Il y a à Paris, des maisons tristes et des maisons gaies, sur la façade desquelles se lit la mélancolie ou la joie, qui paraissent faites pour abriter le plaisir ou la douleur, et dont les pierres ont une physionomie comme des êtres vivants. Ces maisons attirantes ou repoussantes donnent envie de les habiter ou de les fuir. Il semble, pour les unes, que toutes les faveurs de la destinée doivent combler ceux qui y séjournent ; pour les autres, que tous les maux de l’humanité doivent fondre sur ceux qui s’y arrêtent. Le passant, impressionné, hâte sa marche, quand il arrive dans l’ombre inquiétante de ces asiles du malheur, et détournant les yeux, pense à part lui : pour rien au monde je ne logerais dans ce tombeau. Au contraire, quand il se trouve devant un de ces coquets et riants séjours, il s’attarde à regarder autour de lui, comme pour s’imprégner de l’influence favorable, et s’éloigne, à regret, en se disant : ici doit habiter le bonheur.
Les juges se disent : Quel monstre ! Les jurés pensent : Quel scélérat endurci ! Les journalistes font de l’esprit, dans leurs comptes rendus, le public entier marche à la suite. Et voilà un homme dont le sort est décidé sans recours possible. La société, par ses juges, l’a estampillé : assassin, il faut qu’il soit et demeure assassin. N’essayez pas de discuter, la loi est là, et derrière la loi, les juges qui ne se trompent pas, car on nous l’a dit tout à l’heure : il n’y a pas d’erreur judiciaire, ce sont des blagues inventées par les romanciers. Et si, de temps en temps, on réhabilite un condamné, dont l’innocence a fini, le plus souvent quand il est mort, par être démontrée, c’est qu’une faction puissante a su arracher à la justice infaillible l’aveu de son erreur.
C’était un outrancier. Et, dans la joie, comme dans la tristesse, il allait à l’extrême… Je l’ai vu repentant, après quelque grosse sottise, pleurer dans les bras de sa mère, comme un enfant, ce qui ne l’empêchait pas de recommencer, le lendemain. Le malheur, en cela, était que la fortune des siens ne lui permettait pas les prodigalités, auxquelles il se livrait, et que bientôt, l’héritage de son père étant dévoré, mon malheureux ami se trouva à la charge de sa mère et de sa sœur.
Tant qu’il n’avait fait qu’entamer son capital je le jugeais imprudent, car je le considérais comme incapable de se suffire à lui-même, mais je ne le blâmais pas. Chacun a le droit de faire de son argent ce qui lui plaît. L’un thésaurise, l’autre gaspille. Affaire de goût. Mais imposer des sacrifices aux siens, être à la charge de deux pauvres femmes, et cela pour aller faire la noce avec des demoiselles de moyenne vertu ? Voilà où je deviens sévère.
N’aimez-vous les femmes que quand elles sont d’une certaine couleur ? Avec les eaux de teinture, peut-on aujourd’hui savoir si une chevelure est naturelle ? Voulez-vous mon opinion ? Eh bien ! je crois que Jenny Hawkins est naturellement brune, mais qu’elle a dû autrefois se teindre en blonde…
Pierre Gripari
- Pierre GRIPARI, écrivain : son refus de la compromission ; l'éthique est plus important que l'
esthétique. L'écriture commencée à l'âge de 7 ans. Les auteurs qui l'ont influencé. Ce qui intéresse les enfants en
littérature. Les exigences de son public enfantin et de ses lecteurs adultes ; la rigueur. Ses livres consacrés aux enfants. Critique des personnages de
Georges OHNET. Son...