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Critique de fbalestas


A partir d'un incipit un peu artificiel, mais qu'on oublie vite (des hommes et des femmes auraient été pris en otage quelque part, et auraient eu le moyen d'enregistrer un souvenir particulier de leurs vies sur une bande magnétique retrouvée après l'assaut final les ayant tous laissé pour mort) Yogo Ogawa nous livre l'excellent récit de huit tranches de vies différentes.
C'est surtout ces tout petits moments en apparence insignifiants mais qui se révèlent cruciaux pour ceux qui les ont vécus.

A l'image de cette décoratrice d'intérieur, qui, étant encore une enfant, a découvert un adulte en fâcheuse posture sur une balançoire, et qui décide de l'aider à s'extraire de sa position alors qu'il est blessé en lui fabriquant une canne et en le soutenant comme elle le peut – une sorte de « monde à l'envers » où l'enfant est le support de l'adulte. Incongru ? Oui peut-être, mais plein de poésie certainement.

A l'image aussi de cette autre jeune femme, alors employée sur une ligne automatisée fabriquant des biscuits, où elle est chargée de distinguer les biscuits défectueux. Ce qui va la lier à sa logeuse, une femme revêche et malveillante avec ses locataires, mais qui va se laisser attendrir par les séances pendant lesquelles les deux femmes alignent des morceaux de biscuits défectueux pour composer des idéogrammes.

Ou encore à l'image de ce jeune homme – peut-être mon histoire préférée – on apprendra à la fin qu'il est devenu écrivain – qui, tout jeune, entre par hasard dans une salle dite « de propos informels » où l'on pratique toute sorte d'activités indescriptibles, telle que la « réunion ordinaire du club du point de devant » - une sorte d'entretien en tête à tête avec soi-même ou cette réunion de parents qui avaient perdu un enfant accidentellement, auquel le jeune homme se joint, même s'il n'a pas jamais connu ce type d'expérience. Mais peu importe, il participera parce que « à ce moment-là j'étais avec ceux qui pleuraient. En mon coeur ressuscitaient avec clarté le jeune homme accidenté en montagne et le bébé étouffé. Je serrais les mains des personnages à côté de moi avec un sentiment de nostalgie comme si je me souvenais enfin de gens qui m'étaient chers oubliés depuis longtemps. Il n'y avait pas de mensonge à cette réalité. » Et cette confession du jeune homme devenu ensuite écrivain pourrait bien être celle de l'auteure qui l'a imaginée …

Yogo Ogawa, dont j'avais tellement admiré « l'annulaire », ou « Hôtel iris » ou « le petit joueur d'échec » que j'avais chroniqué en son temps, qui est une bonne introduction à son oeuvre gigantesque, s'est patinée avec le temps. Elle a perdu un peu de son côté aride, privilégiant alors l'étrange et le fantastique pour ici gagner en humanité et en sensibilité.

A l'heure où l'on ne peut pas découvrir le Japon malgré les Jeux Olympiques qui viennent de s'y dérouler, voilà une occasion rêvée de se confiner sous sa couette ou dans son canapé et de visiter le Japon en parcourant ses huit moments de bascule de vies ordinaires, sous une plume pleine de finesse et de poésie.
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