dans la villa abandonnée de leur père. Elle attribue la mort de sa benjamine à un chien maléfique qui lui a léché le visage lors d'une sortie au parc. Pour protéger les trois enfants qui lui restent, elle a choisi cette maison isolée, au jardin ceint d'un mur de briques. Une nouvelle vie commence pour la fratrie, régie par une multitude d'interdits, ils doivent, par exemple, oublier leurs anciens noms et s'en choisir un nouveau dans une des encyclopédies éditées par leur père. L'aînée sera donc Opale, le cadet Ambre et le benjamin Agate. Tandis que la mère passe de nombreuses heures à l'extérieur pour son travail aux thermes, les enfants évoluent dans leur nouveau cadre. Opale danse et raconte des histoires, Agate chante et joue de l'harmonium et Ambre dessine, dans la marge des encyclopédies, la benjamine décédée qui apparaît au coin de son oeil gauche. Ainsi les quatre frères et soeurs sont à nouveau réunis.

Inspirée, de son propre aveu, par le Journal d'Anne Franck et Alice au pays des merveilles, Yôko Ogawa nous livre un conte onirique, fantastique et étrange comme elle en a le secret. Des enfants quasiment livrés à eux-mêmes, confinés derrière les murs de leur jardin, se créent un monde, faisant fi de la réalité, de la vérité, de l'extérieur. Engoncés dans des vêtements trop petits, affublés d'une crinière, d'une queue ou encore d'ailes cousues par leur mère, contraints d'oublier leur passé et d'obéir à toutes sortes de règles et d'interdits, ils inventent des jeux, lisent les encyclopédies laissées par leur père absent, perdent leurs voix à force de murmurer. Grâce au jardin, ils ne ressentent pas l'oppression de l'enfermement mais tremblent en pensant au chien maléfique qui les attend dehors s'ils enfreignaient les règles. La mère apparaît comme une névrosée qui, à force d'aimer ses enfants et de vouloir les protéger, les maltraite en les empêchant de s'épanouir dans le monde. Mais la fratrie est forte, solidaire et douée d'une imagination fertile. Opale, Ambre et Agate ne mettent jamais la parole de leur mère en doute, trouve des explications rationnelles à sa déraison, se soutiennent les uns et les autres et grandissent, heureux et libres malgré l'enfermement. Bien sûr, pour le lecteur, ce monde imaginaire inspire le malaise et bien sûr un grain de sable va venir se glisser dans les rouages de leurs folie douce. Un homme va franchir la porte du jardin et entrer dans la maison. Joe, un marchand ambulant. Par lui arrive le désir du monde, si vaste, si plein de possibles. Cette ouverture sur l'extérieur ne sera pas sans conséquences...
L'enfance, le silence, les collections, les anomalies de la nature, autant de thèmes chers à Yôko Ogawa qui encore une fois crée un monde à part, une réalité parallèle où le rêve et le surnaturel ont la part belle. L'auteure décrit ici l'enfance de son héros, Ambre le seul dont on suit la trajectoire jusqu'à la vieillesse, comme une parenthèse enchantée dont il ne parviendra jamais à se défaire. L'ambiance du roman est délétère, partagée entre la féerie des jeux d'enfants, l'imagination débridée qu'ils développent pour échapper à leur enfermement et le mal qui rôde, incarné par un chien maléfique mais visible aussi dans la nature complexe de cette mère de famille liberticide, névrosée, trop aimante, donc mal aimante.
Si l'ensemble traîne un peu en longueur et n'évite pas les répétitions, il est tout de même jouissif de se plonger dans l'univers étrange de cette auteure inclassable qui sait surprendre, faire rêver, inquiéter, déranger.
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L'histoire d'une fratrie japonaise séquestrée par leur mère.

Ambre c'est le nom d'un vieillard qui raconte sa vie de jeune garçon enfermé entre les murs d'un jardin pendant plusieurs années. Probablement déjà perturbée, leur mère avait perdu pied à la mort de sa benjamine de trois ans. Selon elle, c'était un chien maléfique qui avait empoisonné la petite. Elle avait donc déménagé et installé ses trois enfants dans une maison à la campagne avec la stricte interdiction de sortir de l'enceinte. Les enfants avaient dû changer de nom et avaient même appris à ne parler qu'à voix basse pour éviter d'être repérés par les créatures dangereuses.

S'il est difficile à croire que les aînés de 7 et 10 ans n'aient jamais essayé de fuir pour retrouver leur monde d'avant et leurs amis, on comprend peu à peu la force de l'emprise de la terreur et de la folie qui régnaient sur la fratrie. Un des enfants a développé un talent particulier : affecté d'un problème de vision, Ambre s'est mis à dessiner des folioscopes (flip books) dans les marges des encyclopédies, les seuls livres qui servent à leur éducation. Les oeuvres instantanées d'Ambre redonnent vie à sa petite soeur disparue et apportent un réconfort à sa mère. Jusqu'au jour où…

Une écriture subtile qui restitue avec justesse les émotions enfantines.
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L'histoire commence dans une résidence de personnes âgées, la narratrice qui a des doigts déformés, a été autrefois accompagnatrice au piano, elle se lie d'amitié avec M. Amber dont l'oeil gauche couleur ambre ne semble plus voir.

Ce roman est donc l'histoire de ce vieil homme qui n'a qu'un filet de voix, il ne produit qu'un semblant de murmure. Parler fort était une des interdictions de sa maman. L'autre interdiction était de ne jamais sortir à l'extérieur du mur de briques. Pendant près de sept ans, Ambre, sa soeur aînée Opale et son petit frère Agathe ont vécu enfermés dans la villa, sans téléphone, ni télévision, ni journaux, sans fréquenter l'école, avec pour seuls amis les insectes et les petits animaux du jardin. Seule l'aînée Opale garde des souvenirs du monde extérieur qu'elle a connu. Leur mère travaille comme assistante pour les curistes. Ils ne connaissent rien du monde en dehors de ce qu'ils lisent dans les encyclopédies.

C'est dans l'encyclopédie illustrée des sciences pour les enfants qu'ils ont choisi leur nouveau prénom, maman veut qu'ils oublient leur nom d'avant. Tout cela à cause d'un chien maléfique qui a emporté leur petite soeur. Ils ne s'éloignent jamais l'un de l'autre, on peut dire qu'à eux trois ils ne font qu'un. A eux trois ils partagent des secrets, ils s'inventent des jeux, les olympiades, le jeu des circonstances, celui des situations.

J'ai trouvé ce roman difficile à lire, le récit est rempli de métaphore, nous sommes plongés dans un monde de l'imaginaire auquel il ne m'a pas été toujours facile d'accéder. Une atmosphère particulière entre conte de fées et huis clos angoissant.

L'auteur avec son écriture poétique nous décrit le monde que les enfants se sont inventé et M.Amber Ambre, n'a vraiment existé que pendant les années où il est resté enfermé avec sa soeur et son frère dans cette villa entourée d'un mur de brique. Leur univers se résume à un âne, un chaton, un professeur qui vit dans l'oreille de la soeur, et surtout Joe le marchand ambulant, qui tel un prestidigitateur fait apparaître toutes sortes d'objets de ses sacoches et leur apporte la totalité du monde. Ambre qui dessine dans la marge des encyclopédies des instantanés, des silhouettes fragiles comme sa voix, des dessins minuscules, microscopiques où vient habiter sa petite soeur décédée.

Un roman très original, à lire doucement pour en comprendre toute la magie et ne pas sombrer dans l'ennui. L'univers de Yôko Ogawa est toujours étrange, baroque, beaucoup de choses sont suggérées, il faut accepter ces règles pour profiter pleinement de ce livre.



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Plus encore que dans ses autres romans,Yoko Ogawa transgresse les lois du réel pour inscrire le lecteur dans un monde parallèle gràce à sa poésie,ses métaphores,ses créations oniriques.Cette distorsion de la réalité peut faire penser à certains moments à H.Murakami, mais ce qui l'en distingue fondamentalement c'est que ses personnages sont sacrifiés à la folie maternelle et n'ont pas d'autre choix pour survivre que de s'inventer un monde imaginaire, alors que ceux d'H.Murakami sont pleinement conscients et acteurs de leur quête.
Ici, trois enfants,après le decés de leur"benjamine",vont devoir vivre dans le microcosme imposé par leur mère ,qui les contraint et les contient.Ils doivent s'effacer et devenir des êtres aussi improbables que leurs rêves.Tout d'abord en abandonnant à tout jamais leur nom,puis en maîtrisant le filet de leur voix jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un murmure audible d'eux seuls. Cet enfermement est justifié par leur mère par la terreur qu'elle fait régner en ce qui concerne l'exterieur au mur qui cloisonne la maison et le jardin qui constitue leur univers.Ce danger est symbolisé par " le chien maléfique" sensé être coupable de la mort de leur petite soeur.Pour faire partie de l'humanité,instinctivement ces enfants vont se réapproprier des extraits des encyclopédies paternelles et appréhender le monde de cette façon.Mais ces encyclopedies vont aussi devenir le lieu d'expression de la benjamine ,à travers les dessins qu'Ambre,un des enfants,va inscrire dans les marges. "Instantanés" qu'il perçoit dans son oeil gauche,manifestations de la petite soeur qui y vit...Cadeau suprême pour leur mère mais élan vital pour lui et sa fratrie:"Nous ne pouvons vivre ailleurs que dans ces encyclopedies", "...le lit du cours du temps dont chaque strate révèle un souvenir enfoui."
Ainsi,extraordinairement,leur imaginaire est d'autant plus en expansion que leur univers se restreint à la folie maternelle. Cette dernière, à l'opposé de celle décrite par O.Bourdeaut dans" En attendant Bojangle,"qui entraîne son mari et son fils dans un tourbillon de joie et d'amour fracassants, vient rétrécir l'existence de ses enfants en une peau de chagrin dépourvue d'attention et d'amour.
C'est un roman déroutant,au rytme lent et redondant qui m'a nécessité un effort de lecture pour m'extraire du jugement moral et accepter de m'immerger moi aussi dans ce temps dépourvu d'avenir.La beauté de la plume de Yogo Ogawa est indéniablement ce qui m'a porté jusqu'à la dernière page.
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Je ressors de ma lecture un peu indifférente. J'ai apprécié ce roman, je l'ai lu sans heurt grâce à l'écriture agréable et fluide de l'autrice. Pourtant, en le reposant, je sais déjà que c'est un livre que je vais rapidement oublier. A l'image de la vie de cette fratrie, c'est une lecture un peu monotone, sans réel évènement, où les jours s'égrènent les uns après les autres sans vraiment les différencier. On ne s'ennuie pas, mais la répétition des jours sans fin nuit à l'intérêt.
Côté personnages, j'ai eu du mal à m'attacher à cette fratrie. Je trouve la mère inconsistante et peu aimante envers ses enfants. Quant aux enfants, je les ai trouvé trop effacés et sans personnalité. Alors je sais, c'est un peu le but du roman de montrer cette soumission à la volonté de la mère et aux règles de leur enfermement, mais j'ai vraiment eu du mal à m'identifier à eux.
Au final, je ne pense pas garder grand chose de ce roman.
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Coup de coeur

Monsieur Amber est un homme âgé qui vit dans une maison de retraite. C'est un artiste et ses oeuvres ont toujours quelque chose de triste et de mélancolique, en réalité il a juste sa façon à lui d'observer le monde qui se trouve devant ses yeux.

"On pense bien souvent à tort qu'il a des problèmes de vue, mais non. En réalité, il a sa manière bien à lui d'observer le monde, différente de celle des autres. Il ne se contente pas de regarder le point qui se trouve présentement devant ses yeux : il accueille aussi la continuité des instants passés et à venir. C'est seulement à travers l'ambre au fond de lui que s'écoule le temps tel qu'il est."

Instantanés d'ambre, c'est l'enfance recluse d'une fratrie dans une villa reçue par la mère de ces derniers, par leur père en dédommagement de leur rupture. Une mère qui invente des mythes dans le but d'inciter ses enfants à ne pas déroger à la règle qui est de rester à l'intérieur du mur de briques. Une mère qui coud les vêtements de ses enfants et ajoutent des accessoires à ces derniers tels que des queues, des ailes, des oreilles pour qu'ils soient en harmonie avec leur vaste chambre. 

Une mère à plaindre, une mère menteuse, une mère aimante et une mère malade. 

Les enfants qui inventent de multiples jeux : les jeux olympiques, le jeu des situations où ils sont inspirés, instinctifs, libres et attendrissants : Ambre invente alors, la fédération des enfants nés par le siège : les enfants nés ainsi ont la capacité instinctive d'examiner l'opposé des choses, une facette qui échappe aux êtres nés par la tête.

Ce roman évoque le secret, la séparation du monde, la construction psychologique des êtres même dans un petit endroit à l'écart de la société, le deuil, la perte, l'absence, les illusions, ce qui brille encore malgré le départ, les traces. Il y a certains aspects que je qualifie de féerique dans ce livre, mêlés à un malaise grandissant au fil du temps et en fonction de l'âge des enfants qui grandissent, mûrissent dans la villa, autant que leurs vêtements raptississent et leur intérieur s'use, devenant très morne, les murs qui s'effritent, les affiches qui tombent. Ces passages m'effraient autant qu'ils me fascinent.

Cette cachette devenue leur lieu d'apprentissage, leur lieu d'aventure, dénué de toute nostalgie pour ceux d'entre eux qui avaient connu le monde extérieur.

Des encyclopédies abritent la benjamine.

Instantanés d'ambre ou l'enfance égale à nulle autre pareille d'opale, Agate et Ambre ( fossile qui garde en mémoire le passé)… et à l'absente.

Un roman somptueux, comme toujours avec Yôko Ogawa qui sait avec habilité dérouter les lecteurs tout en leur faisant voir des images auxquelles ils n'auraient jamais imaginé et qui avec celui-ci soustrait une fratrie à la vue du monde.

Yôko Ogawa, sur les mères :

"Une tristesse est attachée au destin maternel : les mères ont pour devoir de donner un amour sans fond, or elles se trompent parfois dans la façon de le donner et pourtant, elles s'obstinent, comme la mère d'Instantanés d'Ambre."

Les oppositions : Monde restreint et vaste univers à l'intérieur de soi. Fusion avec ses proches et inexistence de tout le reste… 

Peut-on rassembler tout cela ?

Cela est-il nécessaire ? 

EXTRAIT :

"Ils sont une fratrie de trois comme nous. Et ils brillent comme des joyaux, alors on se sent de plus en plus familiers avec eux. Ils sont toujours ensemble tous les trois et ne s'éloignent jamais l'un de l'autre. On pourrait dire qu'à eux trois ils ne font qu'un.

On les rencontre aisément un peu partout. En général ils vont par paires, et il y a même des endroits où ils se regroupent. Mais ils ne peuvent pas s'entraider. Chaque membre de la fratrie endure la tristesse expérimentée par l'ensemble. Chacun brille dans sa direction, et même si les groupes peuvent se faire face, leurs rayonnements ne se croisent jamais."

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J'éprouve toujours une certaine appréhension quand j'ouvre le roman d'un auteur que j'adore. D'une part, il y a une impatience, une excitation même, à retrouver un univers, des personnages, une plume, un(e) ami(e). Et d'autre part, il y a ce risque – minime mais réel - que la mayonnaise ne prenne pas, que la magie n'opère pas … Mais bon quand on aime il faut partir. Ah non, pardon rien à voir. Quand on aime il faut se lancer. Alors un deux trois, on y va …

L'univers d'Ogawa, oui, je l'ai bien retrouvé. Avec ses termes de prédilection: l'identité, la mémoire, le (presque) silence, la musique (peut-on vraiment parler de musique quand du vieil harmonium ne s'échappent plus que des souffles), les bricolages en papier, les histoires inventées par les personnages, l'absence d'un être cher, la réclusion loin (peut-être devrais-je écrire à l'abri, quoique …) de la société.

Des personnages fragiles, délicats et si légers qu'ils en deviennent évanescents. Et cette atmosphère étrange qui se propage peu à peu et teinte les situations de merveilleux, presque de féerie. Oui c'est bien tout l'univers de mon amie Yoko.

Par contre la plume d'Ogawa, je ne l'ai pas retrouvée du tout … le texte est très explicatif, trop pour moi, et très descriptif. Les phrases sont lourdes et explicites. Je n'avais jamais remarqué cette lourdeur auparavant. J'ai même été vérifiée si les autres livres étaient traduits par la même personne. Ben oui. Maintenant difficile de savoir où le bât blesse : dans la traduction ou dans le texte original.

Néanmoins on referme le livre avec quelques questions tout de même : pourquoi le nom du héros change-t-il d'Ambre, à l'enfance, à Monsieur Amber, à l'âge adulte ? Pourquoi ne pas l'avoir appelé « Monsieur Ambre » tout simplement ? Question de traduction ? Ou volonté de l'auteure ?

Et la mère, ce personnage étrange, cette grande absente qui pourtant occupe tout le roman, en transparence. N'est-elle pas dérangée psychologiquement ? Sous son apparence lisse ne se cache-t-il pas un monstre ? N'a-t-elle pas tué la benjamine ? La mère qui s'en va travailler avec une pioche sur le dos, en cas de mauvaise rencontre. La mère qui a tué un chien à coups de pieds dans les flancs pour avoir léché sa fille benjamine. La mère qui emmène ses enfants dans un endroit retiré comme si elle fuyait la police - ou sa mauvaise conscience - et les tient éloignés de tout contact avec le monde extérieur.

La mère qui interdit aux enfants de parler fort ou émettre des bruits intempestifs, au point que les enfants auront les cordes vocales atrophiées et deviendront incapables d'émettre un rire … La mère qui ordonne aux enfants d'oublier leur prénom d'origine, de ne plus l'utiliser. Quoi de plus terrible de demander à quelqu'un d'abandonner son prénom, c'est-à-dire une part de son histoire et une partie essentielle de son identité ?
Et derrière cette fausse apparence de douceur, d'enfance feutrée se dessine peu à peu, insidieusement, un tableau glaçant.

Ces questionnements en filigrane sont, je l'avoue, certainement des bouts de bois auxquels je m'accroche, car je vois là-bas au loin s'éloigner mon amour pour Ogawa. Amour que je voudrais poursuivre, le temps d'un roman ou deux encore, en souvenir du bon vieux temps. Mais voilà l'histoire s'achève possiblement ici.

Et je reste avec Ambre qui jette des gratterons par-dessus la muraille, avec l'espoir qu'ils s'envolent loin, loin, loin de la maison, de la forêt, qu'ils aillent jusqu'au bout du monde pour commencer une nouvelle vie ….
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Après la mort de sa benjamine, qu'elle attribue à un chien maléfique, une mère se réfugie avec ses trois enfants dans la villa et son immense jardin ceint d'un grand mur que le père disparu lui a laissé. Afin de les protéger et les substituer à tout danger extérieur, elle les laisse vivre en autarcie, elle seule sortant pour travailler aux Thermes voisins, mais surtout elle leur attribue de nouveaux prénoms, l'aînée sera Opale, le plus jeune Agate et le cadet sera Ambre, le seul nom à ne pas être un minéral mais un fossile - une résine qui contient les strates du passé et qui conserve et restitue l'histoire et les évènements que traverse la fratrie.
Isolés dans ce jardin comme dans une bulle, coupés du monde, les enfants développent leur propre imaginaire : ce sera la danse pour Opale, les récits pour Agate et Ambre lui, rentre en contact avec la benjamine décédée, en la dessinant et la faisant revivre dans la marge des pages des encyclopédies, qu'il fait défiler, créant ainsi des Instantanés vivants. La fratrie autonome, assure sa propre survie, protégeant et ménageant leur mère contre ses peurs, ses mensonges et sa névrose.

J'ai un avis mitigé après la lecture de ce roman, ce conte fantastique évoquant la résilience d'une fratrie face à ce qui peut être vu comme de la maltraitance d'enfant.
Enfermée physiquement et isolée du monde extérieur - comme Esclarmonde dans du domaine des murmures - la fratrie n'en est pas pour autant soustraite, son isolement n'est pas perçu comme une contrainte mais comme un contour à dépasser pour atteindre une liberté de penser infinie, chacun des enfants étant doté d'une imagination et d'une capacité d'apprentissage du monde grâce aux encyclopédies présentes dans la maison. Certes, la poésie de Yôko Ogawa se révèle dans les mille aventures oniriques que connaissent les enfants, développant leurs qualités sensorielles et leur imaginaire, mais je me suis perdue dans ces aventures quelquefois trop fantastiques. La narration descriptive, clinique et distanciée, malgré la poésie du récit, m'a quelque fois ennuyée, et le sujet glisse quelquefois de la poésie la plus belle à un malaise diffus.
Avec Instantanés d'Ambre, Yôko Ogawa développe et tisse les liens indéfectibles qui unit une fratrie qui réussit à se construire dans un univers clos et isolé, avec une mère qui exprime mal ses peurs et ses névroses, et Yôko Ogawa ne juge jamais ses personnages elle ne fait que les observer...
J'ai trouvé ce conte à la poésie un peu trop fantastique à mon goût, mais l'envoûtement et l'onirisme du monde créé par Yôko Ogawa sont impressionnants et séduiront beaucoup de lecteurs.
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