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EAN : 978B08WPQCXQV
88 pages
Points (08/04/2021)
3.5/5   25 notes
Résumé :
la nuit je regarde ton cou

et je veux le serrer

comme tu voulais m'étrangler

par terre dans la cuisine

Tel un journal de la condition féminine contemporaine, les textes de Sofi Oksanen donnent à voir les violences conjugales dans tout ce qu'elles ont de plus cru, pour mieux les dénoncer. Adoptant un ton volontairement féroce et teinté d'humour noir, l'auteure fait la lumière sur les injustices quotidiennes ... >Voir plus
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Ce recueil était à l'origine le projet commun de deux artistes: Sofi Oksanen et Maija Kaunismaa pour un spectacle musical joué en 2011 au Théâtre National de Finlande afin de soutenir la lutte contre les violences intrafamiliales.


"Ma jolie femme, mignonnette
ma douce aux lèvres d'hydromel
langue à nectar, esprit gracieux
ah-ah-ah-ih-aïah


elle gobait mes mots charmeurs
les faisait fondre dans sa bouche
de moi devenait dépendant
ah-i-aïaï-ah


Sur la couchette dénudée
sur la couchette effilochée
rien qu'un oreiller solitaire
ah-ah-ah-ih-aïah
ah-ah-ah-ih-aïah


Couverture pour solitaire
couverture raide et glacée
ah-ah-ah-ih-aïah


par un cauchemar pénétrée
ah-ah-ah-ih-aïah

Elle crut tout, petite femme
croyant le bien, croyant le mal
croyant les mots les plus sournois
ah-ah-ah-ih-aïah
ah-ah-ah-ih-aïah


Demain sera le jour
demain sera le jour


des bleus noirs comme suie "
[ Coups, violences conjugales ]


Il puisait ses racines dans la tradition orale du folklore finlandais, le Kantelatar, épopée lyrique racontant en chansons les malheurs de jeunes femmes, d'enfants et d'hommes afin d'alléger leurs souffrances. Catharsis de l'époque comme une 'purge' (cfr roman). Fonctionne toujours aujourd'hui.


" Cette nuit-là j'avais pas les bonne chaussures
et pas la bonne jupe,
cette nuit-là j'avais pas la bonne tête et pas la bonne jupe.

C'est pour ça que c'est arrivé, c'est pour ça que ça m'est arrivé, c'est pour ça que ça m'arrive
à moi


Cette nuit-là j'avais pas l'argent pour le taxi
et cette nuit-là j'étais passablement soûle.
C'est pour ça que c'est arrivé, c'est pour ça que ça m'est arrivé, c'est pour ça que ça m'arrive
à moi


pas les bonnes chaussures


tous les sols bougent
chaque porte est fermée
je lave les vitres les carreaux le lavabo,
je lave tous les jours
la nuit je me réveille en rêve:
tout le monde se moque de moi


du moisi flotte sur le café et la crasse
ne part jamais


je tire les rideaux, je vais sous la douche, je m'assieds là jusqu'au jour suivant, au lit suivant, j'attends la vie suivante, je rachète du savon, je rachète du shampoing, je rachète des brosses à dents, du dentifrice, des brosses à récurer, j'enlève les miroirs.


quelque part les mouettes emportent
les sandwiches des enfants
quelque part on vend des fraises
quelque part les gens prennent le soleil
comme s'ils le méritaient et ils vivent
chez moi personne ne vit


Cette nuit-là je n'avais pas les bonnes chaussures
et pas la bonne jupe,
cette nuit-là j'avais pas la bonne tête et pas la bonne jupe.

C'est pour ça que c'est arrivé, c'est pour ça que ça m'est arrivé, ce qui m'arrive
à moi

- Pas les bonnes chaussures -
Deux mois avec sursis et quarante heures de travaux d'intérêt général
[ Blog fermé pour plainte en diffamation du violeur ]


Qu'est-ce qui m'a donné envie de lire cette auteure ?
* Un reportage vu sur Arte fin avril 2021 parlant de son Roman Purge, Prix Femina, et de sa genèse (St Fr) => lien:
https://www.youtube.com/watch?v=WNpQUd5uqvA
&

* Les 25 ans de la création des Monologues du Vagin 1996 - 2021, texte d'Eve Ensler. Pièce vue au Théâtre de Poche en 2001 (Fanny Cottençon, Isabelle Wery, Sophie Duez, etc....)


Les deux ayant en commun de mettre à la portée de tous, aux oreilles et aux yeux de tous, des Tabou X: violences sexuelles, incestes, trahisons, une certaine vision du corps de la femme et de son instrumentalisation par l'homme, etc.... hors les grandes signatures des magazines People ou manchettes de journaux.


A 10 ans d'écart (pièces), 2000 - 2011, le théâtre avait donc ouvert ses portes à des sujets dont on parlait peu ou mal et qui sont toujours d'actualité aujourd'hui: la sexualité, la violence faite aux femmes, l'inceste, le viol.

Dans ce recueil, l'Auteure nous chante et nous (ra) conte les violences intrafamiliales, sexuelles, psychologiques, mentales, physiques au sein du couple, au sein de la famille. Ce linge sale qu'on ne lavait pas en public dans les années 2010 en Finlande. Sorti chez Points. Points Poésie, en avril 2021 (Texte original FIN 2011)


" Je cours. Je cours pour ma vie. Personne ne sait à quoi ça ressemble, à moins d'en avoir fait l'expérience, de courir pour échapper à la mort. ça a un goût de sang, de nuit d'été sec, râpeux, silencieux et concentré. La peau s'écaille sous mes pieds qui percutent l'asphalte. Je cours dix, vingt, cent mètres, je passe devant de nombreuses maisons. Je ne veux pas aller tout de suite chez les voisins: si le meurtrier me suit, il aura vite fait de me rattraper. Je cours et je crie. Je crie au secours. Je hurle. Comme dans les mauvais films, comme dans un rêve cauchemardesque. Ce n'est pas vrai.
NON. NON. NON. " - Je cours pour ma vie -
[ Féminicides, podium des premières places: Finlande ]

BE: le numéro gratuit pour les victimes de violences conjugales est le 0800 30 030.
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Kantelatar
« En Finlande, les femmes ont proportionnellement deux fois plus de risques d'être tuées par leur conjoint que dans les autres pays occidentaux, et les violences domestiques y sont la cause de décès de 20 femmes par an en moyenne. ». Un constat si particulièrement dramatique et alarmant que Sofi Oksanen a souhaité écrire un essai à mi-chemin entre poésie et récit journalistique pour dénoncer les violences faites aux femmes, en Finlande mais partout dans le monde.
La première partie est rédigée sous forme de poèmes qui sont des paroles de chansons poursuivant ainsi la tradition de la « kantelatar » (piliers de l'identité nationale finnoise). Des chants aux titres évocateurs qui s'attachent à décrire la vie des femmes en Finlande, victimes de violences, la plupart intra-familiales. Elles sont crues et très dures, évoquent tour à tour l'emprise, le dégoût de soi, la honte, la résignation, la révolte devant les peines minimes dont écopent les auteurs («Deux mois avec sursis et quarante heures de travaux d'intérêt général »), la peur, puis le désir de revanche, la vengeance fantasmée, jusqu'à l'ultime décision de partir (enfin) et de tenter de construire une nouvelle vie avec toutes les difficultés que cela implique (je suis toujours révoltée par le fait que ce sont les femmes victimes qui sont obligées de quitter leurs foyers, et pas leurs conjoints maltraitant). Ces chants sont entrecoupés d'apartés où l'auteur se souvient : « Je me souviens d'une amie qui allait chez le médecin, et on lui a dit que le crâne est comparable à une coquille d'oeuf. À force de recevoir des coups, tôt ou tard, il finit par craquer. le nombre de fêlures a ses limites » - « Je me souviens d'un couple de retraités : c'était lui qui cuisinait et qui servait à table, et il mettait tellement de sel dans l'assiette de sa femme que le plat était toujours immangeable. » - « Je repense à cette parente qui disait toujours que le plus important, chez un mari, c'est qu'il ne frappe pas. » - « Je me souviens de la femme de notre immeuble qui disparut quand j'étais à la maternelle(…) L'homme l'avait dépecée et avait conservé les morceaux du corps dans son camion frigorifique. ») qui permettent de conceptualiser les textes.
Dans une seconde partie au titre parlant (On aurait pu l'éviter), Sofi Oksanen explique la démarche de son projet*, l'histoire de ses chants et dresse le portrait d'une société finlandaise encore prisonnière d'un carcan de traditions patriarcales, bien loin de l'image qu'on pourrait avoir des pays scandinaves, réputés être tellement avancés en matière de droits humains.

*Une jupe trop courte. Récits de la cuisine est à l'origine un projet de Sofi Oksanen et Maija Kaunismaa, qui comprend un recueil de paroles de chansons, un double CD de Kaunismaa sous le même titre, un spectacle musical représenté au Théâtre national de Finlande, et une tournée finlandaise des deux artistes en automne 2011. L'ensemble a permis de soutenir la lutte contre les violences intrafamiliales en Finlande.
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J'avoue, j'ai hésité avant de le saisir sur le rayon, un petit peu...
J'aime la poésie et me cantonne le plus possible à la lire en v.o., par crainte de perdre par la traduction la saveur des mots d'un texte poétique ...
Mais c'est Sofi Oksanen. Alors, je ne pouvais résister longtemps.

Ces récits de la cuisine sont comme des instantanés courts et efficaces pour évoquer les violences domestiques mais pas seulement...
Sofi Oksanen nous parle avant tout des femmes, dans leur complexité : leurs paradoxes, leurs doutes, leurs complexes, leurs jalousies, leurs violences, leurs forces, leurs conditions, leurs subterfuges.
Parce que c'est compliqué d'être une femme, encore aujourd'hui. de s'extirper du carcan social imposé sans se perdre, ou de perdre ses proches...

Sofi Oksanen nous parle d'égarement tout autant que de révolte, de soumission que de remords. C'est à la fois poignant et révoltant, troublant.

Tout aussi perturbant est le constant qu'elle dresse sur la méconnaissance voire le déni existant en Finlande en matière de violences conjugales. Pourtant reconnu comme étant un pays modèle en matière d'égalité hommes-femmes, il s'avère « qu'une femme en souffre dans un couple sur cinq », qu' « en Finlande, les femmes ont proportionnellement deux fois plus de risque d'être tuées par leur conjoint que dans les autres pays occidentaux », sans pour autant que la population finlandaise n'en ait véritablement conscience.

Tel est le projet avoué de ce recueil, participer à donner corps à cette réalité pour la combattre et soutenir la lutte contre les violences intrafamiliales.

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Un essai court et poignant qui regroupe textes de chanson écrits par Sofi Oksanen pour mettre en scène des femmes victimes de violence, et une dizaine de pages présentant la situation des violences de genre en Finlande, où la réalité est bien différente de ce que l'on pourrait penser de prime abord d'un pays scandinave.

Les coups, le viol, la manipulation et l'alcoolisme sont les thèmes principaux de cet ouvrage, aussi triste que poétique. Les dernières pages revenant sur les statistiques concernant les violences faites aux femmes en Finlande sont frappantes, et mettent à bas le mythe de l'égalité parfaite entre les genres : on découvre que l'opinion publique se soucie bien peu de ces sujets, et que les crimes sont rarement punis ou que les peines sont bien légères au regard des autres pays européens. J'ai trouvé particulièrement intéressante la réflexion sur les crimes commis par des personnes "dérangées psychologiquement", et comment une certaine tolérance peut être directement responsable de meurtre.

Bref, une lecture pas vraiment gaie, mais particulièrement édifiante pour s'informer sur la situation de la Finlande en ce qui concerne les violences faites aux femmes.
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Cet ouvrage, paru en 2021 en France, date, dans sa version originale, de 2011.
Sofi Oksanen s'est associée à la chanteuse Maija Kaunismaa pour créer un projet musical autour des violences intrafamiliales, en particulier faites aux femmes, face au constat de « normalité » revêtu par ce type de violences en Finlande, aux chiffres particulièrement hauts, comparé autant à ses voisins nordiques qu'à des pays traditionnellement réputés plus machistes tels que l'Espagne.

Les textes sont courts, percutants, souvent avec une sorte de refrain (chanson oblige).
Ils dénoncent la violence des femmes envers elles-mêmes, envers leurs alter ego féminins, la pression de la société, autant masculine que féminine, son aveuglement aussi, la culpabilisation continuelle des femmes, en particulier quand elles sont victimes.
Certaines parties sont entrecoupées de ce qui semble être des témoignages succincts de victimes, contextualisant souvent les textes.
Le recueil se clôt par une réflexion de l'autrice évoquant autant l'historicité que l'actualité des violences faites aux femmes en Finlande en particulier.

C'est écoeurant, cela donne la nausée, et ce n'est que la stricte réalité…

Cela continue de m'interroger sur mon vécu de femme, mon regard sur les femmes, mon être au monde de manière générale, les femmes en devenir, le regard des hommes sur les femmes, les hommes en devenir.

Certains de ces textes me sembleraient particulièrement intéressants à étudier avec des jeunes, autant filles que garçons. Planter au moins une petite graine de doute, de mise en question, et laisser germer.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je me souviens d'une amie qui allait chez le médecin, et on lui a dit que le crâne est comparable à une coquille d"oeuf. A force de recevoir des coups, tôt ou tard, il finit par craquer. Le nombre de fêlures a ses limites.
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"Tous les jours il me frôle

sa main par inadvertance

me tapote comme une brave vache"
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En Finlande, les femmes ont proportionnellement deux fois plus de risques d'être tuées par leur conjoint que dans les autres pays occidentaux, et les violences domestiques y sont la cause de décès de 20 femmes par an en moyenne.
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Ça m'ulcère
Et pourtant, j'en crèverais
si quelqu'un s'en apercevait
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Vidéo de Sofi Oksanen
Depuis son invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, l'armée russe utilise le viol comme arme de guerre. Les violences sexuelles sont organisées, planifiées et ont pour objectif de détruire l'ennemi. Elles sont récurrentes en zone de conflits. Comment l'invasion russe en Ukraine peut-elle servir de modèle pour comprendre les mécanismes du viol de guerre ? Comment mener une enquêter sur les violences sexuelles en temps de guerre ?
Pour répondre à ces questions, Guillaume Erner reçoit : Céline Bardet, juriste et enquêtrice criminelle internationale, fondatrice et directrice de l'ONG "We are Not Weapons of War". Sofi Oksanen, écrivaine.
Photo de la vignette : manifestions en février 2022 à Londres contre les crimes sexuels en Ukraine / TOLGA AKMEN / AFP
#ukraine #viol #russie
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Purge, de Sofie Oksanen

En 1939-1945, l’Estonie était rattachée à :

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