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Critique de JCanonne


On va sûrement s'exprimer ainsi : “tiens, il ne chronique plus les indépendants, l'autre connard ?” ou bien encore “tiens, il veut se la jouer intellectuel, l'autre connard ?”. Dès lors, je répondrais avec la verve malhabile et simple : “oui et non” dans l'ordre. Pour “l'autre connard”, je ne ferai aucune remarque puisque d'évidence j'en suis un (après des années d'introspection, je suis enfin parvenu à m'accepter en tant que tel). Mais, je développe (pas pour l'aspect connard) : pour les indépendants, je ne trouve rien de bien palpitant qui ferait battre mon palpitant et pour l'intellectuel, j'avoue sans détour lire de tout. Tant que le sujet me touche. Et c'est le cas ici.

Michel Onfray ? Est-il nécessaire vraiment de le présenter ? Oui ? Comment ça, vous ne le connaissez pas ? Lâcher BHL un peu, de toute façon ce dernier est trop collet monté (blanc) et bien trop sûr de lui. Presque lisse le BHL. Onfray, c'est d'un autre niveau. Ce n'est même pas comparable. Déjà, il est plus souvent habillé en noir et quand il parle, bah on l'écoute. Il faut dire qu'il est polémiste malgré lui car ses pensées sont peu ordinaires. Hédoniste, épicurien, philosophe, politiquement ancré dans une gauche qui, selon lui, n'est plus représentée (celle de Proudhon), il a écrit une centaine d'oeuvres dans lesquelles il n'hésite pas à démontrer toute l'étendue de son talent. Et je ne vais même pas parler de l'université populaire et de ses actions quotidiennes en tant que chroniqueurs. Vous l'aurez compris : j'aime bien le bonhomme. Pourquoi ? Lorsque je l'écoute, je me sens toujours moins con. Et ça n'a pas de prix. J'ai beau ne pas toujours être d'accord avec ses points de vue, il n'empêche que je reste toujours impressionné par son verbe et ses convictions. C'est un homme qui compte et que l'on aimerait entendre plus souvent. Bon, il est vrai qu'il occupe beaucoup les médias tout simplement parce que les médias s'occupent de lui. Et pas toujours de la meilleure des manières... vous connaissez les médias et leur faculté à retranscrire une idée en une fraction de seconde tout en la déformant. Je ne citerai donc pas toutes les polémiques auxquelles Monsieur Onfray est lié. On va davantage s'intéresser à ce qu'il a écrit, notamment l'oeuvre citée en référence dans le bandeau d'accueil de cet article.

Zéro de conduite : carnets de campagne. Hum, déjà ça sent bon la critique. Et ça sent mauvais la politique. Désolé, mais il s'agira bien de politique dont il est question. Question au sens questionnement. Saisissez la nuance. Cet ouvrage n'est pas à classer à côté des réflexions habituelles de l'auteur (comme dans Cosmos ou dans le traité d'athéologie que je suis en train de savourer) mais davantage à côté des pamphlets. Avec un petit côté foutage de gueule en plus. Attention, on ne tombe pas dans la grivoiserie. Non, Michel Onfray est bien meilleur que cela. On se retrouve nez à nez (et donc pas cul à cul...plus digne de la grivoiserie gauloise sans filtre) avec un esprit plus proche de celui De Voltaire que de celui de Rabelais. Mais de quoi ça parle donc tout ça ?

Zéro de conduite est un recueil de réflexions chronologiques qui suit en fait la campagne de notre cher président jupitérien (que je verrais plutôt plutonien si ce n'est plutorien). Mais pas que... Même si notre président actuel demeure l'un des personnages principaux des écrits. Michel Onfray n'en oublie pas pour autant les autres acteurs. Les acteurs secondaires. Les acteurs primaires. Et ceux qui font de la figuration politique. Ainsi, à des dates choisis, il nous révèle ses réflexions face aux événements particuliers qui ont abouti à cette élection dans un style très “canard enchaîné”.

Attention, pas du canard de chez canard, par manque de foi, mais du “canard enchaîné” enrichi à la philosophie et à l'étude des symboles. Pour autant, et je rassure ceux pour qui la philosophie est un gros mot car difficilement compréhensible, l'écriture est fluide, agréable et surtout intelligente tout en restant intelligible. C'est du fois gras de “canard enchaîné” en fait.

C'est proche du canard enchaîné sans nous prendre pour une dinde...

Alors, oui, ça balance, ça balance sévère. C'est une valse permanente où tous nos politiques sont égratignés par une plume trempée dans le vitriole. Mais l'exercice n'est jamais facile. Ce n'est pas casser pour casser. C'est écrire pour enrichir et faire réfléchir. Lentement. Sûrement. Avec le sourire tout au long des pages. Qu'en ressort-il vraiment ? Une analyse pertinente des faits qui ont régi notre vie politique avant et après l'élection ultime. le Diable est dans le détail ; Onfray nous le montre. Entre l'obscurantisme des médias, lesquels vivent uniquement dans l'information “i” à l'instant “t” sans la moindre analyse réelle, les petits jeux en coulisse terminant souvent en trou lisse tellement les arrangements sont obscènes, entre les symboles d'une cinquième république taillée pour De Gaulle, mais pas taillée pour les autres, qui se meurt, on ne peut que ressentir une pointe de cynisme. Mais en tant que lecteur, même si l'on rit face à certaines comparaisons ou à certains jeux de mots (fins, comme je les aime), même si l'on rit simplement à la lecture des pages finement dessinées, on sort avec un sentiment d'abandon. Et c'est la force majeure de cet ouvrage, cousu comme il le fallait.

Rire n'est pas qu'une expression faciale voire vocale. Rire nous différencie des animaux car il pousse aussi à la réflexion personnelle. Et le tableau laissé au final par Michel Onfray est inquiétant. Pourquoi inquiétant ? Parce qu'il est réaliste. Ce que ressent le philosophe peut être ressenti par tous. Cette société consommatrice de tout, de sensations fortes, de larmes que l'on oublie le lendemain, de faits divers effrayants qui sont aussi vite oublié par les courbes liées à audience, consume la France jusqu'à lui en faire perdre sa grandeur. Non, je ne vais pas m'abaisser à citer les philosophes des lumières, les droits de l'homme ou tout autre symbole typiquement français qui peut nous enorgueillir. Ce serait trop simple et, finalement, peu productif. Cette société se perd, car les gens se perdent en son centre. On a tendance à oublier, nous-même, abasourdis, écrasés par un nombre d'informations toutes aussi inutiles que toxiques la simplicité. Et surtout, sous l'égide d'une pseudo-nouveauté politique, il en ressort un immobilisme politique dans lequel chaque citoyen s'enfonce. Les valeurs des anciens se perdent. L'ordre nouveau n'a qu'un nouvel habit, plus brillant les premiers jours, mais qui donne l'impression au fur et à mesure d'être celui de son arrière grand-père. La politique change sans changer. Et c'est un véritable désespoir que de l'admettre. J'ai eu des parents communistes, prolétaires qui se donnaient pour leurs idées. Dorénavant, et ce depuis Mitterrand (sur ce point, je rejoints entièrement les analyses de Michel Onfray), le libéralisme dicte sa loi. Et les politiques ne sont plus que des pantins à son service. Triste constat d'une société constituée d'humains qui ont perdu toute forme d'humanité. Celui qui trône au dessus de la société civile, celui qui détient le pouvoir ne fait que le rappeler. Il l'a fait durant sa campagne et continue de le faire.

Je sais : c'est alarmant. Et c'est finalement ce qui fait le sel de ce “zéro de conduite” qui ne manque pas de poivre. Faire rire, oui. Mais faire pleurer également. Et ce n'est pas donné à n'importe quel philosophe que de réussir un pamphlet littéraire d'une telle qualité et d'une telle densité. Hé oui, Monsieur BHL, vous pouvez retourner à vos études, vous qui, dernièrement, cracher avec une inexactitude flagrante sur votre confrère.

Ainsi “zéro de conduite” demeure fort recommandable. Tout d'abord, pour ceux qui veulent de la finesse d'analyse tout en conservant un rictus amusé durant la lecture. Ensuite, pour tous ceux qui veulent découvrir Michel Onfray par une oeuvre plus abordable que les autres.

Bref, et vous l'aurez compris : un excellent livre qui change de ce que nous proposait Onfray tout en conservant son oeil d'antan et les valeurs de son fin esprit.

Signé : Un lecteur avide d'en savoir davantage, mais qui n'a pas les moyens de s'offrir la centaine d'oeuvres écrites par Michel Onfray.

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