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EAN : 9782226440624
528 pages
Albin Michel (09/01/2019)
3.67/5   114 notes
Résumé :
Comment se comporter dans une civilisation qui menace de s’effondrer ? En lisant les Romains dont la philosophie s’appuie sur des exemples à suivre et non sur des théories fumeuses.
Sagesse est un genre de péplum philosophique dans lequel on assiste à la mort de Pline l’Ancien et à des combats de gladiatrices, à des suicides grandioses et à des banquets de philosophes ridicules, à des amitiés sublimes et à des assassinats qui changent le cours de l’histoire.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un essai qui contient de bons principes et des passages instructifs, mais dont le résultat n'est pas à la hauteur des ambitions, de ce qu'on est en droit d'attendre d'un livre de sagesse, et dont la lecture s'avère assez souvent irritante du fait d'interprétations contestables, voire fallacieuses.

L'intention première de Michel Onfray est louable : mettre en relief la philosophie romaine en tant qu'école de vertu, par l'évocation de diverses figures qui incarnent de nobles qualités, à savoir le courage, la volonté, la loyauté, la fidélité, la frugalité, la dignité, toutes les valeurs grâce auxquelles un individu peut se tenir débout, droit, en marche vers la grandeur. À la différence de la philosophie grecque, jugée plus spéculative ou métaphysique, la philosophie romaine se veut une pratique des vertus, ce dernier mot désignant en latin les qualités viriles, propres à l'homme, faisant de lui un être qui travaille à l'accomplissement de son humanité par l'exercice de ces qualités qui ne sont pas des possessions, mais des biens immatériels. Chez ce peuple de guerriers, le sens de l'honneur commande de ne pas se refuser au combat, mais d'y mettre toute son ardeur, sous peine d'être déshonoré et acculé à la honte et même au suicide. La belle vertu qu'est la fides, mot dont sont dérivés en français la foi, la fidélité et la confiance et que Cicéron place au coeur de l'amitié véritable, est une qualité hautement estimée, un lien invisible entre seuls les gens de bien, et elle n'est pas dissociable du respect de la parole donnée, car la parole engage dès lors qu'elle est expression de l'être. Les Romains dignes d'admiration sont aussi des personnes vivant dans la sobriété, non affalés sur des coussins lors de banquets à la Pétrone, et sachant manier aussi bien le glaive que les instruments utiles à la culture des champs. Il faut reconnaître à Michel Onfray une démarche qui ne manque pas de volonté de grandeur, parce que les modèles donnés restent, après deux millénaires, des exemples à méditer et imiter. En effet, rien ne forme mieux une personne que le récit de la vie d'hommes et de femmes illustres, parfois connus pour un seul geste, mais un geste qui revêt une valeur d'édification, sans moraline ni catéchisme. Il faut aussi reconnaître que l'auteur a un certain talent de conteur et d'historien lorsqu'il narre les épisodes de la vie de Caton l'Ancien, de Scaevola, des Gracques... Son ouvrage se révèle à mes yeux le plus intéressant dans ces parties narratives et historiques et dans les portraits, servant d'intermèdes, des principaux philosophes romains : Cicéron, Lucrèce, Sénèque (les pages décrivant sa « double vie » sont assez savoureuses), Marc Aurèle, Épictète, Plutarque et Lucien de Samosate (quoique ces derniers aient écrit en grec…). Aujourd'hui, comme hier, l'importance des Romains est majeure en termes de modèle de civilisation et de noblesse individuelle et devrait justifier l'étude rigoureuse de leur culture, leur droit et leur langue : ce devrait être au programme de toutes les bonnes écoles, quoi qu'en pensent nos ministres et experts en management.

Cet essai, qui débute par le souvenir de l'éruption du Vésuve en guise d'allégorie nous invitant à savoir vivre au pied d'un volcan, du péril et de la destruction, est construit en trois grandes parties, intitulées « Soi – Une éthique de la dignité », « Les Autres – Une morale de l'humanité » et « le Monde – Une écosophie des choses », parties elles-mêmes divisées en plusieurs chapitres dont les titres sont formés d'un verbe seul : « Penser », « Exister », « Contempler », « Rire », etc. Chaque chapitre s'appuie sur l'histoire d'une grande figure romaine pour donner matière à des réflexions philosophiques, par exemple le viol de Lucrèce pour mettre en exergue la vengeance en lien avec la quête d'honneur familial et de pureté retrouvée. Il peut sembler très ambitieux de vouloir traiter autant de sujets (l'amitié, l'amour, le suicide, la mort, la consolation, la croyance, l'action politique, etc.) en seulement une vingtaine de pages par thème. Si l'ambition est de dresser un vaste panorama des attributs de la sagesse, l'impression regrettable est de survoler ce qui ne peut être envisagé avec superficialité, ce qui mérite d'être approfondi pas nécessairement en noircissant des pages et en publiant cinq ou six livres par an, mais en creusant plus encore des questions essentielles avant de partager les fruits de sa recherche philosophique – et la profondeur ne dédaigne pas la concision. Michel Onfray semble avoir écrit plus pour des étudiants et des amateurs de philosophie que pour de fins lettrés et de vrais philosophes, d'où des répétitions, des explicitations didactiques et des lourdeurs de style ; et sa thèse selon laquelle le judéo-christianisme a mis fin aux vertus romaines et qu'il importe de renouer avec celles-ci pour sortir du nihilisme pourrait s'énoncer comme je viens de le faire, sans besoin de l'assener jusqu'à la rendre indigeste, d'autant qu'elle est fausse – j'y reviendrai.

Sans commenter tous les chapitres, dont certains sont convaincants, en particulier ceux sur les rapports entre maître et discipline, sur la réflexion et sur la vieillesse, je souhaite pointer quelques éléments d'une philosophie matérialiste qui suscitent chez moi de sérieuses réserves, pour ne pas dire une opposition franche. S'agissant du suicide, Michel Onfray relate les fins – en fait ordonnées par le régime – de Socrate et de Sénèque pour illustrer combien la mort volontaire peut être un acte maîtrisé par la raison, un choix d'homme libre non soumis à des passions du moment telles une rupture amoureuse ou une blessure narcissique, qu'il qualifie de « prétextes futiles » pour se suicider. Et si le suicide – non ordonné, car ce serait un meurtre – était la marque d'un échec personnel, d'un manque de courage et d'espoir ? Et si c'était une mauvaise solution dans tous les cas ? L'essayiste le présente comme une possibilité tout à fait compréhensible dès lors qu'il procède d'une « réflexion sainement conduite et mûrie avec le temps ». Quoi d'étonnant, alors, si, dans un autre chapitre, il parle d'un monde contenant plus de maux et de vices que de bien et de réjouissances, et si la procréation équivaut généralement à mettre au monde un malheureux, tiré du néant et qui retournera au néant ? « Ne pas faire d'enfant ne relève donc ni de l'égoïsme ni de l'individualisme mais de l'altruisme : il s'agit d'éviter d'infliger de la souffrance et de la douleur à autrui, de le préserver de façon radicale de la négativité du monde en ne l'y exposant jamais puisqu'on en a le choix ; il suffit de faire fonctionner sa raison et son intelligence. » Il est vrai que les philosophes ont rarement des enfants de chair ; ils mettent plus souvent leur puissance dans les oeuvres de l'esprit. Michel Onfray se veut pareillement plus éclairé sur le monde que la majorité des gens pris dans des fictions lorsqu'il regarde la passion amoureuse comme un risque de naufrage de la raison et comme une simple combinaison chimique, la fameuse ruse de la Nature dont parlait Schopenhauer en vue de la reproduction de l'espèce ; et, en homme plus intelligent, il lui préfère ce qu'il appelle le véritable amour, c'est-à-dire une construction voulue sur le long terme, après avoir pesé les qualités et les défauts du partenaire, l'important étant là encore l'acte de volonté. On ne s'étonnera donc pas que la contemplation résulte pour lui d'une faculté, chez les « âmes bien nées », à percevoir « une volonté de puissance qui fait naître une immense quiétude » et des « preuves de l'existence de soi ».

Tout est ainsi ramené à hauteur d'homme, qui s'attribue la grandeur, la force, l'intelligence… L'homme, cette poussière pensante dans l'univers, ne tolère pas que la contemplation des espaces infinis, effrayants pour certains, ne soit pas la preuve de la puissance de sa raison, l'attestation de son élan vital – une représentation comme une autre, une pure subjectivité. L'homme, dans ses fanfaronnades, veut s'attribuer la gloire d'apprécier la beauté des cieux, et il ne veut pas entendre que cette beauté est peut-être la preuve de l'existence de Dieu. Non ! s'écrie Onfray, qui revendique son athéisme et se veut, à la suite de Nietzsche dont il reprend les mêmes concepts, le pourfendeur des arrière-mondes et le destructeur des Idées platoniciennes, de la Beauté, du Bien, du Vrai… Autant de fables, dit-il ! Lui est un esprit supérieur, qui sait distinguer le vrai du faux. Il n'est pas question d'accepter que l'homme ne maîtrise pas tout, ne comprend pas tout, ne possède pas tout, et qu'au contraire la beauté ne lui appartient pas, qu'elle est d'essence immatérielle, divine diront d'aucuns, et que l'amour échappe peut-être à notre volonté et que là est sa beauté, quand il nous bouleverse radicalement et nous appelle à l'infini, nous faisant goûter à l'éternité, non par un règlement de l'imagination, mais par une expérience très sensible. Et il arrive aussi que deux personnes s'aiment suffisamment fort pour que le fruit de leur amour soit un enfant, qu'ils désirent élever en lui transmettant leur passion pour la vie, qui peut être belle, noble et merveilleuse en dépit des souffrances dans le monde et dans l'existence individuelle, la grandeur résidant alors dans le dépassement des souffrances et la poursuite d'une vie passionnée. Et cette vie peut être enrichie par l'âme d'un être cher qui s'est suicidé, parce que l'expérience de l'amour, du grand amour, fait sentir que l'âme est immortelle. Et les Romains aussi éprouvaient un désir d'éternité, ainsi qu'en témoignent Horace et Virgile, très peu évoqués dans cet ouvrage Sagesse. Et Nietzsche lui-même savait qu'il est des choses éternelles…

L'écueil d'avoir des disciples est de voir sa pensée édulcorée, déformée ou ramassée en quelques formules qui lui font perdre sa substance. Il en va ainsi de Michel Onfray, disciple de Nietzsche, qui savait qu'un philosophe a une responsabilité envers l'humanité et qu'il doit être très prudent et avisé dans ses propos, pour ne pas détruire n'importe comment, pour ne pas exercer de mauvaise influence sur des générations entières. Un philosophe comme Nietzsche reste extrêmement pertinent à bien des égards, mais il se trompe au moins dans un domaine, dans son interprétation selon laquelle le judéo-christianisme est un nihilisme, et, de là, Onfray martèle qu'il faut une morale sans dieu dans l'ère postchrétienne. Sauf qu'un monde sans dieu quel qu'il soit, sans transcendance et sans spiritualité, est un monde privé de verticalité, dans lequel l'homme ne peut pas s'élever au-delà de ses propres repères, de son petit intellect, un monde dans lequel le « surhomme » n'est pas possible et où une « haute civilisation » à la romaine est dépouillée de son énergie. Pourquoi Rome a-t-elle périclité ? La question hantait déjà les Romains avant Jésus Christ. Tite-Live écrivait, au moment des décennies de crise ayant vu la fin de la République et le début de l'Empire, que Rome en était arrivée à un stade où elle ne supportait plus même de remède à ses maux. Quels sont ces maux ? Montesquieu, par exemple, s'est intéressé à cette question fascinante sur la grandeur et la chute des Romains. Les facteurs de décadence sont multiples, ils sont notamment moraux : les moeurs se sont relâchées, l'avidité et la corruption se sont développées, les puissances mauvaises se sont propagées, parmi lesquelles le goût du pouvoir et l'égoïsme sans frein au détriment de la piété envers les ancêtres, de l'intérêt public et de la vertu comme fondement d'une République. le nihilisme est provoqué par une perte des valeurs qui constituaient le sens de la vie individuelle et collective ; il s'accompagne d'un déchaînement de « passions » mauvaises, et il fallait que les Romains se soient déjà effondrés moralement et spirituellement pour que le christianisme devienne religion d'empire, non comme un symptôme d'effondrement, mais comme un moyen de remettre un peu de vertu dans la machine et comme une subversion du message du Christ, de cette parole engageant la personne à la liberté et à l'amour, le christianisme en venant même par de nombreux aspects, avec cette institutionnalisation, à être une trahison du Christ, ainsi que le démontre magistralement Jacques Ellul dans son livre La Subversion du christianisme. Ce même Ellul, qui inspire des penseurs radicaux de notre temps, livre une critique sans concession de la religion chrétienne, une critique plus âpre et éminemment plus profonde que celle d'Onfray, et pourtant il était chrétien… Sans le message du Christ, les temps médiévaux auraient été encore plus ravagés par la violence, la folie, le nihilisme… Et bien des chevaliers, portés par leur foi, ont montré une ardeur admirable au combat et une noblesse d'âme qu'un Caton l'Ancien aurait saluée. Dans chaque siècle et chaque pays ont vécu des êtres dignes, valeureux et remarquables, quand bien même ils étaient discrets et ne furent pas célébrés par un Plutarque.

Une question que Michel Onfray ne traite guère et qui me semble fondamentale est celle-ci : peut-on aujourd'hui être Romain ? N'y a-t-il pas des obstacles à la réalisation d'une vie selon ces grandes valeurs, des obstacles autres qu'un manque de volonté ? La responsabilité du philosophe est d'être d'une extrême lucidité quant aux problèmes de son temps, de démasquer les mensonges et de discerner les puissances à l'oeuvre qui empêchent cet épanouissement individuel et cette constitution républicaine au sens premier du terme. Quelqu'un comme Jacques Ellul, ce chrétien anticonformiste, est précisément connu pour son analyse sociologique des phénomènes d'aliénation et de soumission, au pouvoir, à l'argent, à la propagande, à la technique, aux différents déterminismes, à tout ce qui fait que l'homme se trouve empêché de penser, d'aimer, de vivre libre. Chacun est appelé à la grandeur, et l'héroïsme consiste aussi dans la critique tranchante des idées, des institutions et des puissances qui nous rétrécissent.
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Dans cet ouvrage Michel Onfray pose des questions très pratiques comme : " Quel usage faire de son temps? Qu'est-ce que tenir parole ? À quoi ressemble une morale de l'honneur ? " etc...
Comme j'adore la philo et les cafés philo, ce livre m'a permis de poser plein de questions philosophiques dans les ateliers philo que j'ai créé dans les différents bars de la commune .
Ainsi " Au rendez-vous des sportifs" , j'ai soumis cette question au groupe : " Quel usage doit-on faire de son temps ?" La réponse du groupe a été : jouer aux boules avec les copains; aller voir un match de foot, le sac à dos rempli de bières; foncer à toute vitesse avec le quad sur le chemin du halage... de bien belles conclusions.
Au café "Les vrais patriotes, amis du drapeau tricolore " , nous nous sommes interrogés sur : "Faut-il s'occuper de politique ? ". La réponse a été oui et on a fait " c'est la chenille qui redémarre " en chantant la Marseillaise.
"Au café des anciens", j'ai posé cette question : "Est-il possible de bien vieillir ?" La réponse a été non. le patron a alors offert une tournée générale gratuite pour que les discussions reprennent dans le café devenu très silencieux. Les yeux révulsés, il m'a dit de ne plus jamais revenir dans son bistrot.
" Aux amis du ballon ovale", j'ai lancé la discussion : " La frontière entre aimer d'amitié ou d'amour ? " Comme les rugbymen adorent la plaisanterie, quatre gaillards m'ont soulevé de terre, m'ont sorti du café et m'ont jeté dans la mare aux canards.
Au " Catholic bar", en face de l'église , le thème a été : " Faut-il philosopher pour bien vivre ? "La réponse a été non, la religion suffit amplement et on m'a inscrit d'office au groupe de paroles : Jésus est parmi nous.
Je remercie donc tout particulièrement Michel Onfray pour son ouvrage qui m'a permis d'ouvrir tant de discussions intéressantes dans les cafés philo.
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Dans son troisième volume de la Brève encyclopédie du monde, intitulé Sagesse, Michel Onfray réhabilite la philosophie romaine, peu connue et mal considérée. Or les Romains, loin de l'image de Barbares véhiculée entre autres par les péplums, sont des gens pragmatiques et concrets. La philosophie est pour eux une sagesse pratique qui exige la vie philosophique qui l'accompagne. Bien avant d'être dominés par le christianisme, les Romains, dont Celse fut le dernier païen, avaient une morale laïque sur laquelle il est intéressant de se pencher.

Du courage des gladiateurs devant la mort à l'exigence de tenir sa parole, de l'importance de la notion d'honneur qui fait préférer le suicide à une vie déshonorée, de l'otium ou temps libre comme un art de vivre, beaucoup de leçons de sagesse sont à apprendre de nos ancêtres les Romains. Et du bon sens. La relation du maitre et de celui qu'on élève, l'art de bien parler pour bien vivre, l'hygiène de vie pour éviter la maladie et bien vieillir, la question de mettre au monde ou pas des enfants, la fermeté dans la douleur grâce à la connaissance de ce qui dépend de nous et ce contre lequel on ne peut rien. La mort, par exemple, qu'il faut apprivoiser car elle n'est qu'un retour au néant dont nous sommes issus, ou bien un simple sommeil comme le pense Catulle.

Cette philosophie concrète s'exprime dans la vie de tous les jours, pour répondre à nos questions et Michel Onfray nous en donne de nombreux exemples : la vie frugale de Caton, le suicide de Lucrèce victime d'un viol, la double vie de Sénèque, poète et homme de pouvoir perfide, la morale païenne de Plutarque, la lettre de consolation à sa femme de Cicéron suite à la mort de leur enfant, l'existence austère le l'empereur Marc-Aurèle. Preuve qu'une morale sans Dieu et sans religions est possible, permettant d'éviter tout le sang répandu en leur nom. Vivre en Romain c'est rester droit, être égal à soi-même, ce qui donne une belle vie. Des leçons à méditer en notre époque troublée et menacée par le retour du religieux…
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La densité de ce livre est telle qu'il semble réducteur d'en parler en quelques lignes.
Juste l'évoquer pour en conserver la trace...
Je retiendrai essentiellement l'opposition entre le pragmatisme romain et l'intellectualisme grec qui se borne principalement aux joutes de l'esprit sans s'occuper de la pratique quotidienne.
Pour les Romains, c'est en cela que réside la "sagesse".
Voici ce qui ressort de la lecture de ce troisième (et non le dernier) volet philosophique concocté par Michel Onfray après "Cosmos" et "Décadence".
La quatrième de couverture parle de "péplum" et en effet nous parcourons, de manière non chronologique, les différentes périodes de la Rome antique et découvrons les protagonistes qui l'ont peuplée.
Des philosophes se succèdent dont certains, dans leurs propos, frappent par leur modernisme.
Ceux-ci s'inscrivent dans l'universalité de l'histoire des Hommes. Les défauts sont bien éternels et tout fut dit dès l'Antiquité. Quant aux leçons à en tirer, le rêve se poursuit...
Certains, par leurs vies, contredisent leurs propos éclairants de sagesse (Cicéron, Marc-Aurèle...), d'autres émeuvent (Tiberius, Caius Gracchus...), certains étonnent (Rufus et sa diététique...), d'autres encore sont admirables (Lucien de Samosate, Celse "l'éclaireur"...).
A travers tous ces chapitres qui traitent chacun d'un aspect de la vie, il y a toujours des leçons à tirer qu'elles proviennent des stoïciens ou des épicuriens.
Des mises au point se dessinent notamment à propos d'Epicure.
Sans surprise les coups de coeur de Michel Onfray vont davantage aux matérialistes et hédonistes (Lucrèce parmi d'autres).
Il ne se prive pas de pourfendre les arrières-mondes de tous bords et leurs superstitions.
Vers la fin du livre, on ressent les liens qui unissent "Sagesse" aux deux précédents.
Vivre en Romain, vivre en droiture, sagesse et courage, vivre surtout dans la pratique quotidienne reliée à ce que l'on aspire et défend.
Voilà ce que prône Michel Onfray : foin des sophistes, foin des Idées, foin des universitaires en milieu clos, foin des langages sectaires.
Il ressort que la philosophie est celle qui se vit dans la simplicité de ce qui est, dans le regard porté sur la nature, dans une réalité raisonnable et raisonnée.
Le dernier chapitre est plus personnel et montre le développement d'une nouvelle approche de Rome et de la philosophie.
Il attire aussi l'attention sur les différentes strates qui recouvrent la pensée occidentale et induit les interprétations des textes antiques.
Tel est le propos de ce livre qui, en regard de notre société en perdition, conduit Michel Onfray à une position qu'il juge seule tenable, celle de l'Honneur face à une réalité perçue comme tragique.

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« Savoir vivre au pied d'un volcan » clame le bandeau rouge entourant « Sagesse », le troisième volume de ce qui devait être une trilogie intitulée « Brève encyclopédie du monde ». « Cosmos » le premier volume se voulait une philosophie de la nature. le second, « Décadence » devait proposer une philosophie de l'histoire et ce troisième volume, « Sagesse », une philosophie pratique.
Au final, après avoir lu les trois volumes, j'en ressors avec une impression très mitigée. Les qualités de synthèse et d'argumentation de Michel Onfray ne sont pas en cause car il est vraiment doué pour « faire passer » son sujet. A peine pourrait-on lui reprocher certaines accumulations et redites. Je préfère préciser d'emblée que le sujet quasi unique de cet ouvrage est la philosophie romaine, ce qui n'a pas été assez écrit à mon avis.
J'attendais une sorte de philosophie pratique pour aujourd'hui et il n'en a pas été question jusqu'à la toute fin.
Je cite :
« Seule une morale préchrétienne permet de sortir d'une situation postchrétienne. Au pied du volcan qui gronde et menace d'exploser, savoir vivre ici et maintenant, droit, debout, vertical, voilà la seule tâche qui nous incombe. À tous ceux qui se sentent les contemporains de Pline l'Ancien, je souhaite le courage des gladiateurs, hommes ou femmes, car il ne nous reste plus rien d'autre à faire dans l'attente de ce qui ne manquera pas d'advenir : du feu, de la lave et des cendres ».
Donc, pour lui les jeux sont faits. Il ne nous reste qu'à vivre courageusement, à la Romaine, en attendant l'effondrement général des choses… Permettez-moi de trouver cette conclusion un peu courte.
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critiques presse (1)
LeJournaldeQuebec
25 février 2019
Devant ces menaces de volcans en ébullition, Onfray nous propose une morale du stoïcisme. Vouloir vivre, vouloir aimer, une autre façon de transformer le monde.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (81) Voir plus Ajouter une citation
Il n'y a pas d'enfer, poursuit Lucrèce. Ni supplice de Tantale, ni Styx à traverser, ni Nocher pour conduire la barque, ni Sisyphe poussant son rocher, ni Cerbère gardant les enfers, ni Tartare rempli de flammes, ni Furies pour punir parjure et parricide, ni Tityus supplicié, rien de tout cela n'existe : l'enfer a bel et bien lieu, mais sur terre - c'est là où l'homme punit son semblable dans des geôles ou en le jetant du haut d'un précipice, avec de la poix et du feu, avec des fers et des crocs, avec des carcans et des bourreaux...
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Quand une catastrophe advient, et chacun aura compris que l’éruption du Vésuve est une allégorie, il y a trois façons de se comporter.La première est celle de gens qui fuient, hurlent, crient, se lamentent, s’arrachent les cheveux, veulent mourir par crainte de la mort mais ne meurent pas par un amour déraisonnable de la vie ; ils ramènent tout à leur propre personne et ont tellement fait leur deuil d’autrui qu’ils sont prêts à passer sur le corps des vieillards et des malades, des enfants et des femmes pour sauver une vie qui, de toute façon, est perdue et ne valait déjà pas grand-chose : l’histoire est écrite, il n’y a qu’à la vivre – le feu du Vésuve aura lieu, il a lieu.
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Il vaut mieux que la plupart des jeunes gens qui prétendent étudier la philosophie ne fréquentent pas un philosophe, je veux parler de tous ceux-là qui sont corrompus et efféminés et dont la venue ne peut que déshonorer la philosophie, il n’y en a aucun qui n’eût désiré passer sa vie à la campagne avec un homme de bien, même si cette vie se révélait être très rude, parce qu’il retirerait grand profit de ce séjour en fréquentant le maître jour et nuit, en vivant à l’écart de la corruption des villes, qui sont un obstacle à l’étude de la philosophie, car il ne pourrait se faire illusion sur la valeur, bonne ou mauvaise, de sa conduite, ce qui constitue un très grand avantage pour les apprentis philosophes. Manger, boire, dormir sous les regards d’un homme de bien, c’est un grand avantage.
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Le livre coûte cher ; peu savent lire ; posséder des livres permet d’afficher son rang social de la même manière qu’avec des statues ou des beaux meubles ; Pline en a – normal. Il écrit des vers de onze pieds – des hendécasyllabes ; il les fait lire en public et demande à ses amis qu’ils les lui corrigent. Au bain, dans la litière qui le conduit de Rome à sa maison, pendant les repas, il compose sur des sujets divers : « des plaisanteries, des jeux d’esprit, de l’amour, du chagrin, des plaintes, des colères ; des descriptions, parfois sans prétention, parfois visant à la grandeur ».
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La décence des gens ignorants et simples, la bienséance et les convenances, l’honnêteté et la correction, la probité et la modestie dont ils font preuve constituent de véritables leçons de sagesse. Il faut rire de ceux qui affectent d’être philosophes mais dont la vie témoigne qu’ils ne le sont pas. Voilà l’ultime leçon romaine offerte dans le rire et la dérision par Lucien de Samosate : ce qui fait la philosophie n’est pas le discours philosophique mais la vie philosophique. La raison de la dérision est dérision de la déraison.
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Vidéo de Michel Onfray
*INTRODUCTION* : _« […] Je veux seulement, Monsieur, vous faire part d'une chose que j'ai lue dans Montaigne, et qui marque son bon goût. Il souhaitait devenir assez savant pour faire un recueil des morts les plus éclatantes dont l'Histoire nous parle. Vous qui êtes son partisan, vous approuverez ce dessein que j'exécute en partie. En effet, le véritable point de vue où je placerais une personne qui veut bien juger du ridicule qui règne dans le monde, est le lit de mort. C'est là qu'on se détrompe nécessairement des chimères et des sottises qui font l'occupation des hommes. Nous sommes tous fous ; la folie des uns est plus bouillante, et celle des autres plus tranquille. »_ *André-François Boureau-Deslandes* [1690-1757], _À Monsieur de la Ch…_
_« Rien ne doit plus nous frapper dans l'histoire des grands hommes, que la manière dont ils soutiennent les approches du trépas. Je crois que ces derniers moments sont les seuls, où l'on ne puisse emprunter un visage étranger. Nous nous déguisons pendant la vie, mais le masque tombe à la vue de la mort, et l'Homme se voit, pour ainsi dire, dans son déshabillé. Quelle doit être alors la surprise ! Tout l'occupe sans le toucher : tout sert à faire évanouir ce dehors pompeux qui le cachait à lui-même. Il se trouve seul et sans idées flatteuses, par ce qu'il ne peut plus se prêter aux objets extérieurs. Cette vue a cela d'utile en flattant notre curiosité, qu'elle nous instruit. Il n'est rien de quoi, disait Montaigne, je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eus ; mille endroits des histoires que je remarque si attentivement. Il y paraît, à la farcissure de mes exemples, et que j'ai en particulière affection cette matière*._ _Je suis persuadé que la dernière heure de notre vie est celle qui décide de toutes les autres. »_ *(Chapitre III : Idée générale d'une mort plaisante.)*
* _« Et il n'est rien dont je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, de quelle parole, quel visage, quelle contenante ils y ont eus, non plus qu'il n'est d'endroit dans les histoires que je remarque avec autant d'attention. Il apparaît à la farcissure de mes exemples que j'ai cette matière en particulière affection. Si j'étais faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts diverses. Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre. »_ (« Chapitre XIX : Que philosopher c'est apprendre à mourir » _in Montaigne, Les essais,_ nouvelle édition établie par Bernard Combeaud, préface de Michel Onfray, Paris, Robert Laffont|Mollat, 2019, p. 160, « Bouquins ».)
*CHAPITRES* : _Traduction d'un morceau considérable de Suétone_ : 0:02 — *Extrait*
0:24 — _Introduction_
_De quelques femmes qui sont mortes en plaisantant_ : 0:49 — *1er extrait* ; 2:08 — *2e*
_Additions à ce qui a été dit dans le IX et dans le XI chapitre_ : 3:15
_Remarque sur les dernières paroles d'Henri VIII, roi d'Angleterre, du Comte de Gramont, etc._ : 6:09 — *1er extrait* ; 6:36 — *2e*
_De la mort de Gassendi et du célèbre Hobbes_ : 7:45
_Remarques sur ceux qui ont composé des vers au lit de la mort_ : 10:47
_Examen de quelques inscriptions assez curieuses_ : 13:52
_Des grands hommes qui n'ont rien perdu de leur gaieté, lorsqu'on les menait au supplice_ : 14:33
_Extrait de quelques pensées de Montaigne_ : 15:31
_S'il y a de la bravoure à se donner la mort_ : 17:37 — *1er extrait* ; 18:57 — *2e*
_De quelques particularités qui concernent ce sujet_ : 19:14
19:28 — _Générique_
*RÉFÉ. BIBLIOGRAPHIQUE* : André-François Boureau-Deslandes, _Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant,_ nouvelle édition, Amsterdam, Westeing, 1732, 300 p.
*IMAGE D'ILLUSTRATION* : https://www.pinterest.com/pin/518547344600153627/
*BANDE SONORE* : Steven O'Brien — Piano Sonata No. 1 in F minor Piano Sonata N0. 1 in F minor is licensed under a Creative Commons CC-BY-ND 4.0 license. https://www.chosic.com/download-audio/46423/ https://www.steven-obrien.net/
*LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES* :
_CE MONDE SIMIEN_ : https://youtu.be/REZ802zpqow
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/B0C6NCL9YH *VERSION NUMÉRIQUE* _(.pdf)_ : https://payhip.com/b/VNA9W
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