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Critique de CDemassieux


A l'agité du bocage

« Les controverses les plus furieuses ont pour objet des matières où il n'y a aucune sorte de preuve. » (Bertrand Russel)
Plus coutumier des auteurs reposant dans leurs « cendres de conséquence », je n'envisageais pas de me pencher sur la prose essayiste du sieur Onfray : les philosophes, à de rares exceptions, m'excitent autant qu'une session de l'Assemblée nationale à la veille des grandes vacances ! C'est alors que vint à mes oreilles, à l'époque de la sortie de ce livre, un concert d'injures adressé à l'auteur…
Après quelques renseignements glanés çà et là, je découvrais que ledit philosophe fascisant célébrait Nietzsche à défaut d'Alfred Rosenberg ; ne portait pas de tee-shirts avec imprimé en grosses lettres : « I Love Pinochet !» (à la manière des jeunes filles en fleurs affichant leur amour pour New York ou Londres sur des poitrines turgescentes à l'arrivée des beaux jours !) ; qu'enfin il n'était même pas membre de l'Amicale bavaroise de la Raie au Côté ! Alors pourquoi tant de tapage ? Je devais lire le crépuscule d'une idole pour comprendre (essayer au moins !) :
Sans adhérer aveuglément à la remarque introductive des Caractères de la Bruyère, selon laquelle tout serait dit et l'on viendrait trop tard, j'éprouve toutefois cette vérité qu'il n'est rien que je puisse penser ou écrire à partir du néant. Je crois à la psychanalyse comme à un formidable champ d'investigation, mais je ne la crois ni autosuffisante, ni née de nulle part. de ce point de vue, Onfray fait bien de rappeler que Freud n'est pas un prophète qui aurait entendu des voix intérieures, et seulement elles, pour inventer la psychanalyse.
Onfray frappe dans la fourmilière et pointe les contradictions de Freud, ses dissimulations, les travaux qu'il s'approprie, etc., avec une méticulosité de légiste.
Hélas pour étayer sa thèse, il force souvent le trait. Voir le passage du Roi Lear : les ficelles sont tellement énormes qu'elles pourraient maintenir un supertanker en équilibre dans les airs ! Idem pour la fin de la seconde partie, où on glisse franchement dans le mélodramatique éculé. Pourquoi convoquer Marilyn Monroe, symbole de la fragilité psychique ? La psychanalyse n'y est pour rien, il me semble, dans sa descente aux enfers. Et, selon pas mal de témoignages, à commencer par ceux de l'actrice, elle l'aidait même à supporter le poids de ses souffrances.
La psychanalyse ne saurait avoir tout faux, monsieur Onfray !
Oui, la charge érotique symbolique des objets est parfois évidente. le cinéma a d'ailleurs très bien compris l'usage qu'il pouvait en faire, notamment pour tromper la censure : la dernière image de la mort aux trousses d'Hitchcock est un train pénétrant dans un tunnel (précédée par celle d'un Cary Grant attirant sur sa couchette une Eva Marie Saint très consentante !). Suis-je alors irrémédiablement contaminé par la pensée freudienne ?!
Certes, Freud est à bien des égards un personnage antipathique (beaucoup d'autres le sont, qui ont malgré tout élevé l'humanité !). Il n'empêche : parce que des thérapeutes ont su séparer le vin de l'ivraie dans sa pensée, des patients ont bénéficié des bienfaits de la théorie psychanalytique, riches et pauvres mêlés. Que le fondateur de la psychanalyse soit effectivement un opportuniste, obsédé par la reconnaissance n'enlève rien à son talent de découvreur.
La conclusion du Crépuscule d'une idole le reconnaît elle-même : la psychanalyse n'est pas vide de substance, au contraire. Avec elle, au moins, les malades psychiques ont cessé d'être des monstres : ils sont redevenus des hommes. C'est déjà pas mal.
Onfray, quelles que soient nos réserves sur le contenu de son essai, invite à une chose essentielle : ne pas céder à la pensée unique. Malheureusement, Freud n'est plus un penseur : il est devenu une idole pour ses féroces thuriféraires. D'où impossibilité de débattre.


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