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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'ai découvert avec ce livre un Camus Nietzchéen et comme le précise Michel Onfray, un social libertaire. Ce dernier réhabilite la pensée philosophique de Camus salit par les sartriens et toute cette gauche intellectuelle hégélienne à cause du contenu de son livre intitulé L'homme révolté. On y découvre un parcours sans faute de la résistance jusqu'au conflit algérien.
Pour la forme c'est un peu les mêmes reproches que j'ai déjà fait pour le crépuscule d'une idole, un peu moins brouillon tout de même et un peu long. Sinon c'est une découverte importante, voilà un de mes futurs compagnons de route pour l'humanisme face au nihilisme absurde de notre époque.
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J'ai lu, au mois de janvier-février 2022, le livre de Michel Onfray consacré à Camus, L'Ordre libertaire. Je précise que j'ai adoré, dans mon adolescence, Onfray, en particulier le Désir d'être un volcan, en tant que philosophe lumineux et nietzschéen. A tel point que l'ouvrage sur Camus est dédicacé par l'auteur (« Pour Emmanuel, parce qu'il n'y a pas que Kant dans la vie. La preuve : Camus… »). Je précise aussi que j'ai toujours aimé Camus, son oeuvre, sa façon de vivre sa philosophie, sa capacité à ne s'être jamais trompé là où un Sartre a commis toutes les erreurs. Bref, ce livre devait être fait pour moi, car fan du biographe et de sa « victime ».
Le premier problème est que Onfray parle plus souvent de lui, de ses idées, que de Camus (un seul exemple les pages 506-507 où il théorise l'ordre anarchiste et le désordre bourgeois sans citer une seule fois Camus, le summum étant atteint dans les pages suivantes où Onfray cite abondamment un ouvrage de Gaston Leval, passe toute sa vie et ses thèses en revue, tout en précisant que « Camus n'a pu lire ce livre paru dix ans après sa mort »…Onfray est bien plus crédible quand il va chercher un autre texte de Leval, au sein des archives Camus d'Aix-en-Provence et pour lequel il est attesté que Camus l'a approuvé mais ces passages là étaient suffisants pour la démonstration et ils arrivent 10 pages plus loin en toute illogique…). A de nombreux égards, il extrapole sa propre pensée pour faire dire à Camus des choses qu'il n'aurait sans doute pas validé. Ainsi faire de Camus un adepte de Proudhon est sans doute très exagéré. de même quand il prétend à longueur de page (ainsi page 446) que la grande majorité des européens d'Algérie faisant partie de « l'Algérie d'en bas », ils ne peuvent être assimilés à des colons. Là encore est ce une thèse défendue par Camus ? Rien ne vient l'étayer. Par ailleurs, c'est quand même vite oublier que pour les populations indigènes, tout étranger devient un colon en puissance, non pas en fonction du pouvoir dont il dispose, mais par sa seule présence en tant qu'étranger. D'autant plus que par construction ce sont ces deux populations (algériens « d'en bas » et européens d'Algérie « d'en bas ») qui se côtoient le plus…
L'autre problème est que Onfray cherche moins à parler de Camus qu'à entreprendre le procès de Sartre. Un seul exemple, page 444 du livre où Onfray écrit « le couple Stéphan Fedorov / Ivan Kaliayev au théâtre (dans la pièce Les Justes) se nomme Jean-Paul Sartre / Albert Camus à la ville ». Un prof écrirait dans la marge : « justifiez ! »; et dans Wikipédia, on verrait écrit immédiatement : « cette partie n'est pas assez étayée ». Et moi j'ai ajouté dans la marge « vite dit »…De même quand l'ami Onfray écrit à deux reprises (pages 439 et 446, d'ailleurs de manière très rapprochée et inutilement redondante) que « la grande majorité des algériens n'a jamais souhaité massivement l'indépendance avant que le FLN ne leur fasse vouloir », cherchant là à justifier la ligne « neutre » de Camus, encore faudrait-il le chercher dans l'oeuvre de Camus, voire dans les auteurs historiques de l'Algérie. Là c'est asséné et il faut le croire…
Le troisième problème est que Onfray n'évoque jamais vraiment la vie de Camus avant la page 467 où il procède de manière radicalement inverse (quitte à tomber dans le people) et déduit à partir des Justes ces principes philosophiques à partir d'anecdotes de sa vie…Certes, il s'agit de sa « vie philosophique », mais de là à ne pas évoquer l'ensemble de sa vie est quand même problématique…ainsi pour avoir lu en parallèle la Correspondance Camus / Casarès, je peux dire que son rapport à l'Algérie est différent de celui qu'évoque Onfray, et que le choix de sa mère plutôt que de la justice, marque plutôt un problème profond d'indécision de la part de Camus, caractéristique récurrente de son oeuvre et de sa vie. Il ne parle jamais de politique à Maria, et s'ébaubit sur les paysages de son Algérie natale. Il est certes difficile de prendre partie quand un conflit touche autant à l'intime. Mais pourquoi ne pas le dire comme cela ? de même quand Onfray justifie la position de Camus sur l'Algérie (refusant la perspective de l'indépendance pour éviter son islamisation) en indiquant qu'il était « fédéraliste », c'est oublier ce que le même Onfray a écrit quelques pages plus tôt où Camus revendique un État pour la Kabylie…
A partir de la page 467, Onfray fait dire à Camus que la maladie psychiatrique de Francine et les quolibées reçus par l'intelligentsia parisienne, lui font écrire les Justes, sans même évoquer que l'argument du livre (un homme passe sur un pont, entend une femme crier et chuter dans l'eau et…ne se retourne pas et continue son chemin) est très largement Sartrien dans son approche. Pas étonnant, et ça, Onfray en convient, que Sartre a aimé le livre…
Donc Onfray parle de sa philosophie sans le relier à sa vie et parle de sa vie en en déduisant de manière simpliste des principes de philosophie…
La quatrième problème est qu'à force de confondre sa propre pensée et celle de Camus, à force de pouvoir à tout prix opposer Sartre et Camus pour les besoins de la cause, Onfray manie les concepts de manière floue et superficielle. Ainsi, Camus est selon Onfray un « socialiste libertaire »; libertaire, soit, mais socialiste ? du fait de ses origines ? de son pacifisme ? de son Proudhonisme ? A un autre moment Onfray évoque le fait que Camus développe un socialisme non marxiste (et s'oppose à tout Saint-Germain-des-près); c'est historiquement incontestable, surtout quand on voit à quel point le marxiste a su comme un trou noir attirer les intellectuels de l'entre-deux-guerres. Mais qu'est ce qu'un socialisme non marxiste ? Est-ce que Camus était seul à défendre ce point de vue ? (Ainsi par exemple les surréalistes tels que Breton et consorts). On n'en saura rien.
A l'opposé apparaît tout à coup (à partir de la page 500) la notion de « socialisme césarien » qui serait celui de Sartre. Aucune définition ne précède ce concept, par ailleurs appelé parfois (page 506) « marxisme césarien » sans qu'on sache s'il s'agit de la même chose ou pas. On comprend l'idée bien sûr, Mais la rigueur intellectuelle en prend quand même un coup. La démonstration d'Onfray convainc en revanche lorsqu'il parvient à montrer que Camus ne fut pas social-démocrate, mais que sa recherche de l'équilibre l'empêchait réellement de créer un « système philosophique ».

Cela dit pourquoi chercher à tout prix à tout justifier chez Camus ? Sartre s'est beaucoup trompé parce qu'il a eu des partis prix radicaux, et que du haut de notre XXIème siècle on peut le renvoyer dans ses buts. Pour Camus c'est plus difficile car il a toujours cherché la ligne de crête…jusqu'à admirer Gandhi…c'est sans doute son honneur mais il est mort à 46 ans ce qui laisse moins de temps pour se tromper…

Là où Onfray devient intéressant c'est quand il rattache Camus au courant de la French theory (Derrida, Deleuze, Lyotard,…) et qu'il le place en précurseur de cette pensée. Dommage que ce soit trois pages avant la fin et qu'il ne développe pas plus cet aspect. Dommage aussi que l'on ne sache pas si les auteurs en question valide cette parenté. En revanche, d'accord avec Onfray pour dire que Camus n'est pas le représentant d'un libéralisme contre le Sartre marxiste et que la victoire d'un Giscard en 1974 (ou d'un Macron actuellement) est plus l'avènement de la pensée de Aron que celle de Camus. Sans que ce soit d'ailleurs incriminant…Camus cherchait tellement la troisième voie, qu'il a engendré une pensée riche, nuancée, parfois contradictoire, mais qui prête tellement à une vie philosophique. C'est là qu'Onfray achève son ouvrage et là oui on ne peut qu'être d'accord avec lui…

En synthèse, Onfray a une pensée (voire une idéologie, même si comble de l'ironie, il écrit à propos de Camus « L'idéologie, qui l'empêche de penser, ne l'aveugle pas » (page 500), ce qui n'est malheureusement plus le cas de Onfray) trop puissante, trop forte pour traiter de Camus comme il le fait. son livre est en fait une « théorie de l'anarchisme libertaire » (ce qu'il fait d'ailleurs dans sa conclusion, sans se rendre compte (?) qu'il l'a fait à tout bout de champ dans les 520 pages précédentes…) et le sous-titre aurait pu être « tentative de présentation à partir de l'oeuvre de Camus » mais auquel cas il aurait du faire preuve de plus de pédagogisme et oublier de vouloir démontrer à tout prix que Sartre s'est trompé toute sa vie là où Camus aurait eu raison…d'autant que cela fait longtemps que l'on apprend sur les bancs de l'amphithéâtre Boutmy que des générations entières d'intellectuels ont préféré avoir « tort avec Sartre que raison avec Aron ». de la part de l'irrationalité dans l'entendement humain…
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