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Critique de HordeDuContrevent


« le soleil s'est enfoncé jaune dans le bleu sombre de la mer en inventant un beau coucher de soleil d'une couleur métisse que des paroles n'auraient pu expliquer. Nous regardions, c'est tout ».

Des cris bleus, mais aussi des fourmis et des langoustes tout aussi bleues, des explosions parcourues de cerfs-volants multicolores virevoltant dans la nuit noire de Luanda, des fantômes bienveillants, un fou aux dreadlocks mêlées de sable et de bouts de coquillage brillants, un crocodile dans une niche, des grands-mères charmantes, des petits-enfants jouant à la guerre des boutons avec des Soviétiques, en défenseur de leur communauté, une poésie de couleurs éclatantes et d'odeurs délicieuses, voilà les trésors de tendresse que vous trouverez dans ce livre angolais qui parle avec la voix d'un enfant terriblement attachant qui croie à des ciels dansants…

Ndalu de Almeida, pseudonyme Ondjaki, s'est inspiré de sa propre enfance pour nous narrer cette histoire rocambolesque. « L'enfance est insondable dans ses secrets et magies : ce n'est pas l'astrologie sérieuse qui m'intéresse mais le manteau de poésie que libèrent les étoiles ».
Et quelle réussite ! Rires, émotions et poésie sont au rendez-vous de cette lecture qui sort totalement des sentiers battus. En regardant sa photo sur Babelio, je me dis que cet auteur a dû vivre une enfance de rire, d'amour et de liberté pour avoir su conserver un tel regard, enfantin, un tel sourire, éclatant, et une plume aussi magnifique pour parler avec magie et amour de l'enfance.

GrandMèreDixNeuf…pourquoi cette étrange appellation ? Car elle a dix-neuf petits enfants ? Pas du tout. Car elle habite au 19 de la ruelle d'une banlieue pauvre de Luanda ? Non, encore moins. Tout simplement parce qu'elle a été amputée d'un orteil. Elle a donc 19 orteils désormais ce qui en fait une célébrité dans le quartier où tout le monde se connait, s'épie, s'invite et se soutient. Cette grand-mère, qui me fait penser aux grands-mères de Nougaro, au caractère bien trempé aimant la castagne, a l'énergie et la patience de s'occuper avec amour d'une bande de gamins intrépides, curieux, débrouillards, respectueux des anciens. Nous sommes près de Luanda, au bord d'une petite plage dans laquelle les enfants aiment se baigner et émettre des cris bleus, cris et hurlements de joie sous l'eau, « des voix mouillés de cris muets ».

Agostinho Neto est le premier Président de l'histoire d'Angola. Dans ce pays auparavant colonie portugaise, désormais indépendant, ce président a instauré, dès 1975, une dictature d'inspiration marxiste-léniniste, consolidant ainsi les liens avec ses alliés soviétique et cubain. C'est ainsi que des coopérants soviétiques, dans les années 80, sont en train de construire sur la PraiadiBispo, la « plage du prêtre », là où habitent précisément ces habitants, un Mausolée gigantesque pour la momie d'Agostinho Neto. L'objectif, par la même occasion, est également de construire un nouveau quartier, plus moderne, et pour cela il est prévu de raser les maisons, la seule richesse de ces habitants…Notre petit héros et son meilleur ami vont organiser la résistance, avec l'aide d'un Soviétique, ami de GrandMèreDixNeuf.

Ce livre déborde d'humour, notamment de jeux de mots, et de tendresse à chaque coin de page tout en nous faisant vivre un pan de l'histoire de l'Angola mais vu à hauteur d'enfant. Il déborde de vie, de bruits, de joie. Ce livre c'est une caresse enfantine, innocente, pure, salvatrice. C'est un éloge émouvant à l'enfance, à toutes ses forces, ses espoirs, ses potentialités. Un éloge au mélange des générations et à la différence.

« Comme ça, tout nus, nos corps rafraîchis par un petit vent doux, regardant les cerfs-volants qui survolaient notre place de PraiaDiBispo, moi, Charlita et Pi, plus connu sous le nom de camarade TroisQuatorze, nous sautions par-dessus les coquillages, les trous de crabes qui fuyaient affolés, pour retrouver la sensation de l'eau salée sur nos corps pressés de plonger dans l'écume blanche de la mer obscure, à cette heure de fêtes et de rires, nous étions là, à la recherche de la zone un peu plus profonde, là où nos corps pouvaient danser doucement afin de garder l'air de nos poumons pour nos cris et je me suis souvenu des adultes, de tous ces adultes que j'ai connus et qui souvent ne savent pas croire aux secrets simples des enfants… ».

Un livre attachant, frais, tendre, encore une très belle découverte grâce aux éditions Métailié et aussi à Idil de façon complètement fortuite :)) , j'ai à présent vraiment hâte de lire « Les transparents » du même auteur !

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